TROUBLE ANORMAL DE VOISINAGE : LORSQU’IL EST CAUSE PAR UN GARAGE

Immobilier : Trouble anormal de voisinage

TROUBLE ANORMAL DE VOISINAGE : LORSQU’IL EST CAUSE PAR UN GARAGE

Cour d’appel de Bourges, Chambre civile, 4 février 2021, RG n° 20/00068

Ne peut sérieusement être contestée l’ampleur des nuisances sonores causées lors d’opérations de meulage, de ponçage ou de martelage menées en extérieur sur du métal avec des outils tels que des disqueuses, sableuses, ponceuses ou meuleuses mécaniques, ou par l’utilisation en extérieur d’un pont élévateur de voitures dont le plateau métallique repose directement sur du béton.

Existence d’un trouble anormal du voisinage

Aux termes de l’article 544 du Code civil, la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements.

Nul ne doit cependant causer à autrui un trouble anormal de voisinage, dont il devra à défaut réparation, même en l’absence de faute.

Sur la réalité du trouble

En l’espèce, il ressort des éléments du dossier que M. P. et Mme P. se sont plaints dès juin 2015 des nuisances sonores engendrées par l’activité de la SAS Retro Carross 58 tant auprès de cette dernière par courrier du 16 juin 2015, que du maire de Chantenay Saint Imbert par courrier du même jour et de la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement par courrier du 6 juillet 2015. Au cours des mois de février et mars 2016, une tentative infructueuse de conciliation entre les parties a été réalisée par M. B., conciliateur auprès du tribunal de grande instance de Nevers, ce dernier écrivant à M. P. et Mme P. dans un courrier du 18 mars 2016 que la société a «refus[er] d’effectuer les travaux demandés en fonction du coût élevé de cette opération».

Ainsi que l’a retenu le premier juge au terme d’une analyse détaillée des éléments de preuve, la réalité des nuisances sonores subies par M. P. et Mme P. est suffisamment étayée par les attestations versées aux débats, et plus particulièrement par celles de M. Emmanuel G., employé de la société du 4 mai au 22 décembre 2015, de M. Mickaël L., ancien associé de M. Philippe H., gérant, et de M. Jean-Paul L., son père, qui témoignent tous du travail fréquent du personnel de la société à l’extérieur des locaux avec des outils bruyants. La situation décrite est corroborée par les photographies produites par M. P. et Mme P., prises lors de ce travail extérieur, et qui prouvent par ailleurs l’existence d’un pont élévateur de véhicules installé à l’extérieur des locaux et posé à même le béton, dont ils se plaignent pareillement.

Contrairement à ce qu’a jugé le tribunal, doit également être considéré que les éléments produits par M. P. et Mme P. permettent de caractériser l’existence, quand bien même eût-elle été temporaire, de nuisances olfactives constituées par des émanations provenant de la cabine de peinture. M. L. atteste en effet de l’existence d’un défaut de filtration de la cabine, dont il affirme que M. H. avait connaissance, bien qu’il précise avoir résolu le problème de filtration à l’époque où il travaillait encore dans les locaux de l’entreprise, par l’installation d’un filtre secondaire dans les cheminées. Par ailleurs, contrairement à ce qui a été jugé, M. P. et Mme P. mentionnaient bien l’existence d’émanations provenant de la cabine de peinture dans leur courrier du 6 juillet 2015 adressé à la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement. Enfin, les deux factures d’entretien de la cabine de peinture produites par la SAS Retro Carross 58 sont respectivement datées des 23 novembre 2017 et 3 octobre 2018, la société se gardant de produire, à les supposer existantes, les factures pour les années 2015 à 2016 correspondant à une partie de la période des faits.

Il est donc établi que M. P. et Mme P. ont subi des nuisances sonores répétées ainsi que des nuisances olfactives résultant de l’activité de la SAS Retro Carross 58.

Sur l’anormalité du trouble

S’agissant tout d’abord des nuisances olfactives, doit être relevé que M. P. et Mme P. ne produisent aucun élément permettant de caractériser pleinement l’ampleur, la récurrence et la durée du trouble, les pièces versées à la procédure laissant plutôt apparaître que le trouble n’aurait été que temporaire. Dans ces circonstances, l’anormalité du trouble du voisinage ne saurait être caractérisée relativement aux émanations provenant de la cabine de peinture.

S’agissant en revanche des nuisances sonores, M. G., M. Mickaël L. et M. Jean-Paul L. attestent tous de la fréquence du travail mené en extérieur avec des outils bruyants. M. Mickaël L. précise que les ouvriers travaillaient régulièrement pendant la pause de midi et les week-end. En outre, ne peut sérieusement être contestée l’ampleur des nuisances sonores causées lors d’opérations de meulage, de ponçage ou de martelage menées en extérieur sur du métal avec des outils tels que des disqueuses, sableuses, ponceuses ou meuleuses mécaniques, ou par l’utilisation en extérieur d’un pont élévateur de voitures dont le plateau métallique repose directement sur du béton. Par ailleurs, si doivent effectivement être prises en compte les circonstances de lieu dans l’appréciation de l’anormalité du trouble, comme le fait valoir la SAS Retro Carross 58, le fait que la maison de M. P. et Mme P. soit implantée dans une zone artisanale, dont il n’est pas prouvé qu’elle ait existé au moment de l’acquisition de la maison en 1994, ne saurait, au regard de l’ampleur et de la fréquence des nuisances sonores, faire obstacle à la caractérisation de l’anormalité du trouble en l’espèce. C’est donc à juste titre que le premier juge a retenu que les nuisances sonores subies par M. P. et Mme P., de par leur intensité et leur caractère répété et durable, constituent un trouble dépassant les inconvénients normaux du voisinage.