ASSURANCE-VIE : Faculté prorogée de renonciation au contrat d’assurance-vie et abus dans l’exercice de ce droit par l’assuré (Cass. 2e civ., 13 juin 2019, n° 18-14.743, P+B+I)

ASSURANCE-VIE : Faculté prorogée de renonciation au contrat d’assurance-vie et abus dans l’exercice de ce droit par l’assuré (Cass. 2e civ., 13 juin 2019, n° 18-14.743, P+B+I)

Le manquement d’un assureur à son obligation d’information précontractuelle lors de la souscription d’un contrat d’assurance-vie ouvre à l’assuré un droit de renonciation prorogé, sous réserve de ne pas exercer abusivement ce droit.

Deux arrêts rendus le 13 juin 2019 par la Cour de cassation viennent préciser les contours de ce droit de renonciation prorogé, en raison de l’absence par l’assureur de son devoir d’information préalable à la souscription du contrat d’assurance-vie (C. assur., art L. 132-5-2), et de la situation concrète de l’assuré, au moment de l’exercice de ce droit.

Dans un premier arrêt (Cass. 2e civ., 13 juin 2019, n° 18-14.743), la Cour de cassation opère un rappel des critères d’appréciation de l’exercice abusif ou non par l’assuré, de sa faculté de renonciation prorogée au contrat d’assurance-vie : « le détournement de la finalité du droit de renonciation ne peut être le fait que d’un investisseur parfaitement informé, qu’il l’ait été avant la souscription du contrat ou par la suite, l’abus ne pouvant se déduire du simple fait que le souscripteur décide de renoncer grâce à la prorogation du délai alors que son placement a subi des pertes ou même qu’il ait manifesté son mécontentement avant de renoncer à son contrat, ni seulement du temps s’étant écoulé depuis la souscription ».

En l’espèce, la Cour d’appel de Paris avait relevé que l’assuré était un investisseur profane (malgré la présence d’un courtier lors de la souscription du contrat ou à l’occasion de rachats programmés ou ponctuels), dont la lettre de mécontentement sur le sort de ses avoirs montrait sa mauvaise compréhension des produis structurés sur lesquels ses fonds avaient été placés.

L’assureur étant dans l’incapacité de prouver que l’assuré avait détourné la finalité de son droit de renonciation dans le seul but d’échapper à l’évolution défavorable de ses investissements, s’est donc vu condamner par les juges du fond, à verser à l’assuré les sommes relatives à son assurance-vie, majorées du taux d’intérêt légal, décision confirmée par la Cour de cassation.
 
Dans un second arrêt (Cass. 2e civ., 13 juin 2019, n° 18-17.907), la Haute Cour affine sa position en la matière.

Tout d’abord, la Cour de cassation indique « qu’à eux seuls les manquements de l’assureur à son obligation d’information lors de la souscription du contrat ne suffisent pas à exclure un détournement de la finalité de l’exercice par l’assuré de la faculté de renonciation ainsi prorogée, susceptible de caractériser un abus de ce droit ».

Puis, elle précise qu’il appartient aux juges du fond de rechercher « à la date d’exercice de la faculté de renonciation, au regard de la situation concrète de l’assuré…, de sa qualité d’assuré averti ou profane et des informations dont elle disposait réellement, quelle était la finalité de l’exercice de son droit de renonciation et s’il n’en résultait pas l’existence d’un abus de droit ».

En l’espèce, la Cour régulatrice censure la décision de la cour d’appel qui a condamné l’assureur à verser à l’assuré les sommes correspondantes à son contrat d’assurance-vie, se fondant sur le seul manquement de celui-ci à son devoir d’information, nonobstant la situation concrète de l’assuré (notamment sa bonne ou mauvaise foi) dans l’exercice de son droit de renonciation prorogé.

Ces décisions s’inscrivent dans la lignée de plusieurs arrêts rendus par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation le 19 mai 2016 (Cass. 2e civ., 19 mai 2016, nos 15-12.767, 15-12.768, 15-18.690 et Cass. 2e civ., 19 mai 2016, n° 15-18.691), où une place prépondérante a été accordée à la notion de bonne foi de l’assuré en cas de défaut d’information de celui-ci, se fondant sur le principe de loyauté qui s’impose aux contractants et sur la théorie de l’abus de droit.

En effet, « si la faculté de renonciation, prorogée en cas de non-respect par l’assureur du formalisme informatif, revêt un caractère discrétionnaire pour le preneur d’assurance, son exercice peut dégénérer en abus, de sorte que la jurisprudence n’opérant pas de distinction entre la bonne ou mauvaise foi de l’assuré ne saurait être maintenue ».

Ces décisions de 2016 ont constitué un revirement de jurisprudence majeur par rapport à la situation antérieure (v. par exemple, Cass. 2e civ., 7 mars 2006, nos 05-10.366 et 05-12.338). Elles se sont alignées sur le droit positif issu de la loi n° 2014-1662 du 30 décembre 2014 (JO 31 déc.) instituant le critère de bonne foi aux termes de l’article L. 132-5-2 du Code des assurances.

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