TESTAMENT : Le testament olographe n’était pas écrit de la main du testateur (Cour d’appel de Versailles, Chambre 1, section 1, 3 novembre 2017, RG N° 16/03329)

Nullité du testament olographe non daté

TESTAMENT : Le testament olographe n’était pas écrit de la main du testateur (Cour d’appel de Versailles, Chambre 1, section 1, 3 novembre 2017, RG N° 16/03329)

Par testament olographe daté du 22 septembre 2006, Patrice Q a privé de tout droit dans sa succession son épouse Mme Florence Ben D. et dit que sa succession sera exclusivement dévolue à ses autres héritiers appelés par la loi, dans l’ordre et pour les quotités fixées par celle-ci.

Ce testament a été déposé le 28 septembre 2006 en l’étude de la SCP notaire LMT.

C’est sur le fondement de ce testament que le 23 septembre 2008, le notaire susvisé a dressé l’acte de notoriété désignant M. Patrice Q comme l’unique héritier du défunt en vertu de sa vocation héréditaire et en l’état de l’exhérédation du conjoint survivant. Il était ensuite procédé à la déclaration et à la liquidation de la succession conformément à la dévolution successorale ainsi constatée.

Cependant, Mme Ben D, conjoint survivant a entendu contester le testament l’exhérédant et a, par assignation délivrée le 2 janvier 2012, fait assigner M. Jérémy Q devant le tribunal de grande instance de Nanterre aux fins notamment de voir prononcer la nullité de ce testament et ordonner l’ouverture des opérations de compte, liquidation et partage.

M. Patrice Q a, par acte du 16 janvier 2013, appelé en intervention forcée la SCP notaire en garantie, sur le fondement de sa responsabilité professionnelle pour manquement à son obligation de conseil.

Contrairement à ce que soutient le conjoint survivant, les dispositions testamentaires lui sont opposables. L’art. 914-1 du Code civil n’institue un droit à réserve du conjoint survivant portant sur le quart de la succession que lorsque celui-ci ne se trouve pas en concours avec un descendant. Tel n’est pas le cas en l’espèce, l’épouse du testateur se trouvant en concours avec l’enfant et, comme tel, héritier réservataire du défunt. Le testateur avait donc la faculté d’exhéréder son conjoint, même par testament olographe, sous réserve de la validité de ce document.

Le testament litigieux est nul faute de répondre aux exigences de l’art. 970 du Code civil. En effet, une tierce personne a reconnu l’avoir écrit et daté, ce que confirment les conclusions de l’expertise graphologique. La seule circonstance que le testament n’a pas été écrit entièrement de la main du testateur doit, sans qu’il y ait lieu de rechercher si cet acte est ou non l’expression de la volonté propre de son signataire, entraîner son annulation, en raison du vice formel dont il est affecté.

Le fils du défunt demande la condamnation du notaire à le garantir du paiement des sommes dont il devra s’acquitter au bénéfice du conjoint survivant à la suite des opérations de compte, liquidation et partage de la succession de son père. Compte tenu du caractère certain de ce préjudice, sa demande est recevable. Toutefois, sa demande n’est pas fondée. En effet, il ne peut reprocher au notaire d’avoir manqué à son devoir de conseil. Le notaire a, préalablement à l’établissement du testament olographe, adressé au testateur un courrier auquel était annexé un modèle de testament afin de priver son épouse de tout droit dans la succession. C’est ce modèle qui a été recopié pour constituer le testament invalidé. En outre, le notaire a expressément indiqué au testateur que le testament devait être écrit, daté et signé de sa main et précisé quelles pièces devaient accompagner sa remise. Les conseils donnés ne sont pas critiquables et ce n’est que parce qu’ils n’ont pas été suivis, du moins en ce qui concerne le scripteur du testament, que ce document se trouve privé d’efficacité.

Le notaire n’avait pas à vérifier que ses conseils avaient été suivis en leur intégralité, sauf à être informé de la difficulté tenant à l’impossibilité matérielle du testateur d’écrire lui-même, ce qui n’est pas le cas. Dépositaire du testament, le notaire n’était tenu qu’à une obligation de conservation de celui-ci, qu’il a exécutée. Dès lors, il importe peu de savoir si le testament avait été remis à l’étude sous pli fermé ou non.

A supposer que le notaire ait vu le testament, il n’avait aucun motif d’être familier de l’écriture du testateur de sorte qu’il ne pouvait déceler que le testament n’était pas de sa main.

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