LA CLAUSE DE CONCILIATION S’IMPOSE AVANT TOUTE ASSIGNATION, SANS REGULARISATION POSSIBLE

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LA CLAUSE DE CONCILIATION S’IMPOSE AVANT TOUTE ASSIGNATION, SANS REGULARISATION POSSIBLE

Cour d’appel de Paris, Pôle 1 – chambre 8, 18 septembre 2020, RG n° 20/02797

Pour la cour d’appel, iI convient en premier lieu de statuer sur la recevabilité de la demande formulée par la société Eiffage Génie Civil au regard de la clause de conciliation préalable.

L’article 40.1 des « conditions générales d’achat de prestations, travaux et fournitures » du contrat signé le 9 juin 2017 entre les sociétés Ferme Éolienne de Malaucourt et Eiffage Génie Civil institue une clause de conciliation préalable ainsi rédigée :

« Article 40 – Litiges

40-1 Règlement amiable des différends

Il y aura recours à une conciliation si des difficultés surviennent à l’occasion de l’interprétation ou de l’exécution du contrat.

A cet effet, la procédure sera la suivante : la plus diligente des deux parties saisira l’autre par écrit de l’objet de la difficulté en lui proposant le nom d’un conciliateur.

L’autre partie devra, dans un délai de 15 jours calendaires, faire connaître si elle accepte ou non ce conciliateur et, en cas de refus, faire une contre-proposition à laquelle il devra être donné réponse dans les 15 jours calendaires de sa notification.

Cet échange de correspondance se fera par lettre recommandée avec avis de réception.

Si les deux parties ne parviennent pas à se mettre d’accord, ce conciliateur sera désigné, à la requête de la partie la plus diligente, par la voie d’un référé devant le tribunal compétent.

Le conciliateur ainsi choisi ou désigné aura tous pouvoirs pour se faire remettre toutes les indications de quelque nature qu’elles soient et pour solliciter des parties les explications qu’il jugera nécessaires. Sa mission consistera à établir et à notifier aux parties, par lettre recommandée avec avis de réception, dans un délai qui lui sera précisé lors de sa désignation, un avis analysant l’origine et la nature de la difficulté survenue et proposant une solution objective et complète. Les frais de conciliation seront supportés par moitié par chacune des parties.

40.2 Procédure judiciaire

A défaut d’accord des parties sur l’avis et la solution proposée par le conciliateur, les contestations relatives à l’interprétation ou à l’exécution des contrats seront de la compétence exclusive des tribunaux d’Angers ou de ceux du ressort visé au contrat ».

Selon une jurisprudence devenue constante, l’irrecevabilité de la demande en justice résultant d’une clause de règlement amiable n’est pas régularisable (Civ. 3e , 16 novembre 2017, n° 16-24.642) par la mise en oeuvre de la clause en cours d’instance, que ce soit en première instance ou en cause d’appel.

Par ailleurs, aucune des parties ne conteste que cette clause avait vocation à s’appliquer en matière de référé : la société Eiffage Génie Civil soutient l’avoir mise en oeuvre et son adversaire en revendique l’application. Au demeurant, il n’est pas argué de ce que la demande de provision revêtirait un caractère d’urgence manifeste tenant aux circonstances de l’espèce et qui rendrait impossible une telle tentative.

Or, il est constant que la société Eiffage Génie Civil a engagé la tentative de conciliation par une lettre recommandée avec demande d’avis de réception datée du 4 octobre 2019 et reçue par son adversaire le 7 octobre suivant (ainsi que l’indique la société Eiffage Génie Civil dans ses conclusions en page 10 et la société Ferme Éolienne de Malaucourt dans les siennes en page 13).

De même, il n’est pas contesté que l’assignation devant le juge des référés a été délivrée, à la requête de la société Eiffage Génie Civil, par un acte du 23 septembre 2019. Quant à l’assignation délivrée au fond à la requête de la société Ferme Éolienne de Malaucourt, elle l’a été par un acte du 28 novembre 2019 (comme l’indique la société Ferme Éolienne de Malaucourt en page 36 de ses conclusions).

Ainsi, loin d’avoir été délivrée au terme d’une tentative infructueuse de conciliation telle que fixée par la convention des parties, la société Eiffage Génie Civil a d’abord fait assigner la société Ferme Éolienne de Malaucourt devant le juge des référés puis n’a qu’ensuite procédé aux formalités de la tentative de conciliation. Le fait que la société Ferme Éolienne de Malaucourt ait elle-même ensuite fait assigner la société Eiffage Génie Civil devant le juge du fond est indifférent quant à la méconnaisse caractérisée de la tentative de conciliation à laquelle était tenue la société Eiffage Génie Civil.

Dès lors, la demande formée par la société Eiffage Génie Civil se heurte à une fin de non-recevoir que la tentative, en cours d’instance, de conciliation n’a pas permis de régulariser. Aussi convient-il, en infirmant l’ordonnance entreprise sur les chefs de dispositif frappés d’appel, de déclarer irrecevable la demande de la société Eiffage Génie Civil.

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