Imputabilité partielle si aggravation multifactorielle
Faits et procédure
Selon l’arrêt attaqué (Rennes, 27 mai 2020), un arrêt du 20 janvier 2010 :
– a condamné la Clinique à réparer les conséquences d’une infection nosocomiale contractée en 1989 par M. [U], à l’occasion d’une opération du genou,
– en retenant, lors de la liquidation des préjudices, un abattement des deux tiers. Abattement pour tenir compte de facteurs étrangers à l’infection ayant concouru à leur survenue.
L’état de santé de M. [U] s’est ensuite aggravé et a donc nécessité des hospitalisations et interventions en octobre 2005 et avril 2010.
Ces dernières consistant notamment en l’amputation d’une jambe.
Les 29, 31 octobre et 6 novembre 2013, après avoir obtenu une expertise en référé, M. et Mme [U] ont assigné :
– la clinique en indemnisation de l’ensemble des préjudices consécutifs à cette aggravation,
– et mis en cause la caisse du régime social des indépendants de Bretagne, ainsi que la caisse primaire d’assurance maladie du [Localité 4] qui a demandé le remboursement de ses débours.
Examen du moyen (Imputabilité partielle si aggravation multifactorielle) :
Enoncé du moyen
M. et Mme [U] font alors grief à l’arrêt de retenir un abattement de deux tiers au profit de la clinique.
Ils contestent l’indemnisation des préjudices résultant de l’aggravation, alors :
1°/
Que le propre de la responsabilité civile est de rétablir, aussi exactement que possible, l’équilibre détruit par le dommage.
Il doit replacer la victime dans la situation où elle se serait trouvée si l’acte dommageable n’avait pas eu lieu, sans perte ni profit pour elle.
Que pour réduire des deux tiers l’indemnisation des préjudices liés à l’aggravation de l’état de M. [U], l’arrêt relève que l’expert expose :
– d’une part, que le syndrome septique sévère est lié à une récidive de l’infection du genou gauche en lien direct avec l’ostéotomie de 1989. Ce après une guérison apparente, à cause d’un staphylocoque doré multi résistant,
– et d’autre part, que l’infection de la prothèse de genou gauche ayant ainsi conduit M. [U] en réanimation puis jusqu’à une amputation salvatrice est en relation directe avec cette même intervention chirurgicale. De sorte qu’est donc établi le lien de causalité entre l’aggravation de l’état de santé de M. [U], dont l’indemnisation est l’objet du présent litige, et l’infection nosocomiale subie en 1989,
En outre, l’arrêt retient nonobstant que l’existence de ce lien de causalité certain ne signifie dès lors pas que la clinique soit tenue de réparer la totalité des conséquences dommageables de l’aggravation de l’état de santé de M. [U] et donc de l’amputation par lui subie ;
En statuant ainsi, la cour d’appel a violé le principe de la réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit ;
2°/
Que le droit de la victime à obtenir l’indemnisation de son préjudice corporel ne saurait donc être réduit :
– en raison d’un état pathologique antérieur
– lorsque l’aggravation dont elle sollicite la réparation n’a été provoquée que par le fait dommageable ;
Que pour réduire des deux tiers l’indemnisation des préjudices liés à l’aggravation de l’état de M. [U], l’arrêt retient donc que :
– l’existence d’un lien de causalité certain entre l’aggravation de l’état de santé de la victime et l’infection nosocomiale subie en 1989,
– ne signifie pas que la clinique soit tenue de réparer la totalité des conséquences dommageables de :
cette aggravation,
et de l’amputation subie par l’intéressé.
Il ajoute que des pathologies antérieures constatées médicalement ont contribué à la dégradation de sa santé,
– l’arrêt du 20.01.2010 avait tenu compte d’autres facteurs. En l’occurrence, ceux ayant concouru aux préjudices invoqués à l’époque pour ainsi justifier un abattement des deux tiers de l’indemnisation,
– et que l’origine de la réactivation de l’infection ayant nécessité l’amputation du membre inférieur gauche de M. [U] et causé l’aggravation dont l’indemnisation est demandée est la même que celle prise en compte dans cette décision antérieure ;
Qu’en statuant ainsi :
– en prenant en considération des pathologies préexistantes à l’infection nosocomiale
– pour limiter l’indemnisation de l’aggravation de l’état de santé de la victime,
– dont elle relevait pourtant qu’elle avait été causée par ladite infection et que sa réparation constituait donc l’unique objet du litige,
la cour d’appel a violé l’article 1147 du code civil.
Réponse de la Cour (Imputabilité partielle si aggravation multifactorielle) :
Ainsi, la Cour d’appel a admis l’existence d’un lien causal entre l’infection et l’aggravation de l’état de santé de M. [U].
Elle a donc retenu que la dégradation ayant conduit à l’amputation était multifactorielle, et favorisée par :
– l’excès pondéral du patient,
– ainsi que par une arthrose majeure du genou droit entraînant donc un surcroît de sollicitation mécanique à gauche.
La juridiction d’appel a dit qu’il devait être tenu compte du rôle important et déterminant de ces facteurs étrangers à l’infection nosocomiale.
Elle a pu donc en déduire, sans méconnaître le principe d’une réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime, que :
– l’infection avait seulement contribué à l’aggravation du dommage dont M. et Mme [U] sollicitaient la réparation,
– dans une proportion qu’elle a ainsi souverainement évaluée.
Le moyen n’est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour rejette le pourvoi.