TROIS MOIS APRES L’ACHAT, LE PLANCHER DU BATIMENT S’EFFONDRE

Construction : Engagement fiscal de construire

TROIS MOIS APRES L’ACHAT, LE PLANCHER DU BATIMENT S’EFFONDRE

Cour d’appel de Lyon, 1re chambre civile B, 27 octobre 2020, RG n° 19/03098

Début septembre 2015, soit moins de trois mois après l’acquisition des lieux par M. M., le plancher du local situé au rez-de-chaussée s’est effondré, du fait de la présence dans le solivage de ce plancher de champignons.

La qualité de professionnelle de l’immobilier de la SCI venderesse ne peut sérieusement être contestée au vu de son objet social et des actes notariés intervenus et rappelés ci-dessus. La connaissance du vice par le vendeur a été établie, de sorte que la SCI du 1 ne peut se prévaloir de la clause de non-garantie contenue à l’acte de vente.

Suivant bail sous seings privés fait le 17 janvier 2007, la SCI Invest, aux droits de laquelle se trouve aujourd’hui la SCI du 1, a donné en location à la Société GCV, au rez-de-chaussée d’un immeuble sis […], un local à usage exclusif de « commerce de laverie libre-service automatique ».

Cette location a été consentie pour une durée de 9 années à compter du 15 septembre 2006 moyennant un loyer annuel principal fixé à 3’500 EUR HT et hors charges.

Par acte sous seings privés du 31 août 2007, la Société GCV a cédé son fonds de commerce à la Société D., laquelle a, par acte enregistré le 3 novembre 2010, cédé ledit fonds à M. Hocine M..

A compter du 1er novembre 2010, M. Hocine M. a exploité ce fonds de commerce à destination de laverie.

Par suite d’un défaut de paiement des loyers courants et d’un commandement resté infructueux signifié le 4 avril 2013, le juge des référés du Tribunal de grande instance de Saint-Etienne a constaté la résiliation du bail de M. M. et ordonné son expulsion par ordonnance du 10 octobre 2013.

A la suite de son expulsion, le 22 avril 2014, le local est resté vacant et inexploité pendant plus d’un an, jusqu’à ce que M. M. en fasse l’acquisition auprès de la SCI du 1 par acte du 18 juin 2015, pour la somme de 19’000 EUR. L’acte contient une clause exonératoire de la responsabilité du vendeur.

En septembre 2015, le sol du local s’est affaissé.

M. M. en a immédiatement fait part au Syndic, la société Elitim, qui aurait effectué une déclaration de sinistre.

Une expertise aurait été réalisée par la compagnie d’assurances du SCOP en novembre 2015.

Aucun document n’a été remis à M. M. malgré la lettre recommandée avec avis de réception de son Conseil en date du 10 février 2016.

La société OPH, mandatée par le Syndic, a précisé qu’il conviendrait, compte tenu de l’état de dégradation avancée des solives, de procéder à leur remplacement impliquant la démolition et la réfection de l’ensemble du plancher.

M. M. a réclamé une somme de 35’000 EUR à son vendeur, la SCI du 1, et envisagé la résolution de la vente sur la base du sinistre.

Par assignation du 19 avril 2016, M. M. a sollicité du Président du tribunal de grande instance de Saint-Etienne statuant en référé l’institution d’une mesure d’instruction.

Par ordonnance du 23 juin 2016, au contradictoire du Syndicat des Copropriétaires et de l’assureur de l’immeuble la Compagnie GAN, M. Nicolas F. a été désigné en qualité d’Expert. Il a ensuite été remplacé par M. Gilbert S., qui a déposé un rapport le 23 janvier 2017.

Par acte du 25 avril 2018, M. Hocine M. a assigné la SCI du 1 devant le tribunal de grande instance de Saint-Etienne aux fins de juger qu’elle a manqué à son obligation de délivrance et qu’elle doit garantir la chose vendue des vices cachés qui l’affectent, et de la condamner à lui payer les sommes de 30 000 euros à titre provisionnel en termes de dommages et intérêts pour la perte d’exploitation du fonds de commerce (somme arrêtée en 2017), de 6’000 EUR sur le fondement de l’article 700 du Code de procédue civile, de la condamner au paiement des entiers dépens de l’instance et d’ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir.

