CHEQUE LIBELLE A L’ORDRE DE DEUX BENEFICIAIRES : Précisions sur l’encaissement (Cass. com., 27 nov. 2019, nos 18-11.439 et 18-12.427, P+B)

Prescription de dette

CHEQUE LIBELLE A L’ORDRE DE DEUX BENEFICIAIRES : Précisions sur l’encaissement (Cass. com., 27 nov. 2019, nos 18-11.439 et 18-12.427, P+B)

Si la juxtaposition du nom de deux bénéficiaires sur un chèque ne constitue pas, en elle-même, une anomalie apparente, la banque présentatrice est cependant tenue, lors de la remise d’un chèque portant une telle mention par l’un des deux bénéficiaires pour encaissement à son seul profit, de s’assurer du consentement de l’autre, sauf circonstances particulières lui permettant de tenir un tel consentement pour acquis.

En l’espèce, M. Z., associé d’une société, a souscrit par l’intermédiaire de M. V., agent général d’une société d’assurance, des contrats d’assurance vie afin de constituer une garantie financière au bénéfice de sociétés de travail temporaire dont le capital était détenu par sa société. Cette société, qui était titulaire d’un compte ouvert dans les livres d’une banque (la banque tirée), a établi cinq chèques à l’ordre de la société d’asssurance qui ont été encaissés à son profit par l’agent général sur un compte personnel ouvert dans les livres d’une autre banque (la banque présentatrice). M. Z. et la société ont assigné la société d’assurance en qualité de mandante de M. V. en remboursement des sommes détournées par ce dernier. La société d’assurance a alors recherché la responsabilité de la banque présentatrice et de la banque tirée.

Concernant la banque tirée

La cour d’appel a écarté toute faute de la banque tirée. La société d’assurance a alors formé un pourvoi en cassation en soutenant que lorsqu’un chèque est émis au bénéfice de deux personnes distinctes ne disposant pas d’un compte joint, la banque tirée ne peut verser le montant de la provision sur le compte de l’un de ces bénéficiaires sans s’assurer du consentement de l’autre.
La Cour de cassation n’est pas de cet avis. Selon elle, « la juxtaposition du nom de deux bénéficiaires sur un chèque ne constitue pas, en elle-même, une anomalie apparente » et « lors de la remise d’un chèque portant une telle mention par l’un des deux bénéficiaires pour encaissement à son seul profit, la banque tirée, qui verse la provision entre les mains de la banque présentatrice à charge pour celle-ci d’en créditer le montant sur le compte du ou des bénéficiaires du chèque, n’est tenue ni de vérifier auprès du tireur, en l’absence d’anomalie apparente, matérielle ou intellectuelle, la sincérité de la mention ni de s’assurer du consentement de l’autre bénéficiaire ».

Concernant la banque présentatrice

La cour d’appel a retenu que la banque présentatrice avait commis une faute en encaissant des chèques litigieux à la demande d’un seul des deux bénéficiaires sans s’enquérir de l’accord de l’autre et l’a donc condamnée à garantir la société d’assurance à concurrence de la moitié des condamnations prononcées contre elle.

La Cour de cassation censure le raisonnement des juges du fond au visa de l’article 1382, devenu 1240, du code civil. Elle énonce tout d’abord que « si la juxtaposition du nom de deux bénéficiaires sur un chèque ne constitue pas, en elle-même, une anomalie apparente, la banque présentatrice est cependant tenue, lors de la remise d’un chèque portant une telle mention par l’un des deux bénéficiaires pour encaissement à son seul profit, de s’assurer du consentement de l’autre, sauf circonstances particulières lui permettant de tenir un tel consentement pour acquis ».
Puis elle ajoute « qu’en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la banque présentatrice ne pouvait pas considérer que M. F…, agent général de la société MMA Vie, avait reçu mandat de celle-ci pour l’encaissement des cotisations et, en conséquence, tenir pour acquis, lors de la présentation de chèques portant les noms de ces deux bénéficiaires, le consentement de la seconde à leur encaissement sur le compte du premier, la cour d’appel a privé sa décision de base légale ».
La Haute juridiction vient ici nuancer sa jurisprudence antérieure. Elle estimait avant que la banque présentatrice commettait toujours une faute en encaissant le chèque et en en versant le montant sur le compte de l’un des deux bénéficiaires, sans s’assurer du consentement de l’autre (Cass. com., 3 janv. 1996, n° 93-18.863, Bull. civ. IV, n° 1).

https://www.christian-finalteri-avocat.fr/actualites/droit-bancaire/