LA PRESCRIPTION EN MATIERE DE DEMANDE DE CREANCE DE SALAIRE DIFFERE

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LA PRESCRIPTION EN MATIERE DE DEMANDE DE CREANCE DE SALAIRE DIFFERE

Cour d’appel de Douai, 1re chambre, 1re section, 9 juillet 2020, RG n° 18/06765

M. Jean-Louis L. revendique une créance de salaire différé pour la période du 26 janvier 1974, date de sa majorité, au 12 août 1977, date à laquelle il a quitté le domicile familial, indiquant notamment que sa mère a exercé en qualité de chef d’exploitation agricole avec son époux décédé le 22 décembre 2007, et ce au moins pendant la période décrite par l’attestation de la Mutualité Sociale Agricole. Il soutient que sa demande n’est pas prescrite dès lors qu’il n’a pu exercer son droit qu’au décès de sa mère, le 27 octobre 2013, et qu’il a formé sa demande de salaire différé auprès du notaire chargé de la succession dès le 9 mars 2015.

Mme Marie-Pierre L. soulève la prescription de cette action, faisant valoir qu’elle devait être exercée dans les cinq ans du décès de M. Gilbert L. le 22 décembre 2007, soit avant le 22 décembre 2012, dès lors que celui-ci était le chef de l’exploitation agricole pendant la période où Jean-Louis L. prétend avoir travaillé.

L’article L. 321-13 du Code rural et de la pêche maritime dispose que « Les descendants d’un exploitant agricole qui, âgés de plus de dix-huit ans, participent directement et effectivement à l’exploitation, sans être associés aux bénéfices ni aux pertes et qui ne reçoivent pas de salaire en argent en contrepartie de leur collaboration, sont réputés légalement bénéficiaires d’un contrat de travail à salaire différé sans que la prise en compte de ce salaire pour la détermination des parts successorales puisse donner lieu au paiement d’une soulte à la charge des cohéritiers ».

L’action en paiement d’un salaire différé est, depuis la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, soumise à un délai de prescription de cinq ans qui auparavant était de trente ans. En vertu des dispositions transitoires de cette loi, la durée de la prescription ayant été réduite, la nouvelle durée de cinq ans est applicable à compter du jour de l’entrée en vigueur de la loi, soit le 19 juin 2008.

Le délai de prescription court du jour du décès de l’exploitant agricole, l’article L.321-17 du code précité disposant en effet que « Le bénéficiaire d’un contrat de salaire différé exerce son droit de créance après le décès de l’exploitant et au cours du règlement de la succession; cependant l’exploitant peut, de son vivant, remplir le bénéficiaire de ses droits de créance, notamment lors de la donation-partage à laquelle il procéderait ».

En cas de co-exploitation ou d’exploitations successives par les ascendants, le descendant est réputé bénéficiaire d’un unique contrat de salaire différé. Il s’ensuit qu’il peut exercer son droit de créance sur l’une ou l’autre des successions, à la condition toutefois que ce contrat ait reçu exécution au cours de l’une ou l’autre des deux périodes d’exploitation.

En l’espèce, il résulte de deux attestations de la Mutuelle Sociale Agricole du Nord-Pas-de-Calais, produites par l’appelant, que M. Gilbert L. a été inscrit à la MSA en qualité de chef d’exploitation depuis le 1er mars 1955 jusqu’au 31 décembre 1989, et qu’à compter du 1er janvier 1990 jusqu’au 31 juillet 1991 c’est son épouse, Mme Bernadette L., qui a été inscrite en qualité de chef d’exploitation.

Ces attestations n’établissent pas que cette dernière était co-exploitante avec son époux sur la période du 1er mars 1955 au 31 décembre 1989 dans laquelle s’inscrit l’exécution du contrat de travail revendiqué par Jean-Louis L., et les témoignages produits par ce dernier ne le démontrent pas davantage, les témoins se bornant à faire état de son travail sur ‘la ferme de ses parents’ sans préciser que ceux-ci coexploitaient cette ferme. Or, il convient de rappeler que la dette correspondant à la créance de salaire différé est celle de l’exploitant personnellement et non celle du propriétaire du fonds rural.

Faute ainsi de prouver que sa mère exploitait le fonds rural du 26 janvier 1974 au 12 août 1977, M. Jean-Louis L. est irrecevable à exercer son droit de créance sur la succession de sa mère ; il ne peut l’exercer que sur celle de son père. Or, à supposer que la succession de M. Gilbert L. n’ait pas encore été liquidée, il est prescrit à le faire, sa demande ayant été présentée au notaire en 2015, plus de cinq ans après le décès de M. Gilbert L. survenu le 22 décembre 2007.

L’action de Jean-Louis L. sera donc jugée irrecevable, le jugement entrepris étant infirmé en ce qu’il l’a jugée mal fondée, déboutant Jean-Louis L. de sa demande.