Par jugement du 26 mars 2019, le Tribunal de grande instance de Saint-Etienne a :

– dit que la SCI du 1 a manqué à son obligation de délivrance,

– condamné la SCI du 1 à payer à M. Hocine M. la somme de 10’625 EUR à titre de dommages et intérêts pour la perte d’exploitation du fonds de commerce,

– condamné la SCI du 1 à payer à M. Hocine M. la somme de 2’000 EUR sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,

– condamné la SCI du 1 aux entiers dépens de l’instance qui comprendront notamment les dépens de la présente instance ainsi que les dépens de l’instance de référé comprenant eux-mêmes les frais d’expertise judiciaire,

– ordonné l’exécution provisoire.

Par déclaration du 2 mai 2019, la SCI du 1 a interjeté appel.

Début septembre 2015, soit moins de trois mois après l’acquisition des lieux par M. M., le plancher du local situé au rez-de-chaussée s’est effondré, du fait de la présence dans le solivage de ce plancher de champignons.

La cour relève, à titre liminaire, qu’aucune des parties ne critique le rapport d’expertise judiciaire dont il ressort que :

– les champignons sont présents dans le solivage bois du plancher et attaquent celui-ci depuis déjà de nombreuses années,

– il s’agit de champignons et pourritures en grande partie lignivores,

– des étais et calages divers supportant le plancher sont présents depuis plusieurs années sous le local de M. M.,

– l’encombrement des caves masquait étais, attaques fongiques et état du plancher,

– le plancher du fait de l’attaque fongique est non conforme à sa destination et rend toute exploitation impossible,

– les différentes interventions dans le temps en sous-oeuvre sur cet immeuble ne sont pas récentes et n’ont pu techniquement passer inaperçues,

– un entretien ou état périodique concernant la sous face du plancher n’a pas été fait par la SCI du 1 comme le montre la présence d’étayage bois plus ou moins bricolé espérant soulager le solivage.

Si l’expert considère que la SCI du 1 et M. M. en partie connaissaient l’état du plancher avant rupture (étais, etc…), ceux-ci le contestent.

M. M. recherche la responsabilité de son vendeur sur le fondement d’un défaut de délivrance et subsidiairement sur la garantie des vices cachés.

Les notions de vice caché et de défaut de délivrance conforme sont distinctes. Le vicecaché est un défaut qui affecte l’usage normal de la chose tandis que le défaut de conformité résulte d’une différence entre la chose convenue et la chose livrée et affecte donc seulement l’usage convenu du bien vendu. Ainsi, une chose peut être affectée d’un défaut de conformité sans que cela n’altère l’usage pratique quotidien qu’en fait son propriétaire.

En l’espèce, l’acte de vente comporte une clause relative à l’état parasitaire par laquelle le vendeur déclare ‘ne pas avoir constaté l’existence de zones de condensation interne, de traces d’humidité, de moisissures, ou encore de présence d’effritements ou de déformation dans le bois ou de tache de couleur marron ou l’existence de filaments blancs à l’aspect cotonneux, tous des éléments parmi les plus révélateurs de la potentialité de la présence de ce champignon‘.

Il ne saurait se déduire de cette clause sauf à la dénaturer que le vendeur s’engage à livrer un immeuble exempt de champignons.

Il ne pourra donc être fait droit à la demande sur le fondement du défaut de délivrance.

L’acquéreur invoque à titre subsidiaire, comme il peut le faire, la garantie des vicescachés.

L’intimé soutient que l’action n’a pas été engagée dans le délai de l’article 1648 du code civil, soit dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice.

En l’espèce, l’effondrement date de septembre 2015.

Sont applicables à l’instance en référé engagée par l’appelant les dispositions de l’article 2244 ancien du code civil qui précisent qu’une citation en justice, même en référé, interrompt la prescription ainsi que les délais pour agir.

L’assignation en référé de M. M. pour obtenir la désignation d’un expert est en date du 19 avril 2016.

L’ordonnance faisant droit à cette demande est du 23 juin 2016 et a donc fait courir un nouveau délai de deux ans.

Au jour de la délivrance de l’assignation au fond soit le 25 avril 2018, ce délai n’était pas expiré, de sorte que la demande de M. M. est recevable.

L’article 1641 du Code civil dispose que le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine ou qui diminuent tellement cet usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il les avait connus.

Il incombe à l’acquéreur de rapporter la preuve du vice caché et de ses différents caractères: un défaut grave, inhérent à la chose vendue, qui en compromet son usage normal et antérieur à la vente.

L’article 1642 du Code civil dispose que le vendeur n’est pas tenu des vices apparents et dont l’acheteur a pu se convaincre lui-même.

