TESTAMENT : Validité du testament authentique reçu dans une brasserie (Cour d’appel de Paris, Pôle 2, chambre 1, 22 janvier 2019, RG N° 17/07881)

TESTAMENT : Validité du testament authentique reçu dans une brasserie (Cour d’appel de Paris, Pôle 2, chambre 1, 22 janvier 2019, RG N° 17/07881)

M. Paul F, né en 1925, s’est marié en premières noces avec Mme Françoise B. De cette union est né M. Bernard F.

Divorcé suivant jugement du 22 juillet 1953, M.Paul F a épousé en secondes noces Mme Anne D. De cette union est né M. Alain F.

Divorcé suivant jugement du 18 octobre 1961, M. Paul F a épousé en troisièmes noces Mme Daisy F. De cette union est née Mme Catherine F.

Divorcé suivant jugement du 21 mai 1984, M. Paul F a épousé en quatrièmes noces Mme Daisy E, le 19 avril 1986, sous le régime de la séparation de biens.

Par acte notarié du 23 juin 1983, reçu par maître M D Q., M. Paul F a fait donation entre vifs à ses trois enfants, alors vivants, chacun pour un tiers, de la nue-propriété des biens et droits immobiliers situés […], avec réserve d’usufruit jusqu’à son décès.

M. Bernard F, enfant né de la première union de M. Paul F, est décédé le … 1996, laissant pour lui succéder son épouse Mme P et son fils unique Thierry F, qui devait, lui-même, décéder, le 14 août 2005, sans enfant, de sorte que M. Paul F a bénéficié du droit de retour légal sur un bien donné.

Le 2 décembre 2005, M. Paul F a dicté un testament authentique à maître N, notaire, dans la brasserie « Royal Villiers », à Paris, en présence de deux témoins :  un avocat et une retraitée, belle-mère du propriétaire de la brasserie. Aux termes de ce testament, il instituait ses deux enfants survivants légataires à titre universel conjoints de l’ensemble de ses biens immobiliers français ou ce qui en serait la représentation, ainsi que du compte joint avec son épouse ouvert dans les livres d’une banque de Zurich d’un montant approximatif de 6’000’000 euro.

Il instituait par ailleurs son épouse, Mme Daisy E, légataire à titre particulier de l’ensemble de ses meubles, tableaux, objets, papiers, soit l’ensemble du contenu mobilier de ses propriétés immobilières françaises.

S’agissant de ses possessions anglaises, il avait organisé à Londres, en 2008, un trust testamentaire anglais.

M. Paul F  est décédé à Londres, le 13 décembre 2010, laissant pour lui succéder ses deux enfants survivants, M. Alain F et Mme Catherine F, ainsi que sa quatrième épouse, Mme Daisy E.

Maître N, notaire, a été chargé en janvier 2011 par l’épouse et les enfants de M. F du règlement de sa succession.

Un litige est survenu sur la validité du testament.

Le fils du testateur décédé en l’état d’un testament recueilli par le notaire dans les conditions qui viennent d’être indiquées doit être débouté de son action en responsabilité dirigée contre ce dernier.

En effet, la preuve n’est pas rapportée que son père ne disposait pas alors des capacités mentales lui permettant de tester. Le fait que le notaire ait accepté de recueillir le testament dans une brasserie, s’il est inhabituel, est néanmoins susceptible d’être accepté à titre exceptionnel par l’art. 12 du Règlement national des notaires, et peut se justifier ici par le fait que le testateur sortait d’un établissement de santé et pouvait privilégier un lieu plus décontracté qu’une étude de notaire. En outre, rien n’établit que le fait que le testament ait été recueilli dans ce lieu ait influé sur son contenu, le testateur étant un homme d’affaires issu d’une famille de riches industriels ayant fait preuve sa vie durant d’une forte personnalité et disposant encore de son libre arbitre.

Il n’appartenait pas par ailleurs au notaire, qui n’intervenait que pour le règlement de la succession en France, de mener une enquête pour déterminer les différentes possessions du testateur. Le notaire n’avait pas davantage à vérifier, au moment de l’établissement du testament, si la quotité disponible était respectée après avoir réalisé un inventaire des actifs, d’autant que c’est au décès que cette question peut être envisagée, et il ne peut lui être reproché de ne pas avoir pris en compte des donations que le fils estime déguisées.

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