En vertu de l’art. 843 du Code civil, « tout héritier, même ayant accepté à concurrence de l’actif, venant à une succession, doit rapporter à ses cohéritiers tout ce qu’il a reçu du défunt, par donations entre vifs, directement ou indirectement ; il ne peut retenir les dons à lui faits par le défunt, à moins qu’ils ne lui aient été faits expressément hors part successorale » .

Les appelants expliquent que sur la base d’un calcul effectué à partir des relevés bancaires et avis d’imposition, de la pension de leur mère, de la vente de son appartement, de ses économies, des charges et dépenses de celle-ci jusqu’à la vente de son appartement et son accueil chez sa fille C, ainsi que sur une estimation des dépenses de leur mère, déjà très âgée, postérieurement à cette date, y compris durant son hébergement en Ephad, ils parviennent à un différentiel important par rapport à l’actif net successoral retenu par le notaire E et considèrent que ce différentiel ne s’explique que par des donations indirectes au profit de leur soeur et des dons manuels qui doivent faire l’objet de rapports à la succession .

Ils relèvent que leur soeur C a bénéficié de la part de leur mère d’une somme mensuelle de 986 EUR en contrepartie du gîte et du couvert, qui excède largement les frais d’entretien de celle-ci selon eux, et qu’elle ne démontre pas que cette pension mensuelle a été diminuée à titre de remboursement de deux avances effectuées par leur mère pour des travaux dans la maison d’habitation, sans d’ailleurs justifier qu’ils étaient affectés à l’amélioration des conditions d’accueil de l’intéressée, et pour une dépense automobile ; ils évaluent ainsi le rapport à succession relatif aux dépenses de travaux à la valeur de l’amélioration apportée à l’immeuble .

Ils font encore valoir que des prélèvements réalisés au profit de leur soeur C postérieurement à l’admission en Ephad et excédant les besoins de leur mère, ont été mis en évidence sur trois ans et qui sont sujets à rapport, l’intéressée tentant en vain de les justifier par des frais divers et de linge

Mme Y, la soeur, réplique que les appelants échouent dans la charge de la preuve qui leur incombe de donations indirectes ou dons manuels à son profit et explique que leur mère a fait seule le choix de vendre son appartement, dont les charges devenaient trop lourdes, et de s’installer à son domicile, ce qui a exigé des travaux d’aménagement d’une chambre et d’une salle de bains à l’étage à hauteur de 4. 573 EUR, dont leur mère a avancé les fonds, qui lui ont été remboursés par une diminution de son versement mensuel au titre de sa prise en charge quotidienne durant plus de deux ans de même qu’au titre d’une avance faite pour le remplacement du moteur du véhicule de son mari.

Elle conteste avoir bénéficié de dons manuels ou donations indirectes et fait observer que les pièces communiquées par les appelants n’administrent pas une telle preuve et que ceux-ci sous-estiment très largement les dépenses et charges assumées par la défunte en particulier à compter de 2005 et jusqu’à son décès en 2013 lorsqu’elle se trouvait en Ephad .

Il incombe à tout co-héritier sollicitant le rapport de prouver l’existence au jour de l’ouverture de la succession d’une dette envers le défunt, par la démonstration de dons ou avantages rapportables .

Ainsi que l’a relevé avec pertinence le premier juge, le solde obtenu ensuite d’une opération consistant à soustraire des revenus de l’intéressée au cours de la période considérée les charges qu’elle est supposée avoir assumées ne saurait, quand bien même il révélerait un différentiel important au regard de l’actif disponible, dispenser les consorts Z de l’obligation probatoire qu’il leur revient d’assumer à ce titre .

Les parties convergent dans leurs calculs respectifs résultant d’une extrapolation à partir des pièces et notamment des avis d’imposition qu’elles détiennent, pour retenir que les revenus de la défunte se sont élevés à environ 346. 444 EUR après déduction des impôts sur le revenu entre 1998 et 2013 ; il convient d’y ajouter le produit de la vente de l’appartement d’Albertville intervenue le 29 juin 1999 pour une somme de 107. 477 EUR, soit un capital global de 453. 921 EUR, il y a lieu d’en retrancher les dépenses avérées suivantes, telles qu’elles ressortent des pièces du débat :

  •  frais d’hébergement à l’Ephad de Chaussin (144. 601 EUR de 2005 au décès en juillet 2013),
  •  droits de chacun des quatre enfants dans la succession de leur père versés en 1999 (36 .224 EUR),
  •  donations en avance sur héritage : 159. 643 EUR, décomposés comme suit :

* 28 juillet 1999 : 71. 203 EUR,

* septembre/octobre 2002 : (50 000 francs pour chaque enfant soit 30. 500 EUR),

* 21 juin 2006 : 24 .400 EUR,

* 17 septembre 2006 : 33. 540 EUR.

S’agissant des frais de mutuelle de décembre 1998 au décès, si l’intimée estime qu’ils ne peuvent être inférieurs à 11. 128 EUR sur cette période, il ressort des extraits de comptes de la défunte du 6 avril 2010 au 15 juillet 2013 que sa cotisation santé prélevée trimestriellement (Mutasanté) a été sur cette période de 3. 624,78 EUR  pour 14 prélèvements ; qu’il s’ensuit que l’on peut raisonnablement considérer que sur la période du dernier trimestre 2008 au premier trimestre 2010, soit 38 trimestres, les dépenses de mutuelles peuvent être évaluées à 11. 128 EUR, dès lors qu’un calcul à partir de la moyenne des prélèvements sur la période suivante (d’un montant nécessairement plus élevé) aboutirait à une dépenses globale de 13. 463,36 EUR.

Après retranchement de ces dépenses, il ne subsistait sur les revenus susvisés qu’un solde de 102 .325 EUR.

L’examen des extraits de comptes de la défunte, portant annotations manuscrites de Mme Y, permet de relever que l’intéressée exposait notamment de façon régulière des frais de coiffeur, pédicure, pharmacie non remboursée, abonnement à une revue, taxe d’habitation et redevance audiovisuelle (de mai 2005 à son décès en 2013), restaurants et se montrait généreuse à l’occasion des fêtes de fin d’année ainsi qu’en témoignent les extraits de compte de décembre et janvier sur plusieurs années ; qu’elle a dû assumer également des dépenses quotidiennes diverses (vêture, produits cosmétiques…) ce d’autant que plusieurs attestations confirment que l’intimée était particulièrement attentive au confort et au bien-être de sa mère ainsi qu’à son apparence soignée .

Il est avéré qu’à compter de décembre 1998 jusqu’à son admission à l’Ephad de Chaussin en 2005 Mme Y a recueilli à son domicile Mme J K veuve Z dont elle a assumé non seulement le gîte et le couvert mais aussi la prise en charge au quotidien, incluant l’accompagnement aux visites médicales, la compagnie et la stimulation permanente ; ainsi que l’a retenu le premier juge, les appelants ne démontrent pas en quoi la participation de l’intéressée à sa prise en charge quotidienne, dont la légitimité en son principe n’est pas mise en cause et qu’ils évaluent, sans en justifier le calcul, à une somme de 986,63 euros (en valeur actuelle), serait excessive .

De même, l’affirmation très générale selon laquelle les frais d’entretien jugés excessifs par les appelants sur une période de trois années alors même qu’une attestation émanant de l’établissement accueillant J K veuve Z relate que les charges courantes étaient aggravées par l’état de dépendance de la personne hébergée et que l’intimée était très présente à ses côtés pour répondre à ses besoins et attentes mais encore qu’elle assumait les tâches ingrates et répétitives de l’entretien du linge, ne peut à elle seule caractériser une distraction frauduleuse de fonds imputable à Mme Y .

Il résulte du bilan patrimonial dressé par le notaire en charge de la succession le 15 novembre 2013 que l’actif s’élevait à 35.536,77 EUR.

Dans ces circonstances, le différentiel supposé avoir permis à Mme J K veuve Z de faire face à ses besoins, à ses loisirs et plaisirs quotidiens et à la participation à sa prise en charge par sa fille C Y, notamment par un hébergement à son domicile pendant 77 mois, correspond à (102 314 ‘ 35 536,77 EUR) 66. 777,23 EUR, soit sur la période écoulée entre le 1er janvier 1999 et le 1er juillet 2013, une somme mensuelle de l’ordre de 380 EUR.

Les appelants prétendent que leur mère disposait d’économies à son arrivée au domicile de leur soeur en décembre 1998 ; que s’il est établi que l’intéressée disposait d’un plan épargne logement à la Caisse d’Epargne des Alpes d’un montant de 479 .588 francs (73. 112 EUR, celui-ci a été clôturé le 17 mai 1994 ; si les appelants soutiennent qu’une somme de 252. 086 francs (3.8 430 EUR) aurait disparu des comptes de leur mère, ils procèdent pas affirmation en alléguant que cette disparition supposée aurait été contemporaine de difficultés financières du couple Y ; dans le même temps, l’intimée produit une lettre manuscrite émanant de la défunte daté du 20 mai 1994 et rédigé à Albertville, dont certains passages ont été dissimulés, mais duquel il ressort que l’intéressée indiquait : «… Mon fils F ayant besoin de mon plan d’épargne dans l’immédiat j’ai donc dû le liquider … » ; si cet extrait de lettre ne suffit pas à établir que les fonds litigieux ont été versés à M. F Z et non pas seulement les droits à prêt attachés à ce plan, rien ne permet cependant d’affirmer qu’ils auraient été remis à Mme Y .

Il ne saurait donc être fait droit à la demande de rapport à la succession d’une somme de 42 .022,45 EUR, au titre de dons manuels ; le jugement qui a ainsi statué est confirmé sur ce point.

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