VEFA : RETARD DE LIVRAISON (199 JOURS) NON JUSTIFIE

IMMOBILIER : VEFA et surface habitable

VEFA : RETARD DE LIVRAISON (199 JOURS) NON JUSTIFIE

Cour d’appel de Caen, 2e chambre, 4 mars 2021, RG n° 19/01224

Il résulte de l’acte authentique de vente du 3 septembre 2015 que « le vendeur s’oblige à livrer les locaux au plus tard le 30 avril 2016« . Il est prévu que le « délai d’achèvement est convenu sous réserve de survenance d’un cas de force majeure ou d’une cause légitime de suspension du délai.

Pour l’application de cette disposition, seraient considérées comme cause légitime de suspension dudit délai : les grèves, les intempéries, le redressement ou la liquidation judiciaire des ou de l’une des entreprises effectuant les travaux ou encore de leurs fournisseurs, les injonctions administratives ou judiciaires de suspendre ou d’arrêter les travaux, les troubles résultant d’hostilité, révolutions, cataclysmes ou accidents de chantier, les retard imputables aux compagnies concessionnaires .

Pour l’appréciation des événements ci-dessus évoqués , les parties d’un commun accord déclarent s’en rapporter dès à présent à un certificat établi par l’architecte ayant la direction des travaux, sous sa propre responsabilité . »

Ce type de clause ne saurait produire effets de plein droit et reste soumise à l’appréciation souveraine du juge, le seul fondé à en examiner le bien fondé en fonction des circonstances.

Il n’est pas contesté que l’immeuble n’a été livré aux époux L’H. que le 18 novembre 2016, soit avec un retard de 199 jours.

La cause de ce retard telle qu’invoquée par la société Marie Jean, venderesse, soit le défaut de paiement des sous traitants par le maître d’oeuvre, ne fait pas partie des causes ci-dessus énoncées, et ne saurait être ainsi opposée aux époux L’H., acquéreurs.

La liquidation judiciaire de la société Espace 2 Vie Budget intervenue le 9 novembre 2016, soit quelques jours avant la livraison de la maison, ne peut avoir aucune incidence sur le retard accumulé.

En outre, aucun certificat de l’architecte en charge des travaux, de nature à justifier du retard d’achèvement de l’immeuble n’a été établi.

Dès lors, il convient de retenir que la cause du retard de livraison invoquée par la société Marie Jean ne revêt aucun caractère légitime.

En application de l’article 1147 ancien du Code civil applicable à l’espèce « le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’exécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part « .

L’obligation de livraison étant une obligation de résultat, son inexécution peut donc être sanctionnée par l’attribution de dommages et intérêts, peu important l’absence dans le contrat d’une clause prévoyant la pénalité de retard.

Dès lors, les époux acquéreurs sont recevables en leur demande d’indemnisation dès lors qu’elle est fondée sur leur préjudice de jouissance et non sur les dispositions de l’article R. 231-14 du Code de la construction et de l’habitation qui ne leur est pas applicable, le contrat de vente du 3 septembre 2015 étant fondé sur les dispositions des articles R. 261-1 et suivants du même code. Il résulte des pièces versées au dossier qu’ils ont du payer des intérêts sur le prêt qu’ils avaient contracté pour l’acquisition de l’immeuble dont le montant s’élève pour la période de mai 2016 à novembre 2016 à la somme de 1.859 EUR. Le paiement de cette somme sans contrepartie et l’impossibilité de louer le bien acquis alors que tel était le but de l’investissement réalisé par les époux L’H. sont incontestablement sources de préjudices. En l’absence de toutes pièces sur la valeur locative du bien qu’ils ont acquis, il convient d’allouer à M. et Mme L’h. une somme totale de 5.000 EUR au titre de leur préjudice de jouissance. Le jugement entrepris est en conséquence infirmé.