USAGE DE LA FORCE : Usage justifié et nécessaire de la force par la police (CEDH, 4 sept. 2018, n° 71428/12, Mendy c/ France)

Amende forfaitaire délictuelle

USAGE DE LA FORCE : Usage justifié et nécessaire de la force par la police (CEDH, 4 sept. 2018, n° 71428/12, Mendy c/ France)

Outre que la Cour le juge dans cette espèce qu’il n’y a pas eu un usage abusif de la force pour défendre une personne en danger, il faut remarquer dans cet arrêt la validation par la CEDH du cadre réglementaire régissant l’utilisation des armes à feu par les forces de l’ordre.

La requérante est la sœur d’un entraîneur sportif tué par un policier.

L’employée d’une crèche ayant informé la police que celui-ci menaçait d’un couteau un membre du club, un brigadier-chef et un gardien de la paix se rendirent sur les lieux. Ils virent par une lucarne un homme, enfermé dans un local sportif, et l’intéressé muni d’un couteau. Les policiers sommèrent ce dernier de lâcher son arme. L’autre homme sortit alors du local et s’enfuit, aussitôt poursuivi par le frère de la requérante qui se retrouva face au brigadier-chef le menaçant de son couteau. Le policier esquiva et le frère de la requérante continua à poursuivre l’homme en fuite. Un des policiers effectua un tir de sommation en l’air.

Peu après le brigadier-chef se retrouva face au frère de la requérante qui tenta de le frapper d’un premier coup de couteau, un second coup le blessant à la main. Il s’enfuit, fut percuté par une voiture, se releva et reprit sa poursuite, toujours armé de son couteau.

Le policier tira alors deux fois en sa direction sans l’atteindre, puis s’élança à sa poursuite, fit feu à deux reprises et toucha le frère de la requérante qui s’effondra. Le brigadier-chef, malgré sa blessure, alla aussitôt lui prêter assistance et prévint les secours. Le frère de la requérante fut hospitalisé et décéda le lendemain. Une enquête fut confiée à la délégation régionale de l’Inspection générale de la police nationale et l’affaire fut classée sans suite.

Sur plainte avec constitution de partie civile, la chambre de l’instruction jugea qu’il n’y avait lieu de poursuivre personne. Elle considéra que la riposte du policier avait été proportionnée à la gravité du danger et conclut que les conditions de la légitime défense étaient réunies. Le pourvoi de la requérante fut rejeté.

Invoquant l’article 2 de la Convention, la requérante soutient que l’usage d’un tel degré de force par les policiers n’était pas absolument nécessaire, le comportement de son frère ne constituant pas un danger d’une imminence justifiant les tirs. Elle soutient également que l’État a méconnu ses obligations positives de protéger la vie de son frère en raison, d’une part, du manque d’encadrement de l’opération policière et, d’autre part, de l’imprécision du cadre réglementaire régissant l’utilisation des armes.

La Cour juge que, compte tenu de l’attitude de l’intéressé, de l’impossibilité pour le brigadier?chef d’intervenir une fois blessé et du risque imminent indéniablement encouru par l’homme poursuivi, la décision du gardien de la paix de faire usage de son arme à feu, malgré le risque d’imprécision que comportait la poursuite, pouvait, dans les circonstances particulières de l’espèce, passer pour absolument nécessaire « pour assurer la défense de toute personne contre la violence illégale », au sens de l’article 2 § 2 a) de la Convention.

Par ailleurs, la Cour estime que les allégations de la requérante quant à une supposée mauvaise gestion des opérations et à l’effet de l’arrivée des policiers sur le comportement de son frère ne sont pas étayées. Elle observe qu’il ressort au contraire des décisions internes et des témoignages qu’il n’est aucunement établi que l’action violente de son frère soit imputable au sentiment de menace qu’auraient suscité chez lui les actes des policiers. En effet, son attitude agressive était, en tout état de cause, antérieure à leur arrivée sur les lieux et avait justifié l’appel aux services de police par l’employée de la crèche voisine ainsi que leur venue rapide sur les lieux. La Cour considère qu’il en va de même s’agissant des critiques de la requérante quant aux choix et techniques d’intervention des policiers : en effet, c’est le comportement même du frère de la requérante qui a conduit à l’usage de la force par les policiers et conduit la Cour à juger que cet usage était justifié et absolument nécessaire au regard des circonstances de l’espèce.

Enfin, s’agissant de l’allégation de la requérante, selon laquelle le cadre réglementaire régissant l’utilisation des armes serait insuffisant, la Cour relève que l’article 122-5 du Code pénal, alinéa 1, applicable aux forces de l’ordre, qui prévoit la cause de justification de la légitime défense, mentionne la « nécessité » de la défense et l’« actualité » du danger, et exige un rapport de proportionnalité entre réaction et agression. Elle retient que, même si les termes utilisés ne sont pas identiques, cette disposition se rapproche de l’article 2 de la Convention et contient les éléments exigés par la jurisprudence de la Cour.

Texte intégral de l’arrêt ici : https://hudoc.echr.coe.int/eng#{« itemid »:[« 001-186623 »]}

https://www.christian-finalteri-avocat.fr/avocat-bastia/cabinet-avocat-actualites/droit-penal.html