VIOLENCES CONJUGALES : Une circulaire volontariste (Circ. 28 janv. 2020, NOR : JUSD2002214C, BOMJ compl. n° 2020-01)

Violences conjugales et mesures de surveillance

VIOLENCES CONJUGALES : Une circulaire volontariste (Circ. 28 janv. 2020, NOR : JUSD2002214C, BOMJ compl. n° 2020-01)

Le 31 janvier 2020, le ministère de la Justice a mis en ligne une circulaire relative à la lutte contre les violences au sein de la famille.

Après la loi votée en décembre et les travaux du Grenelle contre les violences conjugales, place au terrain, avec les instructions de politique pénale.

Le 29 décembre 2019, la loi visant à agir contre les violences au sein de la famille a été publiée (L. n° 2019-1480, 28 déc. 2019, JO 29 déc.). Son objectif : renforcer les moyens de lutte contre les violences au sein du couple et mieux protéger les enfants.

Pour rappel, la loi organise, notamment :

  • l’ordonnance de protection ;
  • le retrait de l’autorité parentale en cas de condamnation pénale pour violences au sein de la famille ;
  • la suspension provisoire de plein droit de l’exercice de l’autorité parentale et de droit de visite et d’hébergement en cas de crime contre l’autre parent ;
  • l’entretien et l’éducation de l’enfant ;
  • le dispositif téléphone grave danger.

La circulaire publiée par la garde des Sceaux a pour objet de préciser « les instructions de politique pénale issues des travaux du Grenelle relatives à l’accompagnement des victimes, au suivi des auteurs, et à l’organisation des juridictions en faveur d’une filière d’urgence dédiée au traitement des violences conjugales ».

 

Une réponse adaptée pour chaque victime

Le constat est clair : « l’évaluation approfondie est un outil indispensable pour orienter la procédure au plus près de ses besoins, qu’il s’agisse de la réponse pénale comme des mesures de nature à assurer sa sécurité ».Le Code de procédure pénale prévoit d’ailleurs une évaluation personnalisée dans son article 10-5. La circulaire incite à l’instituer « dès lors que la situation laisse apparaître un danger et nécessite d’envisager une mesure de protection ». Désormais, plusieurs critères devront être réunis pour pouvoir prononcer une ordonnance de protection ou l’attribution d’un téléphone grave danger, à savoir, notamment :

  • la durée et répétition des faits ;
  • les antécédents pénaux du mis en cause ;
  • le risque de réitération ;
  • l’emprise subie par la victime ;
  • les témoignages de l’environnement proche de la victime, etc.

Pour mémoire, le ministère de l’Intérieur a établi une grille d’évaluation du danger commune aux forces de l’ordre composée de 23 questions pour identifier les principaux facteurs à risque. « Ce document pourra utilement être transmis au parquet afin d’étayer l’appréciation de la situation de danger » précise la ministre de la Justice.

L’évaluation permet concrètement, dans le cadre d’une comparution à délai différé, d’orienter les réquisitions et décisions du tribunal.

 

Les enfants mineurs, des victimes oubliées

« Une attention doit être systématiquement portée à leurs conditions de vie et d’éducation à l’occasion du traitement pénal des procédures » impose la circulaire. L’aide sociale à l’enfance devra être saisie d’une demande d’évaluation dès que cela paraîtra nécessaire ou lors de violences graves ou répétées.

Dans le cas d’un homicide d’un parent par l’autre, l’enfant victime devra être pris en charge par un service pédiatrique hospitalier quand cela sera possible. Ce placement provisoire permettra d’envisager une prise en charge adaptée pour la suite.

« Le lien avec les services hospitaliers est un levier majeur pour améliorer la détection et la prise en charge des victimes de violences conjugales, et les protocoles visant à faciliter le recueil de la plainte en milieu hospitalier doivent être étendus » conclut la circulaire.

 

Une réponse appropriée

« Comme cela a déjà été rappelé à plusieurs reprises, la médiation pénale n’est pas une réponse appropriée aux violences conjugales » rappelle la garde des Sceaux. Elle informe que plusieurs parquets ont déjà décidé d’exclure la médiation du champ des réponses pénales dans les affaires de violences conjugales.

D’ailleurs, la proposition de loi visant à protéger les victimes de violences conjugales, votée à l’unanimité à l’Assemblée nationale en 1re lecture le 29 janvier 2020 (TA AN 2019-2020, n° 390), souhaite interdire la médiation civile et pénale en cas de violences ou d’emprise.

« Il apparaît primordial de recourir en priorité aux modes de poursuite permettant l’éviction de l’auteur, qu’il s’agisse de l’éviction du domicile conjugal ou de l’interdiction de contact avec la victime » souligne la ministre de la Justice dans sa circulaire. Deux modes sont alors mis en avant :

  • la convocation par procès-verbal assortie d’un contrôle judiciaire ;
  • la comparution à délai différé.

 

Une meilleure prise en charge des auteurs

Dans un premier temps, l’évaluation doit aussi concerner l’auteur des faits, évaluation tant psychiatrique que psychologique (notamment pour les récidivistes ou les mis en cause souffrant d’addictions).

Mais ensuite, « tout manquement aux obligations du contrôle judiciaire doit faire l’objet d’une réponse systématique de la part du parquet » préconise la circulaire. Ce qui suppose la sensibilisation des différents intervenants.

 

Une filière de l’urgence pour favoriser la détection de violences conjugales

Le rapport de l’inspection générale de la Justice avançait que certains signaux d’alerte n’étaient pas suffisamment pris en compte. La circulaire se veut rassurante, affirmant que « certaines juridictions ont (…) veillé à développer des dispositifs permettant la détection et la prise en compte rapide de ces situations, parfois même en amont du dépôt de plainte ».

Néanmoins, un changement de paradigme est attendu : l’autorité judiciaire devra aller à la rencontre de la victime « afin de favoriser son dépôt de plainte, et en toute hypothèse, sa protection immédiate ». Cette dimension proactive pourra notamment avoir lieu grâce à la conclusion de conventions entre la juridiction et les partenaires extrajuridictionnels.

 

Un traitement prioritaire

« Une fois la détection de la situation de danger opérée, il importera de conférer à la procédure un statut prioritaire, qu’il s’agisse d’une instance civile ou pénale, et quel qu’en soit le degré d’avancement » impose la circulaire. Reste à savoir comment les juridictions arriveront à établir concrètement une priorité au milieu de toutes les urgences.

Pour y arriver, la garde des Sceaux somme les juridictions de respecter le délai de six jours de prononcé des ordonnances de protection. Dans ce contexte, les bureaux d’aide juridictionnelle devront alors traiter en urgence les demandes.

Aussi, « des instructions visant à l’ouverture d’enquêtes préliminaires à la suite de la délivrance d’une ordonnance de protection pourront aussi être formalisées, lorsque cela apparaît opportun » précise la circulaire.

Une priorité attendue à tous les stades de la procédure pénale : des réponses pénales à brève échéance, des mesures de contrôle immédiates, toujours adaptées aux faits et à la personnalité de l’intéressé, des créneaux d’audiences à bref délai, etc.

Une vigilance accrue est également attendue au stade postsentenciel.

 

Décloisonnement des différents champs d’action juridictionnels nécessaire

La circulaire estime que « l’ensemble des tribunaux visités a érigé la lutte contre les violences conjugales en objectif prioritaire, en l’inscrivant dans le cadre d’une véritable politique de juridiction ». Ces dernières ont parfois développé des outils transversaux facilitant la transmission de l’information.

Cette politique de juridiction a pour finalité :

  • la formation de l’ensemble des agents à la problématique des violences conjugales ;
  • le décloisonnement des interventions ;
  • la formalisation des instruction permanentes et des fiches navettes permettant d’institutionnaliser les relations et circuits d’information.
Ce que prévoit la proposition de loi visant à protéger les victimes de violences conjugales, votée en première lecture à l’Assemblée nationale :
– le retrait de l’exercice de l’autorité parentale ;
– la suspension de l’exercice de l’autorité parentale de plein droit en cas de poursuite ou de condamnation pour crime sur l’autre parent ;
– la suspension du droit de visite et d’hébergement dans le cadre du contrôle judiciaire ;
– l’interdiction des médiations pénale et civile en cas de violences ou d’emprise ;
– la décharge de l’obligation alimentaire en cas de crime sur la personne de l’autre parent ;
– l’incrimination du harcèlement dans le couple menant au suicide ;
– la levée du secret médical en cas de violences conjugales et d’emprise ;
– la saisie des armes au domicile dans une enquête pour violences ;
– le caractère cumulatif des peines d’interdiction relatives aux armes et aux contacts avec les victimes ;
– l’interdiction de la géolocalisation d’une personne sans son consentement ;
– l’aggravation de la peine encourue en cas d’interception des télécommunications par le conjoint.
Texte intégral de la circulaire en suivant ce lien : http://www.justice.gouv.fr/bo/2020/20200128/JUSD2002214C.pdf