Responsabilité du garant de bonne fin et impossibilité d’exécuter les travaux (Civ., 3ème, 23 nov. 2014, FS-P+B+I, n°13-25.634)

Responsabilité du garant de bonne fin et impossibilité d’exécuter les travaux (Civ., 3ème, 23 nov. 2014, FS-P+B+I, n°13-25.634)

Commet une faute de nature à engager sa responsabilité envers l’acquéreur, le garant de bonne fin qui, connaissant la défaillance du vendeur, n’entreprend aucune démarche pour tenter de mettre en œuvre la garantie d’achèvement et laisse ainsi délibérément périmer le permis de construire. 

L’arrêt commenté ne manquera pas d’appeler l’attention de la pratique et de la doctrine, car rares sont les arrêts qui précisent les obligations auxquelles est tenu le garant envers l’acquéreur en cas de défaillance du vendeur.

En l’espèce, une société civile immobilière (SCI) avait vendu en l’état futur d’achèvement un appartement. Les acquéreurs avaient versé une somme correspondant à 30 % du montant du prix (sur la légalité de cette pratique, V. P. Malinvaud, VEFA : 30% du prix le jour de la vente ?, RDI 2011. 297 ). Le vendeur ayant été placé en liquidation judiciaire, le notaire avait interrogé par plusieurs courriers le garant sur la suite qui serait donnée au programme sans obtenir de réponse. Le garant était finalement sorti de son silence pour informer les acquéreurs que l’achèvement des travaux était impossible, la SCI n’ayant plus d’activité et le permis de construire étant périmé.

Les acquéreurs avaient alors assigné le garant en réparation des préjudices matériel et moral subis du fait de son inertie. La cour d’appel avait fait droit à cette demande en estimant que la banque avait commis une faute en ayant délibérément laissé périmer le permis de construire. En conséquence, elle leur avait alloué des dommages et intérêts d’un montant équivalent aux sommes empruntées et versées au vendeur (V. Paris, 4 oct. 2013, n° 12/13373, RDI 2013. 598, obs. J.-M. Berly ). Cet arrêt est confirmé par la Cour de cassation. Elle relève que le garant aurait dû mettre en œuvre la garantie d’achèvement dès qu’il avait connaissance de la défaillance du vendeur, qu’il n’avait répondu à aucun des courriers adressés par le notaire et n’avait entrepris aucune démarche pour tenter de mettre en œuvre la garantie d’achèvement et délibérément laisser périmer le permis. Dès lors, il a commis une faute en refusant de mettre en œuvre la garantie d’achèvement quand il pouvait et devait le faire et a causé aux acquéreurs un préjudice en ne leur permettant pas de rentrer en possession du bien.

Cet arrêt appelle trois séries d’observations.

Les premières sont relatives au sort de la garantie en cas de péremption du permis de construire. Ce n’est pas sur le terrain de l’exécution de l’obligation du garant que le débat a été porté, mais sur celui de sa responsabilité. En effet, lorsque le contrat est résolu ou lorsque l’opération est impossible à réaliser en raison notamment de la péremption du permis de construire, le garant se trouve déchargé de son obligation. La garantie d’achèvement ne se transforme pas en garantie de remboursement (V. Civ. 3e, 17 mars 1999, n° 97-12.706, RDI 1999. 661, obs. C. Saint-Alary-Houin  ; 7 mai 2008, D. 2008. 1484  ; RDI 2008. 337, obs. O. Tournafond  ; Constr-Urb. 2008. 102, obs. C. Sizaire). La garantie extrinsèque est qualifiée par la jurisprudence de garantie autonome, mais c’est à l’aune du projet tel que prévu dans le permis de construire que se détermine l’étendue de l’obligation propre du garant. Les auteurs en déduisent que l’impossibilité de réaliser le projet, notamment en cas de péremption du permis, provoque la caducité de la garantie (V. J.-M. Berly, Garantie financière d’achèvement et permis de construire, Constr.-Urb. 2010. Étude 7 ; J.-M. Seevagen, La garantie extrinsèque d’achèvement et les vicissitudes du permis de construire, RDI 2012. 143 ).

Les deuxièmes portent sur la mise en œuvre de la garantie et les obligations du garant. Selon le moyen, les acquéreurs n’avaient jamais mis en demeure le garant d’exécuter sa garantie. Pour les juges, cet argument est inopérant : le garant aurait dû entreprendre des démarches pour tenter de mettre en œuvre sa garantie. On peut se demander quelles auraient pu être ces démarches. Si une fois actionné, le garant est responsable des préjudices causés par ses manœuvres dilatoires, il ne lui appartient pas de prendre l’initiative de mettre en œuvre sa garantie : seul le bénéficiaire peut solliciter son exécution. En outre, l’obligation du garant est purement financière : il doit verser les sommes nécessaires à l’achèvement de la construction, sans se substituer au maître de l’ouvrage. Il n’a pas à s’immiscer dans les opérations de constructions, et n’est responsable ni de la conclusion de la vente ni de sa résolution (V. Civ. 3e, 17 mars 1999, préc. ; 7 mai 2008, préc.). La solution de la Cour de cassation s’explique par les faits d’espèce. En réalité, le garant n’ignorait ni la défaillance du vendeur, puisqu’il en avait lui-même averti le notaire, ni l’intention des acquéreurs de solliciter sa garantie grâce aux divers courriers du notaire. La mauvaise foi du garant est sanctionnée.

Les troisièmes portent enfin sur le lien de causalité entre la faute et le préjudice indemnisé. Les indemnités avaient été fixées à hauteur des sommes versées par l’acquéreur au vendeur. Dans son pourvoi, le garant soulevait que n’étant pas à l’origine de la conclusion du contrat de vente, aucun lien de causalité ne pouvait être établi entre la faute qui lui était imputée et le préjudice allégué par les acquéreurs (V., n ce sens, Civ. 3e, 17 mars 1999, préc., 7 mai 2008, préc.). La Cour de cassation y répond en soulignant que le refus dilatoire de mettre en œuvre la garantie a causé aux acquéreurs un préjudice en ne leur permettant pas de rentrer en possession du bien. Autrement dit, si la garantie avait été mise en œuvre à temps, elle aurait pu permettre l’achèvement de l’immeuble. Le lien de causalité est établi. C’est en réalité l’évaluation du préjudice des acquéreurs qui est difficile en pratique : les acquéreurs ont perdu la possibilité d’obtenir l’achèvement. Le mode de calcul retenu par les juges d’appel est à cet égard opportun en pratique.