La responsabilité du conseil en gestion de patrimoine (défiscalisation loi Girardin)

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La responsabilité du conseil en gestion de patrimoine (défiscalisation loi Girardin)

Cour d’appel de Nîmes, 1ère chambre, 6 février 2020, RG n° 17/04055

M. Z conteste être intervenu en qualité de conseil en investissement financier auprès des époux X soutenant n’être intervenu qu’en la seule qualité de courtier pour leur proposer la recherche d’un projet de défiscalisation sur le fondement des dispositions de la loi Girardin conformément à leur souhait.

Les époux X sollicitent au contraire l’engagement de la responsabilité civile contractuelle de M. Z en sa qualité de conseiller en gestion de patrimoine en arguant des manquements aux obligations d’information, de conseil et de loyauté auxquelles il était tenu.

Il ressort des échanges de messages électroniques versés aux débats que M. X a pris l’attache de M. Z le 29 octobre 2008 pour lui demander ce qu’il pouvait lui proposer dans le cadre d’une opération de défiscalisation compte tenu de son revenu annuel 2008.

En réponse, le 30 octobre 2008, M. Z lui a proposé un investissement Girardin en concluant ses observations à la suite des interrogations manifestées par M. X s’inquiétant des garanties offertes : ‘ »Toutes ! La principale étant de me faire confiance et de me considérer enfin comme votre conseil en gestion de patrimoine. Depuis que l’on se connaît, vous avez déjà perdu de l’argent en vous posant trop de questions  ».

Dans un message du 31 octobre 2008, M. X faisait à nouveau part de ses questionnements à M. Z en lui indiquant n’avoir jamais procédé à ce type de montage et avoir des difficultés à l’appréhension du problème compte tenu de propositions de défiscalisation toutes aussi contradictoires les unes que les autres.

M. Z lui répondait le même jour dans les termes suivants :

« Je comprends que c’est difficile de prendre les justes décisions pour le bien et l’intérêt de la famille… Mais vous devez comprendre aussi que je vous propose de bons investissements qui ont été vérifiés en amont par plusieurs intervenants et que j’aimerais que vous me fassiez un peu plus confiance… Je ne commercialise que de bons produits et dans ce cas précis avec l’aval du fisc… ».

Ces échanges de messages attestent sans aucune ambiguïté possible le rôle de M. Z en qualité de conseil en gestion de patrimoine, rôle qu’il a lui-même revendiqué de manière particulièrement explicite au cours de sa correspondance avec M. X.

M. Z est ainsi mal fondé à soutenir qu’il n’aurait joué aucun rôle de conseil en gestion de patrimoine auprès des époux X, les échanges susvisés attestant du contraire puisque M. X a précisément pris son attache afin d’être conseillé sur de possibles opérations de défiscalisation à propos desquelles il a fait part de légitimes interrogations en exposant ne pas maîtriser les dispositifs et que M. Z a conseillé le recours au mécanisme de l’investissement Girardin.

Il est constant que le conseiller en gestion de patrimoine est tenu d’une obligation d’information et de conseil envers ses clients quant aux caractéristiques de l’investissement et des choix à effectuer sur le fondement desquelles il doit informer son client des risques de placement et sur ses caractéristiques les moins favorables et s’agissant des opérations de défiscalisation, il est tenu de délivrer une information et des conseils adaptés sur les aléas juridiques financiers inhérents à l’opération.

Il ressort des pièces versées aux débats que deux mandats de recherche ont été successivement signés par M. et Mme X, le premier le 7 décembre 2008 et le second le 26 juin 2009 aux fins de recherche de toute opération de prise de participation dans une ou plusieurs sociétés en participation ayant pour activité principale la location de longue durée dans les départements et territoires d’outre-mer éligibles aux dispositions de l’article 199 undecies A/B et 217 undecies et duodecies du Code général des impôts.

Les mandats ont été suivis de la réalisation des placements recherchés, la somme de 52 600 euros ayant été réglée par chèque du 8 décembre 2008 et la somme de 25 681 euros par chèque du 26 juin 2009. Si les mandats ont été signés avec la Sarl Dom-Tom défiscalisation qui avait la qualité de mandataire, l’opération a été réalisée par l’intermédiaire de M. Z qui a d’ailleurs perçu une rémunération d’un montant de 2’ 400 EUR par chèque tiré sur le compte des époux X le 8 décembre 2008 et de 1 283 euros par chèque du 26 juin 2009.

