LOGEMENT DECENT : L’HUMIDITE PERSISTANTE ET QUELQUES AUTRES NUISANCES RENDENT LE LOGEMENT INDECENT

Congé pour reprise personnelle

LOGEMENT DECENT : L’HUMIDITE PERSISTANTE ET QUELQUES AUTRES NUISANCES RENDENT LE LOGEMENT INDECENT

Cour d’appel de Riom, 1re chambre civile, 12 janvier 2021, RG n° 19/00924

Le caractère décent ou non du logement, le décret nº 2002-120 du 30 janvier 2002 pose essentiellement les exigences suivantes :

« Le logement doit satisfaire aux conditions suivantes, au regard de la sécurité physique et de la santé des locataires :

1. Il assure le clos et le couvert. Le gros oeuvre du logement et de ses accès est en bon état d’entretien et de solidité et protège les locaux contre les eaux de ruissellement et les remontées d’eau. Les menuiseries extérieures et la couverture avec ses raccords et accessoires assurent la protection contre les infiltrations d’eau dans l’habitation. Pour les logements situés dans les départements d’outre-mer, il peut être tenu compte, pour l’appréciation des conditions relatives à la protection contre les infiltrations d’eau, des conditions climatiques spécifiques à ces départements ;

2. Les dispositifs de retenue des personnes, dans le logement et ses accès, tels que garde-corps des fenêtres, escaliers, loggias et balcons, sont dans un état conforme à leur usage ;

3. La nature et l’état de conservation et d’entretien des matériaux de construction, des canalisations et des revêtements du logement ne présentent pas de risques manifestes pour la santé et la sécurité physique des locataires ;

4. Les réseaux et branchements d’électricité et de gaz et les équipements de chauffage et de production d’eau chaude sont conformes aux normes de sécurité définies par les lois et règlements et sont en bon état d’usage et de fonctionnement ;

5. Les dispositifs d’ouverture et de ventilation des logements permettent un renouvellement de l’air adapté aux besoins d’une occupation normale du logement et au fonctionnement des équipements ;

6. Les pièces principales, au sens du troisième alinéa de l’article R. 111-1-1 du code de la construction et de l’habitation, bénéficient d’un éclairement naturel suffisant et d’un ouvrant donnant à l’air libre ou sur un volume vitré donnant à l’air libre.

Article 3 

Le logement comporte les éléments d’équipement et de confort suivants :

1. Une installation permettant un chauffage normal, munie des dispositifs d’alimentation en énergie et d’évacuation des produits de combustion et adaptée aux caractéristiques du logement. Pour les logements situés dans les départements d’outre-mer, il peut ne pas être fait application de ces dispositions lorsque les conditions climatiques le justifient ;

2. Une installation d’alimentation en eau potable assurant à l’intérieur du logement la distribution avec une pression et un débit suffisants pour l’utilisation normale de ses locataires ;

3. Des installations d’évacuation des eaux ménagères et des eaux-vannes empêchant le refoulement des odeurs et des effluents et munies de siphon ;

4. Une cuisine ou un coin cuisine aménagé de manière à recevoir un appareil de cuisson et comprenant un évier raccordé à une installation d’alimentation en eau chaude et froide et à une installation d’évacuation des eaux usées ;

5. Une installation sanitaire intérieure au logement comprenant un w.-c., séparé de la cuisine et de la pièce où sont pris les repas, et un équipement pour la toilette corporelle, comportant une baignoire ou une douche, aménagé de manière à garantir l’intimité personnelle, alimenté en eau chaude et froide et muni d’une évacuation des eaux usées. L’installation sanitaire d’un logement d’une seule pièce peut être limitée à un w-c. extérieur au logement à condition que ce w-c. soit situé dans le même bâtiment et facilement accessible ;

6. Un réseau électrique permettant l’éclairage suffisant de toutes les pièces et des accès ainsi que le fonctionnement des appareils ménagers courants indispensables à la vie quotidienne. »

Il résulte du dossier des éléments suivants.

Le contrat de location est en date du 24 mai 2015. L’état des lieux d’entrée mentionne « passable » pour les plafonds et murs de l’entrée ainsi que de deux chambres, les deux autres étant notées « bon » uniquement pour les murs. Les menuiseries et les sols de la maison sont globalement notés « bon » avec quelques « passable » par exemple pour le sol de la salle de bains et pour le carrelage et les menuiseries de la cuisine.

Globalement, cet état des lieux fait ressortir une qualité moyenne de l’ensemble de l’habitation, mais ne témoigne pas d’une « indécence » par référence aux dispositions réglementaires ci-dessus reproduites.

Un dégât des eaux a été déclaré suivant constat amiable le 19 septembre 2015. Mme C. a écrit le 22 octobre 2015 à son assureur MAE pour lui demander de faire intervenir rapidement un expert. Dans cette lettre elle se plaint de nombreuses infiltrations d’eau à l’intérieur de l’habitation, et de moisissures sur les murs.

L’expert mandaté par l’assureur MAE a remis un rapport le 27 janvier 2016, d’où il ressort la présence de traces de moisissures sur le plafond de l’ensemble des chambres et de la salle de bains au premier étage, révélant un phénomène de condensation accentué par l’absence de VMC, ainsi que des infiltrations d’eau au plafond de ces pièces, dues à des fissures sur certaines plaques de fibrociment en couverture de la maison. L’expert constate également un affaissement du plancher de la salle de bains du premier étage, dû à des infiltrations d’eau en périphérie de la baignoire, perdurant d’après lui depuis plusieurs années. L’expert préconise de réparer la toiture afin de supprimer les infiltrations d’eau et de remettre en état les embellissements endommagés par celles-ci, de tels travaux incombant aux propriétaires, moyennant quoi il classe le dossier auprès de l’assureur des locataires.

De son côté l’assureur de Mme M. a aussi fait procéder à une expertise sur les désordres dont se plaignaient les locataires. Il en résulte dans un rapport du 30 novembre 2015 que de nombreuses taches de moisissure sont présentes dans les chambres et la salle de bains, résultant d’un « manque de ventilation manifeste dans les pièces », mécanique ou naturelle. Ce rapport montre également que certaines plaques de fibrociment sur la toiture présentent du jeu. Selon l’expert il conviendrait d’installer rapidement une VMC, de vérifier et resserrer les plaques ondulées en toiture, et de remettre en place la laine de verre dans les combles, afin d’éliminer les phénomènes de condensation. Les désordres étant liés à l’entretien courant de l’habitation, l’expert considère que les travaux n’ont pas vocation à être pris en charge au titre du contrat multirisques.

Des expertises réalisées à la diligence des deux assureurs, il apparaît que le bâtiment loué souffre essentiellement d’un défaut de ventilation des pièces habitables, et de fissures en toiture causant des infiltrations d’eau à l’intérieur de la maison. Les travaux nécessaires ne sont pas pris en charge par l’une ou l’autre compagnie.

Le temps a passé sans que manifestement aucuns travaux importants ne soient réalisés, et le 7 mars 2018 la caisse d’allocations familiales du Puy-de-Dôme a écrit à Mme C. pour lui préciser que « suite au diagnostic réalisé » le logement n’était pas conforme aux critères de décence, et dès lors l’allocation logement de 568 EUR « ne sera plus versée à votre bailleur ».

De même, dans un courrier adressé aux locataires le 21 mars 2018 le département du Puy-de-Dôme, service urbanisme et habitat, leur communique l’avis du comité technique et social qui a identifié des manquements aux critères de décence selon le décret du 30 janvier 2002, et des manquements au règlement sanitaire départemental.

Il résulte de cet avis établi le 27 février 2018, qu’une ventilation a été posée par les locataires, mais qu’aucuns autres travaux n’ont été réalisés. Le document met en évidence, au titre des infractions « au décret de décence » : le plancher de l’étage qui s’affaisse ; la présence d’humidité dans toutes les pièces du logement ; des infiltrations d’eau au niveau de la toiture ; une « fenêtre manquante sur menuiserie de la chambre » ; la porte d’accès au jardin qui n’est pas étanche ; la porte d’entrée qui n’est pas suffisamment étanche à l’air ; la toiture au-dessus de la buanderie et de la chambre du rez-de-chaussée qui n’est pas étanche à l’air ; la trappe d’accès à cette toiture qui n’est pas non plus étanche à l’air ; une rambarde absente dans l’escalier ; une « trappe d’accès à la cheminée posée au sol » ; la présence d’humidité et de moisissures au niveau des murs et dans les différentes pièces du logement ; le carrelage du sol de la salle de bains cassé en raison de l’instabilité du plancher ; l’installation électrique dangereuse dans les pièces de l’étage en raison des infiltrations en toiture ; le dessus de la fosse septique cassé ; la fosse septique bouchée avec débordement de boues et d’excréments et odeurs nauséabondes.

D’après une facture du 3 mars 2018, produite au dossier par Mme Edwige M., la vidange de la fosse septique a été réalisée, ainsi que le curage du réseau et l’évacuation des déchets.

Une VMC neuve a également été installée, comme cela résulte d’une attestation PINTO FERREIRA, non datée mais produite par les locataires eux-mêmes.

Faute de meilleurs éléments, il apparaît que les autres difficultés notées dans l’avis du 27 février 2018 subsistent.

Au titre de l’indécence du logement, il convient donc de relever : l’humidité persistante résultant de fuites en toiture, le garde-corps d’un escalier, les moisissures et l’installation d’électricité (points 1, 2, 3 et 4 de l’article 2 du décret du 30 janvier 2002). D’aucune manière ces éléments ne peuvent être considérés, contrairement à ce qui est plaidé par les bailleurs, comme résultant de l’incurie ou du défaut d’entretien des locataires.

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