REPOS DOMINICAL ET TRAVAIL DE NUIT : Application de la loi (Cass. crim., 7 janv. 2020, n° 18-83074)

Répertoire unique de la protection judiciaire

REPOS DOMINICAL ET TRAVAIL DE NUIT : Application de la loi (Cass. crim., 7 janv. 2020, n° 18-83074)

Une société et le gérant de l’un de ses établissements, exploitant un commerce de détail non spécialisé à prédominance alimentaire, sont cités devant le tribunal de police pour y répondre du fait que des salariés ont été employés après 21 heures, qu’ils ont pointé tous les dimanches de la période considérée jusqu’à 13 heures 15 en moyenne sauf un dimanche où trois salariés ont travaillé jusqu’à 20 heures 08 et un autre jusqu’à 16 heures 15 et qu’en ce qui concerne le travail du lundi, des salariés ont travaillé tous les lundis dans une amplitude horaire collective de 6 h à plus de minuit.

Il résulte de l’article L. 3122-1 du Code du travail qu’il ne peut être recouru au travail de nuit que de façon exceptionnelle et en considération de la situation propre à chaque établissement, et seulement lorsqu’il est justifié par la nécessité d’assurer la continuité de l’activité économique ou de services d’utilité sociale.

L’existence d’une convention collective, dût-elle être présumée valide, ne suffit pas à établir que ces conditions sont réunies.

La cour d’appel, pour infirmer le jugement et relaxer les prévenus du chef de mise en place illégale du travail de nuit dans une entreprise, énonce que celui-ci est autorisé dans les conditions énoncées aux articles L. 3122-1 et 3122-15 du Code du travail.

Elle ajoute que l’article 5-12 de la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire, négociée et signée par les organisations syndicales représentatives investies de la défense des droits et intérêts des salariés et applicable à la société concernée, envisage le travail de nuit comme étant celui qui se déroule entre 21 heures et 7 heures du matin, que l’utilité sociale d’un commerce alimentaire ouvrant après 21 heures dans une grande métropole où de nombreux travailleurs finissent leur activité professionnelle très tard le soir et doivent entreprendre de longs trajets pour rentrer chez eux, répond à un besoin profond des consommateurs, ce dont témoigne le décalage des rythmes de vie observé dans la société depuis de nombreuses années et que l’accord de branche étendu l’autorise expressément en prévoyant des compensations et des garanties liées au volontariat des salariés concernés.

La cour d’appel précise encore que depuis l’ordonnance n° 2017-138 du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail, il est conféré à un tel accord collectif une présomption de légalité que les parties civiles n’ont pas renversé en l’espèce.

Ainsi, en statuant par des motifs ne répondant pas aux exigences des dispositions d’ordre public de l’article L. 3122-1 du Code du travail, alors qu’il lui appartenait de mieux contrôler si ces exigences étaient remplies dans le cas de l’établissement en cause, fût-ce en écartant les clauses d’une convention ou accord collectif non conformes, la cour d’appel ne justifie pas sa décision.

Il résulte de la combinaison des articles L. 3132-3 et L 3132-13, alinéa 1er, du Code du travail que la possibilité de déroger à la règle du repos dominical après 13 heures ne peut résulter que d’une disposition légale précise.

Méconnaît ces textes et ce principe la cour d’appel qui, pour relaxer les prévenus du chef d’infractions à la règle du repos dominical dans les commerces de détail alimentaires, énonce que la convention collective précitée prévoit que les établissements pourront être amenés à ouvrir régulièrement que la loi du 8 août 2016 a souhaité favoriser la conclusion d’accords noués au plus près du terrain et des salariés et réguler ainsi le travail dominical et le travail occasionnel du dimanche ou le travail de nuit dont elle ne fait que rappeler les grands principes généraux et dont l’application sur le terrain doit conserver l’esprit, sous le contrôle des magistrats du fond.

Lorsqu’un accord est intervenu entre les organisations syndicales de salariés et les organisations d’employeurs d’une profession et d’une zone géographique déterminées sur les conditions dans lesquelles le repos hebdomadaire est donné aux salariés, le préfet peut, par arrêté, sur la demande des syndicats intéressés, ordonner la fermeture au public des établissements de la profession ou de la zone géographique concernée pendant toute la durée de ce repos.

L’abrogation d’un tel arrêté, pris pour l’application de l’article L. 3132-29 du Code du travail, n’a pas d’effet rétroactif.

Méconnaît ce texte et ce principe la cour d’appel qui, pour justifier la relaxe des prévenus du chef d’ouverture d’établissement malgré une décision administrative de fermeture hebdomadaire, invoque la règle de l’application immédiate de la loi pénale plus douce, l’arrêté préfectoral du 15 novembre 1990 imposant la fermeture de l’enseigne pendant 24 heures, ayant été abrogé par un arrêté préfectoral du 17 juillet 2017.

En effet, l’arrêté du 15 novembre 1990 avait été pris pour l’application de l’article devenu L. 3132-29 du Code du travail, disposition législative qui n’a pas été abrogée, en sorte que les poursuites fondées sur la violation de l’arrêté en cause demeurent permises.