CEDH : ENFANT MAINTENUE EN VIE EN ETAT VEGETATIF SANS ESPOIR D’AMELIORATION

Erreur médicale

CEDH : ENFANT MAINTENUE EN VIE EN ETAT VEGETATIF SANS ESPOIR D’AMELIORATION

CEDH, 20 avr. 2021, n° 18533/21, Paula Parfitt

La fille de la requérante, âgée de cinq ans, souffre d’une encéphalopathie nécrosante aiguë et se trouve dans un état végétatif permanent sans perspective d’amélioration.

Le 8 janvier 2021, la High Court fit une déclaration selon laquelle l’arrêt des traitements par l’hôpital où était soignée l’enfant ne serait pas illégal.

Le 19 mars 2021, la Cour d’appel rejeta un recours, considérant que le juge avait pris une décision conforme à l’intérêt supérieur de l’enfant et la Cour suprême refusa l’autorisation de pourvoi.

La Cour reconnaît que dans ce domaine concernant la fin de la vie, comme dans celui concernant le début de la vie, les États doivent se voir accorder une marge d’appréciation, et pas seulement sur l’opportunité d’autoriser ou non le retrait du traitement artificiel de maintien de la vie et les modalités détaillées d’un tel retrait, mais aussi en ce qui concerne les moyens de trouver un équilibre entre la protection du droit des patients à la vie et la protection de leur droit au respect de leur vie privée et de leur autonomie personnelle. Cependant, cette marge d’appréciation n’est pas illimitée et la Cour se réserve le pouvoir de contrôler si l’État a respecté ou non ses obligations au titre de l’article 2.

La Cour a identifié trois principes permettant de reconnaître si les obligations des États concernant l’article 2 de la Convention ont été respectés.

L’existence dans le droit et la pratique nationaux d’un cadre réglementaire compatible avec les exigences de ce texte, s’il a été tenu compte des souhaits précédemment exprimés par le patient et de ceux de ses proches, ainsi que des opinions des autres membres du personnel médical, enfin la possibilité de saisir les tribunaux en cas de doute sur la meilleure décision à prendre dans l’intérêt du patient.

La Cour a toujours reconnu que le cadre réglementaire pertinent au Royaume-Uni ne révèle aucune lacune qui pourrait fonder une allégation défendable de violation du l’obligation des autorités nationales de protéger le droit à la vie.

Conformément au cadre réglementaire en place au Royaume-Uni, il y avait une obligation de s’adresser aux tribunaux en cas de conflit et l’hôpital où l’enfant était maintenue en vie a saisi la Haute Cour pour obtenir les déclarations et ordonnances nécessaires.

Concernant le deuxième principe, le juge de la Haute Cour était saisi du témoignage de douze médecins spécialistes très respectés et la question centrale de l’affaire était de savoir si l’enfant pouvait être soigné à domicile, mais sur cette question, même les spécialistes indépendants désignés par la requérante reconnurent qu’il n’y avait qu’une chance sur quatre qu’elle soit transférée avec succès dans un milieu familial et que son espérance de vie serait dans ce cas encore plus courte. Le juge a dûment tenu compte à la fois de la présomption claire selon laquelle la vie devait être préservée et de la volonté de la requérante. La Cour note en outre que bien que l’enfant ait été trop jeune pour avoir exprimé ses propres souhaits, ses intérêts étaient représentés séparément par un tuteur désigné par le tribunal et par des avocats mandatés en son nom, qui soutenaient la demande de l’hôpital. Le juge a également tenu pleinement compte du fait que si elle avait pu être interrogée, l’enfant aurait probablement voulu être à la maison plutôt qu’à l’hôpital, mais que la triste réalité était que comme elle manquait de conscience, elle ne tirerait aucun avantage d’être à la maison. Elle ne saurait même pas qu’elle était là.

Par conséquent, eu égard à la marge d’appréciation laissée aux autorités dans de tels cas, la Cour estime que le grief de la requérante tiré de l’article 2 de la Convention est manifestement mal fondé et doit donc être rejeté.

La Cour admet que la décision de la High Court a porté atteinte au droit de la requérante au respect de sa vie familiale. Cette ingérence étant à la fois conforme à la loi et poursuivant le but légitime de protection des droits et libertés de l’enfant, la seule question dont la Cour est saisie est de savoir si elle était proportionnée au but légitime poursuivi.

Les décisions des juridictions internes dans cette affaire ne sauraient être qualifiées d’arbitraires. Aux deux niveaux de compétence, l’examen des tribunaux a été minutieux et approfondi, tous les intéressés étaient représentés et des témoignages d’experts complets et de grande qualité ont été entendus. Tous les arguments soulevés ont été examinés et les tribunaux ont fourni un raisonnement clair et détaillé pour étayer leurs conclusions.

La décision d’appliquer le critère de l’intérêt supérieur de l’enfant ne peut être considérée comme sortant de la marge d’appréciation accordée aux États pour trouver un équilibre entre la protection du droit des patients à la vie et la protection de leur droit au respect de leur vie privée et familiale. En déterminant l’intérêt supérieur de l’enfant, le juge a clairement conclu que tant les traitements invasifs constants pour la maintenir en vie que la perte continue de liberté, de fonction et de capacité de jouir de l’enfance lui a causé un préjudice continu. Tout en reconnaissant que le préjudice serait plus important si elle avait pu ressentir de la douleur et de l’inconfort, il n’a pas considéré que cela pouvait être insignifiant mais la cour d’appel a convenu avec le juge de la High Court que l’existence d’un préjudice physique ne dépendait ni de la conscience ni de la capacité à ressentir de la douleur.

En conséquence, la Cour estime que le grief tiré de l’article 8 de la Convention doit également être rejeté comme manifestement mal fondé.