La donation rémunératoire n’est pas une donation (Cour d’appel, Nancy, 1re chambre civile, 20 janvier 2020, RG n° 18/01581) Avocat à Bastia

Donation par lettre ou acte notarié ?

La donation rémunératoire n’est pas une donation (Cour d’appel, Nancy, 1re chambre civile, 20 janvier 2020, RG n° 18/01581) Avocat à Bastia

Lorsque la donation est destinée à rémunérer des services rendus, et que sa cause aurait pu donner lieu à une action en justice ou correspond à une obligation naturelle, il ne s’agit pas d’une donation car le caractère rémunératoire est exclusif de la donation. De telles libéralités peuvent avoir une nature mixte lorsque leur montant excède de façon importante la valeur des services qu’elles entendent rétribuer. Une fois la donation rémunératoire identifiée, elle est susceptible de réduction si son montant est disproportionné par rapport au service rendu.

En l’espèce, M. Serafettin Y qui, selon une attestation de vie maritale établie le 29 juillet 1999, vivait avec Mme Catherine V depuis l’année 1986, a créé sa propre entreprise de transport, le 8 avril 1999, ainsi que cela résulte de l’extrait du registre du commerce et des sociétés versé aux débats. Par ailleurs, M. Gérard T, expert-comptable atteste que Mme Catherine V s’est occupée de la partie administrative de l’entreprise de transport de M. Y depuis sa création, et qu’elle n’était pas rémunérée pour ses fonctions, les finances de l’entreprise ne le permettant pas. Cette attestation est confirmée par de nombreux autres témoignages selon lesquels M. Y, qui maîtrisait mal la langue française, effectuait des livraisons de marchandises pendant que Mme V s’occupait de la comptabilité ainsi que des relations avec les clients. Il est aussi produit des factures et des bordereaux de remises de chèques et de traites revêtues de la signature de Mme V. Il résulte de ces éléments que Mme V a assuré auprès de M. Y des tâches de secrétaire-comptable, de 1999, année de la création de l’entreprise, jusqu’en 2010, année du décès de M. Y, et ce sans être rémunérée.

Si l’acte authentique aux termes duquel M. Y et Mme V ont, en 2008, acquis en indivision, chacun pour moitié, une maison d’habitation située […], moyennant le prix de 210.000 EUR, n’est pas produit, la convention de crédit qu’ils ont souscrite auprès du Crédit Foncier, le 5 août 2008, révèle que M. Y. en garantie de la somme de 148.000 EUR, a donné en paiement et hypothéqué deux immeubles lui appartenant en propre, situés au n° [ …]. Ainsi, le fait que M. Y ait accepté d’acquérir une maison d’habitation en indivision avec Mme V, et non en son nom propre alors que lui seul disposait d’un patrimoine immobilier lui permettant de financer, pour la plus grande partie, l’acquisition de cette maison, est de nature à révéler l’intention libérale dont il était animé, plus précisément la volonté qui était sienne de la remercier de l’aide qu’elle lui avait apportée pendant neuf ans, soit de l’année 1999 à l’année 2008, et qu’elle devait continuer à lui apporter jusqu’à son décès.

Le jugement est confirmé en ce qu’il a considéré que M. Y.avait consenti à Mme V une donation rémunératoire en contrepartie de sa collaboration à son entreprise de transport.

S’agissant du montant de cette donation, Mme Corinne V. épouse R a attesté que l’activité de sa soeur, qui avait fait des études de secrétaire comptable, et qui secondait M. Y dans l’exploitation de son entreprise de transport, correspondait à un mi-temps. En conséquence, en tenant compte d’une telle activité exercée pendant douze ans, et de l’évolution du smic depuis l’année 1999, c’est à juste titre que le tribunal a évalué à la somme de 80.000 EUR le montant de la donation rémunératoire consentie à Mme V. En effet, cette somme correspond à l’évolution du smic qui s’élevait, en 1999, à la somme brute mensuelle de 941,85 EUR pour un travail à temps complet, soit 470,92 EUR pour un travail à mi-temps, pour atteindre en 2010 la somme de 1 343,77 EUR pour un travail à temps complet, soit 671,88 EUR pour un travail à mi-temps.Référence: