PROCEDURE : impartialité de l’instruction et nullité de la garde à vue d’une mineure (Cass. crim., 19 févr. 2019, n° 18-83360)

Motivation de peine en matière d'urbanisme

PROCEDURE : impartialité de l’instruction et nullité de la garde à vue d’une mineure (Cass. crim., 19 févr. 2019, n° 18-83360)

En 1984, sur la base d’une commission rogatoire, une mineure est entendue puis placée en garde à vue en application de l’article 154 du Code de procédure pénale.

Après plusieurs décisions de non-lieu, un arrêt du 3 décembre 2008 ordonne la réouverture sur charges nouvelles et prescrit un supplément d’information confié au président de la chambre de l’instruction aux fins de procéder à une mesure technique puis de réaliser toutes autres investigations utiles à la manifestation de la vérité. La chambre de l’instruction fait partiellement droit à une demande d’expertise.

Le fils du magistrat à qui avait été confié un supplément d’information remet à la justice des carnets intimes de son père décédé en 1994, lorsqu’il apprend la réouverture de l’information judiciaire et cinq carnets rédigés entre le 15 juin 1987 et le 25 janvier 1990, contenant des annotations personnelles, ont été retranscrits à la demande du juge d’instruction, les éléments en rapport avec la procédure ayant été versés au dossier de l’information retranscrits.

Un arrêt du 24 mai 2017 ordonne également la réouverture, sur charges nouvelles, d’une information suivie des chefs de complicité d’assassinat, non-opposition à la réalisation d’un crime, non-assistance à personne en danger, non-dénonciation d’un crime, close par arrêt du 11 octobre 1988, et ordonne la jonction de ladite procédure avec la procédure en cours du chef d’assassinat.

L’ancienne mineure est mise en examen le 16 juin 2017 du chef d’enlèvement de mineur de quinze ans, suivi de mort, et dépose deux requêtes en annulation de pièces de la procédure.

Il est notamment demandé l’annulation du placement en garde à vue de 1984 et des auditions au cours de cette mesure, celle des actes de procédure diligentés le magistrat décédé ainsi que la nullité des actes accomplis par sa remplaçante dans le complément d’enquête.

Les pensées et les impressions subjectives au sujet de l’affaire en cours, du contexte de son déroulement ou des parties concernées, consignées par le magistrat instructeur dans son carnet intime, lequel était destiné à demeurer confidentiel n’eût été l’initiative d’un de ses héritiers d’en révéler la teneur, ne constituent pas la manifestation d’un manque d’impartialité dans sa conduite du supplément d’information que la chambre de l’instruction lui avait délégué, dès lors que, d’une part, il n’est pas allégué qu’il aurait fait preuve de parti pris ou de préjugé personnel dans l’exécution d’un ou de plusieurs actes d’investigation qu’il a effectués, d’autre part, la Cour de cassation est en mesure de s’assurer que le magistrat a instruit à charge et à décharge, conformément à l’article 81 du Code de procédure pénale, sans manifester aucune conviction lors de l’audition en tant que témoin de l’intéressée et qu’aucune mesure n’a été prise à son encontre par le magistrat ni par la chambre d’accusation à l’issue de ce supplément d’information.

De plus, il n’appartient pas aux juridictions d’apprécier, a posteriori, ce que pensait un juge en son for intérieur et qui relève de sa liberté de pensée, à partir de notes confidentielles établies par ce magistrat, dès lors qu’elles ne se sont pas traduites par une manifestation extérieure de partialité dans ses propos ou son comportement au cours de la procédure qui lui a été confiée.

Il s’ensuit que ne saurait faire naître un doute objectivement justifié sur l’impartialité du juge au moment où il a effectué le supplément d’information, la révélation fortuite postérieure des carnets intimes du magistrat, intervenue après son décès.

Lorsqu’il est procédé aux suppléments d’information ordonnés par la chambre de l’instruction, les articles 201 et 205 du Code de procédure pénale permettent de confier au magistrat délégué qui y procède conformément aux dispositions relatives à l’instruction préalable, non seulement des mesures spécifiques, à l’exception d’actes juridictionnels, mais aussi, comme en l’espèce, tous actes d’investigations utiles à la manifestation de la vérité, une telle délégation, formulée en termes généraux, se rattachant nécessairement aux infractions visées par l’information rouverte sur charges nouvelles et n’ayant pas pour effet de la dessaisir de sa compétence.

Mais une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l’article 61-1 de la Constitution est abrogée à compter de la publication de la décision ou d’une date ultérieure fixée par cette décision et le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles sont susceptibles d’être remis en cause les effets qu’a produits le texte déclaré inconstitutionnel.

Par décision du Conseil constitutionnel (Cons. const., 16 nov, 2018, n° 2018-744 QPC), ont été déclarés contraires à la Constitution, dans l’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante, les mots « soit dans les formes prévues par le chapitre 1er du titre III du livre 1er du Code de procédure pénale » figurant à la première phrase du deuxième alinéa de l’article 8 et les mots « procédera à l’égard du mineur dans les formes du chapitre 1er du titre III du livre 1er du Code de procédure pénale et » figurant au premier alinéa de l’article 9 de ladite ordonnance, dans leur rédaction résultant de la loi n° 74-631 du 5 juillet 1974 fixant à dix-huit ans l’âge de la majorité, la décision prenant effet à compter de la date de publication, le 17 novembre 2018 et étant applicable à toutes les affaires non jugées définitivement à cette date.

La garde à vue de la mineure ayant été effectuée en application des dispositions déclarées inconstitutionnelles, doit être annulé en ses seules dispositions relatives à la garde à vue et aux actes subséquents l’arrêt qui rejette le moyen présenté par l’intéressée tendant à l’annulation de son placement en garde à vue en 1984 et des auditions effectuées au cours de cette mesure, prise de l’absence de notification du droit de se taire, d’assistance d’un avocat, de notification du droit à un examen médical et d’avis à sa famille.

Texte intégral de l’arrêt en cliquant ici : https://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/chambre_criminelle_578/181_19_41424.html

https://www.christian-finalteri-avocat.fr/avocat-bastia/cabinet-avocat-actualites/droit-penal.html