M. Z est mal fondé à exciper d’une absence quelconque de responsabilité dans l’inefficacité des placements effectués qui n’ont pas donné lieu à l’opération de défiscalisation escomptée au moyen tiré que l’obligation de veiller à la réalisation des placements au 31 décembre de l’année pesait sur la seule société mandataire alors qu’il ressort des échanges de correspondances avec M. X qu’il a précisément conseillé la réalisation de l’opération avec la société Dom-Tom défiscalisation en s’étant abstenu d’attirer l’attention de ses clients sur les aléas du projet de défiscalisation.

Il est au contraire attesté par le message électronique adressé à M. X le 12 novembre 2018 qu’il a expressément indiqué que la défiscalisation serait d’un montant de 64’ 400 EUR pour un versement de 47’ 00 0EUR, aucune réserve n’ayant été spécifiée. Ce message s’est accompagné de la transmission des grilles 2008 apport-défiscalisation et d’une présentation du projet mené sous l’égide de la Sarl Dom-Tom défiscalisation ne comprenant aucune réserve autre que l’obligation de location continue des biens acquis pendant une durée de cinq ans.

Il ressort de la proposition de rectification fiscale du 26 octobre 2011 que la défiscalisation a été rejetée aux motifs que les investissements allégués ne répondaient pas aux conditions légales prévues à l’article 199 undecies B du code général des impôts, leur prix de revient non justifié étant sans corrélation avec le montant total d’investissement et ceux-ci, non mis en capacité de fonctionner de manière autonome n’ont revêtu aucun intérêt économique ou environnemental pour la Martinique. L’administration fiscale a relevé qu’aucune déclaration d’achèvement des travaux n’avait été effectuée par la société Dom-Tom défiscalisation, aucun certificat de conformité délivré par le consuel n’avait été présenté ni aucune demande de raccordement au réseau EDF, ni pour l’année 2008, ni pour l’année 2009 de sorte que les immobilisations n’étaient pas en capacité opérationnelle au 31 décembre des années 2008 et 2009 et ne pouvaient en conséquence donner lieu à une réduction d’impôt.

M. Z considère qu’aucun manquement ne peut lui être reproché dès lors qu’il appartenait à la seule société Dom-Tom défiscalisation de veiller à la réalisation des opérations avant le 31 décembre de chaque année et que le dossier comportait une attestation de garantie de risque fiscal signée par M. A pour le compte de la société Lynx industries, dont le siège social est situé aux Etats-Unis.

C’est à tort que M. Z soutient qu’il était tenu à la seule obligation d’information afférente à la présentation des conditions légales de l’opération de défiscalisation projetée alors qu’il était également tenu d’une obligation de conseil à l’égard de ses clients par lesquels il avait été précisément sollicité aux fins d’être conseillé sur le choix d’un dispositif de défiscalisation adapté à leur situation personnelle.

En sa qualité de conseil en gestion de patrimoine, il lui appartenait de procéder à des vérifications sur le sérieux des sociétés partenaires qu’il a précisément recommandées auprès de ses clients en les invitant à signer les mandats de recherche litigieux à l’origine de l’investissement de la somme totale de 78’ 281 EUR en leur ayant expressément indiqué que des vérifications avaient été effectuées en amont par plusieurs intervenants et qu’il ne commercialisait que de bons produits de sorte qu’il est établi que M. Z a seulement vanté les mérites du placement préconisé sans procéder à une présentation des aléas inhérents à l’opération et sans s’assurer préalablement du sérieux et des compétences des sociétés conceptrices du produit.

Si l’obligation de conseil est effectivement une obligation de moyens, il est établi en l’espèce que M. Z a manqué à cette obligation en s’abstenant de procéder à une présentation claire des risques de l’opération et de ses conséquences fiscales.

Il ressort d’ailleurs des échanges de messages que questionné sur l’existence de risques de l’opération, M. Z les a purement et simplement écartés dans les termes suivants : »‘Pourquoi y aurait-il des risques pour les investisseurs alors que tout est fait pour que justement, les investisseurs ne risquent rien. Dans le montage proposé, nous avons même pour écuriser encore plus les investisseurs, fait transiter les fonds par une SEP et non par une SNC et nous avons inclus trois garanties supplémentaires« .

Le manquement de M. Z à ses obligations est ainsi parfaitement caractérisé sans que celui-ci puisse opposer une exclusion de responsabilité en excipant de la seule responsabilité du gérant de la société Dom-Tom défiscalisation dès lors qu’il n’a pas procédé aux vérifications qui s’imposaient à l’égard de cette société avant de procéder à la commercialisation des produits financiers proposés par celle-ci dont M. Z avait garanti à ses clients la sécurité juridique et financière des placements.

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