QUAND L’ACQUEREUR FAIT ECHEC A LA VENTE, IL DOIT LA CLAUSE PENALE

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QUAND L’ACQUEREUR FAIT ECHEC A LA VENTE, IL DOIT LA CLAUSE PENALE

Cour d’appel d’Aix-en-Provence, Chambre 1-1, 13 octobre 2020, RG n° 18/06931

La Sarl Lofran fait valoir qu’elle s’est présentée le 4 septembre 2013 en l’étude du notaire chargé d’instrumenter la vente pour proposer une nouvelle prolongation de la promesse, moyennant le paiement d’une indemnité forfaitaire de 10’000 € et le transfert du permis de construire obtenu au bénéfice aux vendeurs à défaut de réalisation de la vente ; l’appelante, ladite société, a été assignée sans attendre un accord entre les parties ; suite à l’avenant du 28 février 2013 la date de réalisation des conditions suspensives avait été prorogée au 15 mai 2013 ; le 7 septembre 2012 la société Lofran n’a pu déposer une demande de permis de construire pour une surface nette de 800 m², la mairie imposant pour le permis de construire une surface hors d’oeuvre nette (SHON) de 500 m², soit une perte de 300 m² de superficie ; l’absence de réalisation de la condition suspensive d’octroi d’un permis de construire de 800 m² justifiant le prix d’acquisition était déterminante pour le professionnel de l’immobilier qu’elle est ; l’absence de réalisation de cette condition suspensive particulière et déterminante entraîne la caducité du compromis ; il existait une servitude de passage revendiquée par les époux M. susceptible de nuire à son droit de propriété et de jouissance ; la clause pénale stipulée trouve à s’appliquer si et seulement si les conditions suspensives ont été réalisées ; les conditions suspensives ne se sont donc pas réalisées ; des circonstances totalement indépendantes de sa volonté n’ayant pas permis la conclusion de la vente, l’agent immobilier ne peut pas prétendre à des dommages et intérêts, en l’absence de toute faute de la part de l’appelante.

Mais la demande de permis de construire déposée par la Sarl Lofran mentionne une surface de plancher de 535 m² pour un total de 5 logements créés ; l’acquéreur ne peut se prévaloir de la non réalisation de la condition suspensive d’obtention d’un permis de construire de 800 m² alors que la demande qu’elle a déposée fait état d’une surface plancher de 535 m² seulement.

Que le permis de construire qui a été délivré le 5 février 2013 l’a été conformément à sa demande, l’appelante ne rapportant pas la preuve des prétendues exigences de la commune et de la nécessité que sa demande de permis de construire n’excède pas 500 m² de SHON, étant observé qu’à l’opposé, la note d’urbanisme délivrée par la société Juris Urba Sud qui est annexée à la promesse de vente, et dont le contenu est rappelé à l’avant-contrat, qui a été rédigé avec l’assistance d’un notaire, fait état d’un Cos fixé à 0,5 pour l’habitat rapporté à la surface de 1688 m2 autorisant 800 m² de SHON ;

En application de l’article 1178 ancien du Code civil applicable au litige, dont les dispositions sont expressément reprises en page 12 de la promesse de vente : « La condition est réputée accomplie lorsque c’est le débiteur, obligé sous cette condition, qui en a empêché l’accomplissement. » ; la condition suspensive relative à l’obtention d’un permis de construire est donc réputée réalisée ;

S’agissant de l’existence d’une servitude de passage, que le premier juge a déjà répondu à la Sarl Lofran que l’attestation produite des époux M. fait référence à une construction sur la parcelle BY 344 qui n’est pas l’objet du compromis litigieux portant sur une parcelle BY 57 et BY 331, de sorte que la condition suspensive d’absence de servitude susceptible de nuire au droit de propriété était également réalisée.

En ce qui concerne le dépôt de garantie celui-ci devait être déposé aux termes de l’acte à hauteur de « 32’500 € correspondant à 5 % du prix de vente dans les 10 jours de la notification de l’arrêté de permis de construire », et à défaut la promesse de vente devenait caduque sans indemnité de part et d’autre ; un procès-verbal de difficultés a été dressé le 17 septembre 2013 par le notaire chargé de la vente mentionnant qu’en dépit d’une sommation, l’acquéreur n’avait pas déposé le montant du dépôt de garantie tout en ayant manifesté l’intention de concrétiser l’opération, le gérant de la société invoquant la conjoncture économique et proposant une nouvelle prorogation, laquelle a été acceptée.

Contrairement à ce qui a retenu le tribunal en ses motifs (le dispositif du jugement déféré n’indiquant pas la date de caducité de l’avant contrat), la promesse de vente n’est pas devenue caduque au moment du non versement du dépôt de garantie?

En effet, après avoir reçu l’autorisation de construire le 5 février 2013, la Sarl Lofran a signé le 28 février 2013 avec M. Franck A. et Mme Janique A. un avenant à la promesse prolongeant la date de réalisation des conditions suspensives jusqu’au 15 mai 2013, sans que ces derniers aient reçu ce dépôt de garantie malgré une vaine sommation de le régler ; les parties ont ainsi prolongé les effets de la promesse jusqu’à la vaine sommation adressée le 26 août 2013 par les vendeurs à la Sarl Lofran d’avoir à réitérer la vente en signant l’acte authentique le 4 septembre 2013, et n’ont pas entendu se prévaloir de la caducité de la promesse avant cette dernière date.

L’avant-contrat stipule que :

« Si le défaut de réitération à la date prévue de réalisation provient de la défaillance de l’acquéreur le vendeur pourra toujours renoncer à poursuivre l’exécution de la vente sauf à tenir compte de la responsabilité de l’acquéreur par la faute duquel le contrat n’a pas pu être exécuté avec les conséquences financières qui sont attachées notamment la mise en ‘uvre de la clause pénale (au chapitre ‘réitération authentique’) ».

La clause pénale prévoit :

« Au cas où toutes les conditions relatives à l’exécution des présentes étant remplies, l’une des parties, après a été mise en demeure, ne régularisait serait pas l’acte authentique et ne satisferait pas ainsi aux obligations alors exigibles, elle devra verser à l’autre partie la somme de 65’000 € à titre de clause pénale, conformément aux dispositions des articles 1152 et 1226 du code civil, indépendamment de tous les dommages intérêts. (‘) La présente clause pénale ne peut pas priver dans la même hypothèse chacune des parties de la possibilité de poursuivre l’autre en exécution de la vente. »

La clause pénale, qui constitue à la fois une sanction de l’inexécution fautive d’un contrat et l’indemnisation des conséquences de cette faute, doit donc s’appliquer à l’espèce.

Le tribunal a justement ramené à 30 000 € le montant manifestement excessif de la pénalité convenue au regard du préjudice effectivement subi par les vendeurs du fait de la l’immobilisation de leur bien immobilier depuis le 13 octobre 2011 jusqu’au 4 septembre 2013, les vendeurs ayant fait preuve de patience en prorogeant à plusieurs reprises les délais contractuels pour permettre à la Sarl Lofran d’acquérir.

S’agissant des demandes de l’Eurl B. Immobilier, le premier juge a retenu à bon droit que la Sarl Lofran avait engagé sa responsabilité délictuelle à son égard, issue de sa faute contractuelle à l’égard de ses cocontractants, en faisant échec à la vente, et lui a justement accordé la somme de 15’000 € au titre de la réparation de sa perte certaine d’une chance importante de percevoir ses honoraires d’entremise, d’où il suit le rejet de l’appel au quantum de l’Eurl B. Immobilier.

En définitive il y a lieu de confirmer entièrement le jugement déféré.

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