L’article 1643 du Code civil dispose, en outre, qu’il est tenu des vices cachés, quand même il ne les aurait pas connus, à moins que, dans ce cas, il n’ait stipulé qu’il ne sera obligé à aucune garantie.

La gravité du vice n’est pas contestée. Seule l’est son caractère caché ou non et la validité de la clause d’exclusion de garantie contenue dans l’acte.

Les deux parties contestent avoir eu connaissance du vice affectant les lieux.

Il ressort du rapport d’expertise établi au contradictoire des parties que la présence des champignons est ancienne, que leur présence n’était pas détectable, des encombrants masquant les étais mis en place dans la cave pour pallier ce désordre.

A plusieurs reprises, l’expert indique que la SCI du 1 avait connaissance de ce vice.

Il ressort de l’acte de vente passé entre les parties que la SCI a acquis l’immeuble entier comprenant le local vendu en 2009 et qu’elle a procédé à sa division avec règlement de copropriété selon acte notarié du 12 avril 2013, ayant fait procéder auparavant à un diagnostic technique portant constat de l’état apparent de la solidité du clos et du couvert et de celui de l’état des conduites et canalisations collectives ainsi que des équipements communs et de sécurité.

Au regard des constatations de l’expert judiciaire qui relève la présence de champignons dans le solivage bois attaquant le plancher depuis de nombreuses années comme la présence ancienne d’étais mis en place depuis plusieurs années, il apparaît que la SCI ne pouvait qu’avoir connaissance de la présence des champignons.

Il n’en est pas de même de M. M. qui s’il était locataire des lieux de fin 2010 à avril 2014 affirme sans être contredit que le bail ne comportait pas la cave située sous le local. Dès lors, n’ayant pas accès à la cave, il ne pouvait avoir connaissance de l’état du plancher masqué par les revêtements formant dalle béton.

L’acte de vente comporte une clause relative à l’état parasitaire par laquelle le vendeur déclare ‘ne pas avoir constaté l’existence de zones de condensation interne, de traces d’humidité, de moisissures, ou encore de présence d’effritements ou de déformation dans le bois ou de tache de couleur marron ou l’existence de filaments blancs à l’aspect cotonneux, tous des éléments parmi les plus révélateurs de la potentialité de la présence de ce champignon‘.

S’agissant de l’état du bien, l’acte dispose :

L’ACQUÉREUR prend le BIEN dans l’état où il se trouve au jour de l’entrée en jouissance, sans recours contre le vendeur pour quelque cause que ce soit notamment en raison des vices apparents et des vices cachés.

S’agissant des vices cachés, il est précisé que cette exonération de garantie ne s’applique pas :

– si le vendeur a la qualité de professionnel de l’immobilier ou de la construction, ou s’il est réputé ou s’est comporté comme tel,

– s’il est prouvé par l’ACQUÉREUR dans les délais légaux, que les vices cachés étaient en réalité connus du VENDEUR‘.

La qualité de professionnelle de l’immobilier de la SCI ne peut sérieusement être contestée au vu de son objet social et des actes notariés intervenus et rappelés ci-dessus. La connaissance du vice par le vendeur a été établie ci-dessus, de sorte que la SCI du 1 ne peut se prévaloir de la clause de non-garantie contenue à l’acte de vente. M. M. apparaît donc fondé à lui réclamer indemnisation de son préjudice.

Il réclame à ce titre une provision de 30’000 EUR à valoir sur sa perte d’exploitation, précisant qu’un accord a été trouvé avec le syndicat des copropriétaires en ce qui concerne les travaux de reconstruction.

Il lui appartient d’établir la réalité et l’ampleur de son préjudice.

En l’espèce, il ne produit aucune pièce comptable sur son activité.

Il avait pourtant exploité précédemment les lieux et aurait pu produire les bilans comptables des années 2011 à 2014 ainsi qu’un budget prévisionnel.

Le fait que le bail commercial ait été résilié pour défaut de paiement en 2014 permet de considérer que les revenus générés par l’activité étaient faibles puisqu’insuffisants pour couvrir le paiement des loyers.

Aucun renseignement n’est produit sur la date des travaux de reconstruction ni sur la période durant laquelle l’activité était impossible.

Au vu de l’ensemble de ces éléments, son préjudice ne saurait excéder la somme de 11’000 EUR.

Il sera donc fait droit à la demande à hauteur de cette somme.

L’équité commande également de lui allouer la somme de 1’500 EUR au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.

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