LE DEFUNT ETAIT AMERICAIN : Détermination de la loi applicable et du tribunal compétent (Cass. 1ère civ., 29 mai 2019, n° 18-13383)

LE DEFUNT ETAIT AMERICAIN : Détermination de la loi applicable et du tribunal compétent (Cass. 1ère civ., 29 mai 2019, n° 18-13383)

Un homme décède à New York, laissant trois enfants, en l’état d’un testament exhérédant sa fille. Soutenant que le défunt avait sa résidence habituelle à Paris, celle-ci assigne ses frère et sœur devant une juridiction française en partage judiciaire de la succession.

Aux termes de l’article 4 du règlement (UE) n° 650/2012 du Parlement européen et du Conseil du 4 juillet 2012 relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l’exécution des actes authentiques en matière de successions et à la création d’un certificat successoral européen, sont compétentes pour statuer sur l’ensemble d’une succession les juridictions de l’État membre dans lequel le défunt avait sa résidence habituelle au moment de son décès.

Il résulte des considérants 23 et 24 du préambule de ce règlement qu’afin de déterminer la résidence habituelle, l’autorité chargée de la succession doit procéder à une évaluation d’ensemble des circonstances de la vie du défunt au cours des années précédant son décès et au moment de son décès, prenant en compte tous les éléments de fait pertinents, notamment la durée et la régularité de la présence du défunt dans l’État concerné ainsi que les conditions et les raisons de cette présence, la résidence habituelle ainsi déterminée devant révéler un lien étroit et stable avec l’État concerné, compte tenu des objectifs spécifiques du règlement. Dans les cas où il se révèle complexe de déterminer la résidence habituelle du défunt, par exemple lorsque celui-ci vivait de façon alternée dans plusieurs États ou voyageait d’un État à un autre sans s’être installé de façon permanente dans un État, sa nationalité ou le lieu de situation de ses principaux biens pourrait constituer un critère particulier pour l’appréciation globale de toutes les circonstances de fait.

L’arrêt relève que le défunt partageait son temps entre les États-Unis et l’Europe, et plus spécialement Paris, sans que la durée des séjours dans l’un ou l’autre pays puisse être déterminante pour la solution du litige, de sorte que la nationalité et la situation de l’ensemble de ses principaux biens constituent les critères particuliers à retenir pour l’appréciation globale des circonstances de fait permettant de déterminer sa résidence habituelle. Il constate que le défunt avait la nationalité américaine, qu’il était né à New York, où il est décédé, qu’il y a exercé l’ensemble de sa vie professionnelle, qu’il a rédigé son testament à New York, se déclarant dans ce document « résident à New York », que les membres de sa famille proche vivaient majoritairement aux États-Unis et qu’il détenait à New York un patrimoine immobilier constitué de plusieurs immeubles d’une valeur importante, fruit d’une vie professionnelle entièrement dédiée à l’immobilier new-yorkais auquel il consacrait encore du temps. Il ajoute que si la fille déshéritée avance un certain nombre d’arguments en faveur d’une résidence habituelle à Paris du défunt au cours des dernières années de sa vie, il apparaît néanmoins que celui-ci avait une adresse fixe à New York depuis plus de quarante ans, figurant sur ses passeports, qu’il a souhaité être enterré auprès de ses parents à Brooklyn, qu’il était domicilié fiscalement à New York, où il votait régulièrement et qu’il n’était rattaché à aucun organisme de remboursement de soins médicaux en France. Il énonce encore que l’achat de l’appartement à Paris réalisé fictivement, ou pas, aux noms des intimés est inopérant, la résidence habituelle pouvant parfaitement être située chez un tiers, même étranger au cercle familial, qu’il n’est pas anormal que le défunt y ait mis des objets personnels ni qu’il en payât les charges puisqu’il y séjournait, que les appels de charges de copropriété, taxes d’habitation et factures étaient expédiés à son adresse à New York et que si le défunt a subi deux interventions chirurgicales à Paris, son médecin traitant, qu’il consultait régulièrement, était à New York.

La cour d’appel, qui se détermine par une appréciation souveraine des éléments de preuve, sans être tenue de s’expliquer spécialement sur ceux qu’elle décide d’écarter ni de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, et qui n’a pas à procéder à une recherche que ses constatations rendent inopérante, estime que la résidence habituelle du défunt était située à New York, ce dont elle déduit exactement que la juridiction française est incompétente pour statuer sur sa succession.

Aux termes de l’article 10, paragraphe 2, du règlement UE n° 650/2012, lorsque la résidence habituelle du défunt au moment du décès n’est pas située dans un État membre et qu’aucune juridiction d’un État membre n’est compétente en vertu du paragraphe 1, les juridictions de l’État membre dans lequel sont situés des biens successoraux sont néanmoins compétentes pour statuer sur ces biens. La cour d’appel qui constate que le titre de propriété de l’appartement situé à Paris, est établi au nom des héritiers et relève qu’il appartiendra à la juridiction compétente de déterminer la masse successorale, retient qu’en l’état actuel de la procédure, aucun bien immobilier appartenant au défunt n’est situé sur le territoire français. Dès lors qu’il résulte de ses constatations et appréciations l’absence de biens successoraux situés en France, la cour d’appel justifie légalement sa décision d’écarter la compétence subsidiaire du TGI de Paris.

Texte intégral de l’arrêt en cliquant ici : https://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/premiere_chambre_civile_568/497_29_42577.html

https://www.christian-finalteri-avocat.fr/avocat-bastia/cabinet-avocat-actualites/droit-des-successions-et-indivision.html