RESPONSABILITE PENALE : Proportion de la sanction (Cass. crim., 21 mai 2019, n° 18-84004)

RESPONSABILITE PENALE : Proportion de la sanction (Cass. crim., 21 mai 2019, n° 18-84004)

Une conductrice est interpellée, alors qu’au volant de son véhicule, elle a forcé l’un des passages sécurisés d’un établissement scolaire, détruisant la barrière et se livrant à un rodéo dans la cour de l’établissement, le visage dissimulé par un tissu. Dans le cadre de l’enquête, son véhicule est placé sous scellé. Une expertise psychiatrique conclut à l’absence de discernement de l’intéressée et de contrôle de ses actes au moment des faits. À la fin de l’information, après avoir retenu l’existence de charges suffisantes contre l’intéressée d’avoir commis les infractions de dégradations volontaires, mise en danger, intrusion dans un établissement scolaire sans autorisation, le juge d’instruction ordonne la transmission du dossier au procureur général aux fins de saisine de la chambre de l’instruction sur le fondement de l’article 706-120 du Code de procédure pénale.

La chambre de l’instruction de la cour d’appel de Riom, pour ordonner l’annulation de son permis de conduire, retient, en substance, qu’il résulte des circonstances dans lesquelles ont été commises les infractions mises à la charge de l’inculpée comme du rapport d’expertise que, lorsqu’elle conduit, elle représente un incontestable danger pour la sécurité des autres usagers et pour les piétons, comme d’ailleurs pour elle-même. Les juges exposent qu’elle n’est manifestement pas en mesure à certains moments d’appréhender sa dangerosité et est susceptible de renouveler à l’occasion de la conduite d’un véhicule un comportement erratique. Ils précisent que, même si une telle mesure est de nature à ajouter une incapacité supplémentaire à celles dont souffre l’intéressée, il apparaît nécessaire, aux fins d’éviter le renouvellement de l’infraction, d’ordonner l’annulation du permis de conduire de l’intéressée et de lui interdire de solliciter la délivrance d’un nouveau permis avant une période de trois ans. Ils retiennent que la nécessité d’obtenir un nouveau permis permettra, à l’issue de ce délai, de vérifier si son état de santé s’est amélioré et autorise à nouveau la conduite des véhicules automobiles.

Ainsi, la chambre de l’instruction justifie sa décision au regard des articles 706-136 et D. 47-29-6 du Code de procédure pénale.

Il se déduit des articles 1er du premier protocole additionnel à la Conv. EDH, 706-127 et 212 du Code de procédure pénale que, lorsque la chambre de l’instruction, après avoir relevé des charges suffisantes contre une personne d’avoir commis les faits qui lui sont reprochés et l’avoir déclarée irresponsable pénalement pour cause de trouble mental, refuse à l’intéressée la restitution d’un objet placé sous main de justice lui appartenant quand celle-ci présente un danger pour la sécurité des personnes et des biens, elle doit veiller à ce qu’il n’en résulte pas pour la personne concernée, non condamnée pénalement, une privation de sa propriété qui serait disproportionnée au regard de la cause d’utilité publique qui fonde la mesure.

Pour rejeter la demande de restitution du véhicule de la prévenue, l’arrêt énonce que, même s’il a servi à la commission du délit, la confiscation du véhicule ne peut être prononcée s’agissant d’une peine complémentaire inapplicable à une personne déclarée irresponsable. Les juges retiennent que sa restitution peut cependant être refusée s’il apparaît qu’elle est de nature à créer un danger pour les personnes ou les biens et que le fait que la présente juridiction ait annulé le permis de conduire de l’intéressée ne suffit pas à garantir que, compte tenu de la confusion mentale dans laquelle elle se trouve parfois, elle n’utilisera pas celui-ci et concluent que la restitution sollicitée constitue un danger, sera en conséquence refusée et que le véhicule deviendra dès lors la propriété de l’État conformément aux dispositions de l’article 41-4 du Code de procédure pénale.

Si, d’une part, c’est à bon droit que l’arrêt relève que, la confiscation, étant une peine, ne peut être prononcée, puis statue sur le sort du véhicule saisi, ayant servi à commettre les faits mais non qualifié de dangereux ou nuisibles par la loi ou le règlement, d’autre part, considère, par des motifs exempts d’insuffisance, que la restitution de celui-ci comporte un danger pour la sécurité des personnes, la chambre de l’instruction, qui, saisie d’une demande de restitution, devait rechercher en l’espèce si, lors de la remise du bien aux services compétents de l’État en application de l’article 41-4 du code précité, la privation du droit de propriété de la demanderesse sur cet élément de son patrimoine n’aurait pas des conséquences excessives de sorte que, dans ce cas, il y aurait eu lieu pour elle, non pas de restituer le véhicule, mais d’ordonner sa remise à l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués, et, en cas d’aliénation du bien, la restitution du solde du produit de la vente à la personne déclarée pénalement irresponsable pour cause de trouble mental, méconnaît les textes susvisés et les principes ci-dessus énoncés.

Texte intégral de l’arrêt en cliquant ici : https://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/chambre_criminelle_578/839_21_42499.html

https://www.christian-finalteri-avocat.fr/avocat-bastia/cabinet-avocat-actualites/droit-penal.html