LICENCIEMENT : S’AGISSANT D’UN SALARIE MIS A DISPOSITION DE LA FILIALE (AVIS DE LA COUR DE CASSATION)

Licenciement d'un salarié mis à disposition

LICENCIEMENT : S’AGISSANT D’UN SALARIE MIS A DISPOSITION DE LA FILIALE (AVIS DE LA COUR DE CASSATION)

Licenciement d’un salarié mis à disposition

La Cour de cassation répond à une demande de la cour d’appel de Paris.

La chambre sociale de la Cour de cassation est d’avis que la société mère qui a mis un salarié à disposition d’une filiale étrangère est tenue aux obligations prévues à l’article L.1231-5 du code du travail dans la mesure où, à la date du licenciement de ce salarié, elle contrôle cette dernière société.

Cass. soc., avis, 8 juill. 2021, n° 21-70012

Il y a lieu de rappeler que la Cour de Cassation affirme avec constance le principe selon lequel les indemnités de rupture auxquelles peut prétendre le salarié mis, par la société au service de laquelle il était engagé, à la disposition d’une filiale étrangère, au titre de son licenciement prononcé par la société-mère après que la filiale a mis fin à son détachement, doivent être calculées par référence aux salaires qu’il percevait dans son dernier emploi, à savoir son salaire d’expatriation (Cass. Soc. 6 février 2001, n°98-44 665 ; Cass. Soc. 27 octobre 2004 n°02-40 648 ; Cass. Soc. 6 avril 2005 n°03-42021 ; Cass. Soc. 11 janvier 2006 n°04-41652) ;

En particulier, un arrêt de la Chambre Sociale du 5 décembre 2007, strictement transposable à l’espèce objet du présent article (salarié révoqué par la filiale, qui se voit proposer un poste de « chargé de missions industrielles » par la société mère et refuse ce poste, puis est licencié en raison de ce refus), affirme : « Qu’en statuant ainsi, alors que le montant des indemnités de préavis, de congés payés, de licenciement dues par la société mère au salarié ayant en dernier lieu travaillé au sein de la filiale étrangère, devait être déterminé sur la base du salaire d’expatriation, la cour d’appel a violé les textes susvisés » (Cass. Soc. 5 décembre 2007 n°06-40787).

La question a donc été clairement tranchée par la Cour de Cassation.

Cette position a récemment été réitérée, dans un arrêt de Cassation du 17 mai 2017.

Dans cette espèce, le salarié, détaché par le groupe Shell au sein d’une filiale singapourienne, puis engagé localement par cette dernière dans le cadre d’une expatriation, a été rapatrié par la société-mère après la fin du contrat d’expatriation, réintégré par celle-ci, puis licencié près d’un an plus tard, sans qu’un nouvel emploi compatible avec ses précédentes fonctions n’ait été procuré audit salarié.

Or la Cour de Cassation a clairement affirmé que, dans un tel contexte, « les indemnités de rupture devaient être calculées par référence au salaire perçu par le salarié dans son dernier emploi » (Cass. Soc. 17 mai 2017 n°15-17750).

Cette jurisprudence s’appliquait à toutes les indemnités de rupture, quelles qu’elles soient : indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, indemnité de licenciement, indemnité compensatrice de préavis, contrepartie à la clause de non concurrence…

C’est en ce sens que la Cour d’Appel a statué dans notre espèce, précisant que « les indemnités de rupture auxquelles peut prétendre le salarié, mis par la société au service de laquelle il était engagé à la disposition d’une filiale étrangère, au titre de son licenciement prononcé par la société-mère après que la filiale a mis fin à son détachement, doivent être calculées par référence aux salaires perçus par le salarié dans son dernier emploi et non celui de référence en France, qui ne correspond à aucune activité réelle exercée par ce dernier au service de la société mère. »

La décision est d’autant plus intéressante que la société X avait pris le soin d’insérer dans le contrat tripartite une clause selon laquelle le salaire de base de Monsieur Y (hors tous avantages liés à son expatriation) servirait de base de ses indemnités de fin de contrat. Or le principe de liberté contractuelle revendiqué par la société X pour se prévaloir de cette clause ne saurait jouer en droit du travail qu’en cas de vide juridique et lorsqu’aucun texte ni aucune jurisprudence ne vient fixer une règle, ou si elle bénéficie au salarié, et ce au regard du déséquilibre économique inhérent au contrat de travail.

Il y a ensuite lieu de déterminer les sommes constituant ou non des éléments du salaire devant ainsi servir de base de calcul des indemnités de rupture.

Rappelons qu’en application de l’article L3221-3 du code du travail : « Constitue une rémunération au sens du présent chapitre, le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum et tous les autres avantages et accessoires payés, directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l’employeur au salarié en raison de l’emploi de ce dernier.».

C’est sur ce fondement que doivent être pris en compte tous les éléments du salaire : la partie fixe, les éléments variables, l’ensemble des primes et gratifications, ainsi que tous les avantages en nature dont bénéficie le salarié.

Une question peut se poser quant à la qualification de certains versements comme constituant ou non des avantages en nature consentis par l’employeur.

En particulier, et selon une jurisprudence ancienne et jamais remise en cause, un logement mis à disposition d’un salarié par l’employeur, à titre gratuit ou moyennant une participation financière minime, est considéré comme logement de fonction et par conséquent comme l’accessoire du contrat de travail, dès lors que cette mise à disposition résulte de l’existence de ce contrat (Cass, Soc, 10 juin 1954, n°41.999 ; Cass, Soc, 17 mai 1961, n°59-11.658).

Ce principe a clairement été rappelé, s’agissant d’un salarié expatrié, dans un arrêt de la Cour de Cassation du 2 juillet 2014, dont il ressort précisément que la prise en charge, par l’employeur, du coût du logement du salarié pendant la durée de son expatriation constitue un avantage en nature devant être intégré dans le montant de sa rémunération brute pour le calcul de son indemnité conventionnelle de licenciement (Cass. Soc. 2 juillet 2014 n°13-15884).

La Cour d’appel de Paris a aussi rappelé ce principe intangible dans une affaire concernant un salarié expatrié, réaffirmant que « les avantages en nature constituent des éléments de salaire qui doivent être pris en compte pour le calcul du salaire de référence » (CA Paris, Pôle 6, Chambre 5, Arrêt du 10 janvier 2013).

Est également un avantage en nature la mise à disposition d’un véhicule de fonction (Cass.Soc.31 janvier 2012 n°10-24388 ; Cass. Soc. 4 février 2015 n°13-24151).

En revanche et au regard de la jurisprudence, constituent des remboursements de frais n’ayant pas à être intégrés dans la base de calcul les allers-retours du salarié entre son pays d’origine et son pays d’expatriation, tout comme les frais de scolarité des enfants.

N’ont pas non plus à l’être, en application des dispositions de articles L3212-4 et L3325-1 du code du travail, les sommes attribuées aux salariés en application d’un accord d’intéressement ou d’un accord de participation.

Ainsi, la Cour d’Appel s’est attachée à rappeler le principe selon lequel c’est bien le salaire d’expatriation qui sert de base au calcul des indemnités de rupture dues au salarié, et ce même si le licenciement intervient après sa réintégration dans les effectifs de la société-mère.

Cette décision est intéressante en ce qu’elle rappelle avec précision l’importance des obligations pesant sur la société-mère lorsqu’il est mis fin au contrat local d’un salarié expatrié, et les conséquences inhérentes à leur violation.