Le maintien de parcelles dans le périmètre du DPU de la commune n’est pas compatible avec leur classification en zone Ab, à usage agricole

BIENS EN ETAT D'ABANDON MANIFESTE

Le maintien de parcelles dans le périmètre du DPU de la commune n’est pas compatible avec leur classification en zone Ab, à usage agricole

Cour d’appel de Colmar, Chambre 10, 14 mai 2020, RG n° 19/01947

Le droit de préemption urbain (DPU) est la possibilité reconnue aux communes qui en ont fait le choix d’acquérir en priorité, sur certaines zones de leur territoire, un bien mis en vente par son propriétaire. Ce droit ne peut être mis en œuvre que pour des objectifs définis par la loi.

Selon l’article L. 322-2, alinéa trois, du Code de l’expropriation, il est tenu compte des servitudes et des restrictions administratives affectant de façon permanente l’utilisation ou l’exploitation des biens (…), sauf si leur institution révèle, de la part de l’expropriant, une intention dolosive.

En l’espèce, la modification du plan local d’urbanisme adoptée par la commune d’Ichtratzheim le 12 octobre 2006 a eu pour effet de faire passer les parcelles des époux X de l’ancienne zone UB6 (constructible) à la nouvelle zone Ab (inconstructible), donc d’en diminuer la valeur dans une proportion potentiellement importante.

Cette modification est intervenue alors qu’il était de notoriété publique, comme le révèle notamment le certificat d’urbanisme concernant les parcelles litigieuses, délivré le 28 janvier 2003, que celles-ci étaient affectées par le projet d’aménagement de la RN 83, dont la mise à l’étude remontait à un arrêté préfectoral du 9 novembre 1993. Il était donc connu de tous que les parcelles des époux X allaient faire l’objet d’une procédure d’expropriation. En outre, la préemption de la commune en 2002 avait été motivée par le projet d’aménagement de la RN 83, et un litige avait opposé la commune aux époux X, devant le juge de l’expropriation, au sujet de la valeur des parcelles. La renonciation des époux X à vendre leurs parcelles à la commune au prix fixé par le juge de l’expropriation avait seulement différé l’issue d’un conflit déjà existant, à la date de modification du PLU, sur la valeur des parcelles. Dans ces conditions, le fait que la procédure d’expropriation n’ait été initiée qu’en 2013, plus de six ans après la modification du plan local d’urbanisme, ne permet pas d’exclure que cette modification était destinée à influer sur la valorisation des parcelles.

Par ailleurs, comme l’a relevé le premier juge, d’une part la classification des parcelles en zone Ab (secteurs protégés en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles) ne correspondait aucunement à la nature des parcelles, qui n’avaient jamais été exploitées à titre agricole et supportaient une maison d’habitation édifiée au début du XX ème siècle, d’autre part, aucune raison n’est invoquée, de nature à justifier l’affectation de ces parcelles à un usage agricole, au demeurant difficilement envisageable compte tenu de l’emprise de la maison implantée sur la parcelle 566.

En outre, le maintien des parcelles dans le périmètre du droit de préemption urbain de la commune n’apparaît guère compatible avec leur classification en zone Ab, à usage agricole.

Enfin, le fait que des parcelles bâties autres que celles des époux X aient été soumises au même changement de zonage, sans donner lieu à litige à ce sujet avec l’expropriant, est sans emport, alors que l’on ignore à quel prix ces parcelles ont été cédées.

Si le département du Bas-Rhin n’est pas l’auteur de la modification du plan local d’urbanisme adoptée par la commune d’Ichtratzheim, son intention dolosive peut être retenue en cas de collusion frauduleuse avec la commune.

En 2002, alors que la route nationale 83 n’avait pas encore été déclassifiée en route départementale, la commune avait exercé son droit de préemption pour permettre la réalisation future du projet d’aménagement de cette voie. Le département a donc succédé à la commune en qualité de personne publique candidate à l’acquisition des parcelles des époux

X, pour la réalisation du même projet. Le département était par ailleurs le principal bénéficiaire de la réduction de valeur de ces parcelles résultant de la modification du plan local d’urbanisme. Enfin, il a participé à cette modification, ses services ayant assuré l’instruction du dossier, à l’occasion de laquelle il pouvait émettre tous avis et réserves, ce dont il s’est abstenu, alors qu’il ne pouvait ignorer que l’inclusion des parcelles, vouées à être expropriées, en zone agricole non constructible, ne correspondait pas à la réalité.

C’est donc à juste titre que le premier juge a retenu l’intention dolosive de l’expropriant et, faisant application des dispositions de l’article L. 322-2, alinéa 3, du Code de l’expropriation, qu’il a écarté les restrictions et servitudes administratives grevant les parcelles litigieuse et résultant de la modification du plan local d’urbanisme du 12 octobre 2006.

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