DOMMAGE CORPOREL : LE JUGE DOIT PREALABLEMENT EVALUER LE PREJUDICE PROFESSIONNEL AVANT L’IMPUTATION DE LA RENTE

Erreur médicale

DOMMAGE CORPOREL : LE JUGE DOIT PREALABLEMENT EVALUER LE PREJUDICE PROFESSIONNEL AVANT L’IMPUTATION DE LA RENTE

CE, 5ème chambre, 28 septembre 2020, n°431541

Le Conseil d’Etat a considéré ce qui suit :

« (…) Sur le pourvoi du centre hospitalier universitaire d’Amiens et de la société hospitalière d’assurances mutuelles :

1. D’une part, en application des dispositions de l’article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, le juge saisi du recours de la victime d’un dommage corporel et du recours subrogatoire d’un organisme de sécurité sociale doit, pour chacun des postes de préjudices, déterminer le montant du préjudice en précisant la part qui a été réparée par des prestations de sécurité sociale et celle qui est demeurée à la charge de la victime. Il lui appartient ensuite de fixer l’indemnité mise à la charge de l’auteur du dommage dans la limite de la part du poste de préjudice qui n’a pas été réparée par des prestations, le solde, s’il existe, étant alloué à l’organisme de sécurité sociale.

2. D’autre part, eu égard à la finalité de réparation d’une incapacité permanente de travail qui lui est assignée par les dispositions de l’article L. 341-1 du code de la sécurité sociale et à son mode de calcul en fonction du salaire, la pension d’invalidité doit être regardée comme ayant pour objet exclusif de réparer, sur une base forfaitaire, les préjudices subis par la victime dans sa vie professionnelle en conséquence de l’accident, c’est-à-dire ses pertes de revenus professionnels et l’incidence professionnelle de l’incapacité. Dès lors, le recours exercé par une caisse de sécurité sociale au titre d’une pension d’invalidité ne saurait s’exercer que sur ces deux postes de préjudice.

3. Il résulte des termes mêmes de l’arrêt attaqué que, pour condamner le CHU d’Amiens à rembourser à la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) de l’Oise, subrogée dans les droits de Mme B…, la somme de 143 356,99 euros correspondant à l’intégralité des versements effectués par la caisse au titre de la pension d’invalidité de Mme B…, la cour administrative d’appel s’est seulement fondée sur ce que la responsabilité du CHU d’Amiens était entièrement engagée à l’égard de Mme B….

4. En statuant ainsi, alors qu’il lui appartenait de vérifier que Mme B… avait subi, en raison de la faute commise par le CHU d’Amiens, des préjudices au titre de la perte de revenus professionnels ou de l’incidence professionnelle de son incapacité, afin d’en déduire, après déduction de la pension d’invalidité versée à l’intéressée, la limite dans laquelle la CPAM de l’Oise pouvait exercer son recours subrogatoire relatif au versement de cette pension d’invalidité, la cour a commis une erreur de droit.

5. Le CHU d’Amiens est, par suite, fondé à demander l’annulation de l’arrêt qu’il attaque en tant qu’il le condamne à verser à la CPAM de l’Oise la somme de 143 356,99 euros au titre de la pension d’invalidité dont a bénéficié Mme B….

Sur le pourvoi incident de la CPAM de l’Oise :

6. En estimant que le lien entre l’hospitalisation de Mme B… en novembre 2010 et l’accident survenu le 23 mars 2009 n’était pas établi, la cour, dont l’arrêt est suffisamment motivé sur ce point, a porté sur les pièces du dossier qui lui était soumis une appréciation souveraine, exempte de dénaturation. Elle n’a pas davantage dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis et a également suffisamment motivé son arrêt en estimant, s’agissant des dépenses de santé futures, que la CPAM de l’Oise ne justifiait pas la somme de 49 586,29 euros qu’elle sollicitait à ce titre.

7. Il résulte de tout ce qui précède que l’arrêt attaqué doit être annulé en tant seulement qu’il condamne le CHU d’Amiens à verser à la CPAM de l’Oise la somme de 143 356,99 euros au titre de la pension d’invalidité dont a bénéficié Mme B….

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la CPAM de l’Oise le versement au CHU d’Amiens et à la SHAM d’une somme de 1 500 euros chacun au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de ces derniers, qui ne sont pas dans la présente instance les parties perdantes, la somme que demande, au même titre, la CPAM de l’Oise.

D E C I D E :
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Article 1er : L’arrêt de la cour administrative d’appel de Douai n° 16DA01205 du 9 avril 2019 est annulé en tant qu’il condamne le centre hospitalier universitaire d’Amiens à verser à la caisse primaire d’assurance maladie de l’Oise la somme de 143 356,99 euros au titre de la pension d’invalidité dont a bénéficié Mme B….

Article 2 : L’affaire est renvoyée, dans la limite de la cassation prononcée, à la cour administrative d’appel de Douai (…) ».