JUSTIFICATION DE LA PEINE PRONONCEE : Régularité de la procédure et la justification de la peine (Cass. crim., 11 avr. 2019, n° 18-83709)

JUSTIFICATION DE LA PEINE PRONONCEE : Régularité de la procédure et la justification de la peine (Cass. crim., 11 avr. 2019, n° 18-83709)

L’avocat d’un prévenu poursuivi pour des faits d’infractions à la législation sur les stupéfiants, association de malfaiteurs, blanchiment, et blanchiment douanier, soulève la nullité du mandat d’arrêt et celle de l’ordonnance de renvoi.

Le tribunal correctionnel fait droit à l’exception de nullité s’agissant du mandat d’arrêt et s’estime non saisi par l’ordonnance de renvoi.

La cour d’appel annule le jugement du tribunal et renvoie l’affaire au procureur général aux fins de régularisation de la procédure. Le prévenu forme deux fois un pourvoi en cassation et le président de la chambre criminelle dit chaque fois n’y avoir lieu à examen immédiat du pourvoi. De nouveau saisie par ordonnance de régularisation du magistrat instructeur, la cour d’appel rejette les demandes en nullité présentées, déclare le prévenu coupable et le condamne à la peine de dix ans d’emprisonnement assortie d’une période de sûreté des deux tiers et à 200 000 euros d’amende, délivre contre lui un mandat d’arrêt et prononce la confiscation des scellés.

Justifie sa décision la cour d’appel qui, pour dire que la cour d’appel est valablement saisie de la procédure, relève que, par application de l’article 179 du Code de procédure pénale, le juge d’instruction ne peut, s’agissant de délit, que renvoyer l’affaire devant le tribunal correctionnel, que cette mention n’est pas attributive mais indicative de juridiction, qu’en l’espèce le procureur de la République de Paris destinataire de cette ordonnance de renvoi a pu à bon droit adresser le dossier au procureur général près la cour d’appel de Paris afin qu’il soit transmis à nouveau devant la chambre des appels correctionnels, déjà saisie des faits, dès lors qu’après évocation par la cour d’appel et retour du dossier au ministère public pour transmission au juge d’instruction aux fins de régularisation de la procédure, la juridiction du second degré est seule saisie de la procédure et que, quelle que soit la terminologie utilisée par le magistrat instructeur dans son ordonnance de renvoi, l’affaire doit être à nouveau audiencée devant elle.

Justifie encore sa décision la cour d’appel qui, pour rejeter la demande en nullité prise de ce que le procès-verbal de perquisition et de recherches infructueuses a été dressé par un agent de police judiciaire, hors la présence d’un officier de police judiciaire, relève que la perquisition réalisée en vue de l’exécution d’un mandat d’arrêt n’est fondée ni sur les articles 56 et suivants ni sur les articles 95 et suivants du Code de procédure pénale mais sur l’article 134 du même code, et constitue un acte procédural distinct d’une perquisition destinée à rechercher des preuves ou indices d’une infraction. Ce dernier article vise « l’agent » chargé de l’exécution du mandat et l’article D. 13 du même code prévoit notamment que les agents de police judiciaire ont pour mission d’assurer l’exécution des mandats d’amener, de dépôt, ou d’arrêt. La cour conclut que l’article 134 n’exige pas la présence d’un officier de police judiciaire pour assurer la mise à exécution d’un mandat d’arrêt et qu’ainsi la perquisition au dernier domicile connu du prévenu a été régulièrement réalisée.

En effet, il résulte de la combinaison des articles 122, 134 et D. 13 du Code de procédure pénale que la perquisition visée par le deuxième de ces textes, effectuée pour l’exécution d’un mandat d’arrêt, peut être réalisée par un agent de police judiciaire.

Justifie aussi sa décision la cour d’appel qui, pour rejeter la demande de nullité du mandat d’arrêt, énonce notamment que le prévenu, dès les premières interpellations, a cessé d’utiliser ses moyens de communication, qu’une interception téléphonique démontre qu’il était informé de l’interpellation de ses complices, qu’au vu de ces circonstances, le juge d’instruction a délivré un mandat de recherches qui n’a pu être mis à exécution, qu’en conséquence ce magistrat a pu régulièrement délivrer un mandat d’arrêt, la gravité des faits qui lui sont reprochés, à savoir des infractions à la législation sur les stupéfiants, et notamment l’importation de plusieurs centaines de kilogrammes de cannabis alors qu’il se trouvait en état de récidive légale, rendant nécessaire et proportionné le recours à cette mesure.

Ainsi, la cour d’appel se prononce par des motifs caractérisant que le prévenu était en fuite au moment de la délivrance du mandat d’arrêt et que les faits qui lui étaient reprochés rendaient nécessaire et proportionné le recours à cette mesure.

Justifie encore sa décision la cour d’appel qui, pour condamner le prévenu à la peine de 200 000 euros d’amende, énonce qu’il est tenu compte des gains occultes générés par un important trafic de cannabis et que le montant de l’amende est proportionné à l’importance des quantités de cannabis traitées par lui, dès lors que le prévenu, contre lequel des recherches ont été entreprises, en vain, dès 2011, et qui n’a comparu ni devant les premiers juges, ni devant la cour d’appel, et n’a fourni, ni fait fournir, à aucun de ces stades, à la juridiction, d’éléments sur le montant de ses ressources comme de ses charges.

En application des articles 132-1, 132-19, 132-23, 485 et 593 du Code de procédure pénale et des principes constitutionnels tels que dégagés dans la décision du Conseil constitutionnel (Cons. const., 2 mars 2018, n° 2017-694 QPC), la juridiction qui prononce une peine d’emprisonnement sans sursis doit en justifier la nécessité au regard de la gravité de l’infraction, de la personnalité de son auteur et du caractère manifestement inadéquat de toute autre sanction. Si la période de sûreté constitue une modalité d’exécution de la peine, il résulte de la décision du Conseil constitutionnel (Cons. const., 26 oct. 2018, n° 2018-742 QPC), qu’elle « présente un lien étroit avec la peine et l’appréciation par le juge des circonstances propres à l’espèce », de sorte que, faisant corps avec elle, elle doit faire l’objet d’une décision spéciale, et motivée lorsqu’elle est facultative ou excède la durée prévue de plein droit.

S’agissant de textes de procédure, l’objectif, reconnu par le Conseil constitutionnel, d’une bonne administration de la justice, commande que la nouvelle interprétation qui en est donnée n’ait pas d’effet rétroactif, de sorte qu’elle ne s’appliquera qu’aux décisions prononcées à compter du présent arrêt.

Texte intégral de l’arrêt en cliquant ici : https://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/chambre_criminelle_578/518_10_41989.html

https://www.christian-finalteri-avocat.fr/avocat-bastia/cabinet-avocat-actualites/droit-penal.html