VICES CACHES : APPLICATION DE LA CLAUSE DE NON-GARANTIE DES VICES CACHES S’AGISSANT DES FISSURES DANS LA CONSTRUCTION VENDUE

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VICES CACHES : APPLICATION DE LA CLAUSE DE NON-GARANTIE DES VICES CACHES S’AGISSANT DES FISSURES DANS LA CONSTRUCTION VENDUE

Cour d’appel de Reims, Chambre civile, 1re section, 23 février 2021, RG n° 19/01782

Selon l’article 1641 du Code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine, ou qui en diminuent tellement cet usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’ils les avaient connus.

Selon l’article 1642 du même code, le vendeur n’est pas tenu des vices apparents et dont l’acheteur a pu se convaincre par lui-même.

Selon l’article 1643 du même code, le vendeur est tenu des vices cachés, quand même il ne les aurait pas connus, à moins que, dans ce cas, il n’ait stipulé qu’il ne sera obligé à aucune garantie.

Une vente, faite par un vendeur de mauvaise foi, même non professionnel, ayant connaissance du vice, ne permet pas à ce dernier de se prévaloir des clauses d’exonération de la garantie des vices cachés.

L’article 1645 du code civil dispose que si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu’il en a reçu, de tous les dommages-intérêts envers l’acheteur.

Dans l’acte de vente, a été insérée une clause, au terme de laquelle l’acquéreur prend le bien dans son état au jour de l’entrée en jouissance tel qu’il a vu et visité, sans recours contre le vendeur, pour quelque cause que ce soit, et notamment pour un mauvais état de la ou des constructions, du sol ou sous-sol, des vices mêmes cachés, d’une erreur dans la désignation, le cadastre ou la contenance, toute différence, excédant-elle 1/20, devant faire son profit ou sa perte.

Cette clause comporte donc une exclusion de garantie des vendeurs pour vice caché.

De l’expertise judiciaire, il ressort que l’immeuble a été construit par Marcel D. en 1972, et qu’à la suite du décès de la veuve de celui-ci le 23 juillet 2012, leurs héritiers, c’est-à-dire les consorts D., ont vendu l’immeuble aux époux G. le 20 mars 2013.

Le rapport d’expertise rappelle qu’à la fin du mois d’octobre 2013, d’importantes fissures sont apparues sur l’aile nord-est du bâtiment.

Il résulte de l’expertise judiciaire que les consorts D. ont déclaré avoir procédé avant le 20 mars 2013 date de la vente, à des travaux intérieurs limités à une remise en peinture en vue de la vente. Aucun élément ne permet de retenir que les vendeurs auraient procédé à d’autres travaux, et l’expert judiciaire lui-même ne vient pas remettre en cause les affirmations des vendeurs à cet égard.

L’expertise judiciaire établit que l’immeuble repose sur un sol d’assise médiocre, révélant la présence d’un vide de l’ordre de 10 à 15 mm entre la base de la maçonnerie de façades et l’arase de la fondation, démontrant que l’affaissement s’effectue par tassement spontané du sol d’assise en dehors de toute surcharge.

Au cours de ses premières investigations, cet homme de l’art a relevé la présence d’une fuite ancienne sur canalisations d’évacuation enterrée, éventuellement susceptible d’accentuer les tassements dans cette zone.

L’expert judiciaire a fait procéder à une étude géotechnique, qui a conclu que la construction avait été édifiée sur des remblais composés principalement de fines, sans que toutefois la qualité médiocre de ce remblai soit la cause intrinsèque des désordres. Bien au contraire, devaient être retenu comme causes des désordres le défaut d’étanchéité de la canalisation enterrée, collectant à la fois les eaux usées et les eaux pluviales de la toiture, de telle sorte qu’au fil des années, l’eau s’était écoulée à la base des fondations, en entraînant les fines, et en provoquant le tassement progressif du sol d’assise, et la formation d’une sorte de petit «fontit» à l’origine des désordres.

Pour l’expert, les désordres, consistant principalement en un début de dislocation du mur ce porteur, compromettent la solidité de l’ouvrage, et sont apparus relativement soudainement fin octobre 2013, et n’étaient pas visibles au moment de la vente.

L’expert ajoute que la cour revêtue d’asphalte ne présentait aucune trace de reprise ou de réparation susceptible de résulter d’une intervention récente, de telle sorte que rien ne permettait d’imaginer qu’une canalisation fuyarde pouvait être enterrée sous cette cour.

Sur la façade nord-est, l’expert observe que certaines lézardes sont apparues au droit des fissures anciennes colmatées, elles-mêmes recouvertes de peinture. Il estime que la présence de cette peinture marquait ainsi les colmatages anciens, qui de ce fait, n’étaient pas visibles au moment de la vente.

Pour l’expert, ces défauts n’étaient pas visibles au moment de la vente et leur cause, très ancienne, préexistait de toute évidence au décès de Fernande D. le 26 juillet 2012.

L’expert ajoute que les travaux de peinture réalisées avant la vente par les consorts D. n’ont joué aucun rôle dans ces désordres.

Bien plus encore, l’expert estime que le défaut d’étanchéité de la canalisation d’évacuation à très certainement trait au défaut d’étanchéité du joint d’origine, et non pas à une réparation ancienne comme il envisageait initialement : il en ressort qu’aucune intervention n’a été réalisée sur la canalisation après sa construction.

L’expert a observé que la canalisation avait été garnie au mortier. Pour autant, cette circonstance établit en rien que le joint n’était pas étanche lors de son installation et que de différents garnissages au mortier auraient été réalisés par la suite par les consorts D., qui auraient ainsi tenté de pallier ce défaut d’étanchéité. La thèse ainsi soutenue par l’assureur ne repose sur aucun élément technique probant, ni plus largement, sur aucune base factuelle.

Si l’assureur et les époux G. mettent en exergue la présence de diverses fissures en façade, l’expert observe que celles-ci ont été rebouchées à l’aide d’un mastic avant remise en peinture des façades, et qu’il s’agissait d’une intervention antérieure au décès de Fernande D., puisque les consorts D. n’avaient procédé à aucune intervention façades ; et qu’en tout état de cause, ces fissures ne présentent pas de caractère de gravité ni ne compromettaient la solidité générale du bâtiment. L’expert ajoute enfin que ces défauts étaient visibles pour un non professionnel au moment de l’achat. Sans avoir produit de quelconques éléments techniques probants contraires, c’est dès lors par voie de pure affirmation que l’assureur avance que les consorts D. ont réalisé ces travaux, afin de masquer les nombreuses fissures apparues sur l’ensemble des murs de la maison, pour en déduire que ces vendeurs avaient connaissance du vice touchant la canalisation d’évacuation enterrée. Il résultera du tout, qu’il n’est absolument pas démontré que les consorts D. avaient connaissance du vice grevant l’immeuble avant sa vente. Il n’y a donc pas lieu d’écarter la clause exclusive de garantie des vices cachés insérés à l’acte de vente. Les demandes formées à l’encontre des consorts D. sur le fondement de la garantie des vices cachés ne pourront pas prospérer; les époux G. sont déboutés de leur demande à ce titre, et le jugement est confirmé de ce chef.

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