INVESTISSEMENT IMMOBILIER : DEVOIR DE CONSEIL SUR LES RISQUES ENCOURUS ENVERS L’ACQUEREUR

Délivrance conforme ou vices cachés

INVESTISSEMENT IMMOBILIER : DEVOIR DE CONSEIL SUR LES RISQUES ENCOURUS ENVERS L’ACQUEREUR

Cour d’appel d’Angers, Chambre commerciale, section A, 15 décembre 2020, RG n° 17/00512

M. B. et la Allianz IARD qui dénie sa garantie pour cette raison, prétendent que la société Espaces Immobiliers BNP Paribas a agi comme conseil en gestion de patrimoine. Dans ce cadre, M. B. reproche à cette société un défaut de conseil et d’information sur les risques de l’investissement proposé, notamment quant à une éventuelle défaillance de l’exploitant-preneur à bail. Il lui reproche également une absence d’information sur la valeur réelle du bien acquis.

Au contraire, la société BNPP IRTC fait valoir qu’elle n’a agi qu’en exécution d’un simple contrat d’entremise, de sorte que sa responsabilité ne pourrait pas être engagée, à l’égard de M. B., sur le terrain contractuel et ne pèserait sur elle que les obligations d’un agent immobilier à l’égard des tiers acquéreurs. S’en tenant à son mandat d’entremise, elle soutient avoir rempli les obligations d’information et de conseil qui en découlent, considérant avoir transmis à l’acquéreur toutes les données connues à la date de la conclusion du contrat de vente à travers la simulation qu’elle lui a remise et qui était suffisante pour éclairer l’acquéreur sur les caractéristiques de l’opération. Elle considère qu’elle n’avait pas à donner une information connue de tous, comme l’a retenu le premier juge, tenant à l’existence d’un risque locatif ni à l’évolution possible de la situation économique et du marché qu’elle ne pouvait anticiper. Elle ajoute qu’elle n’est pas tenue d’une obligation de résultat quant aux gains envisagés dans l’étude, laquelle n’est qu’une simulation sans caractère contractuel, comme cela est indiqué sur le document.

La société Espaces Immobiliers BNP Paribas a établi une étude personnalisée sur trente ans prenant en compte la situation familiale de M. B., le nombre de parts fiscales, ses revenus nets imposables, qui, sur la base d’un loyer d’un certain montant et en incluant les divers frais, calcule l’effort d’épargne demandé, le rendement de l’opération du fait de la perception des loyers et de la défiscalisation à laquelle ouvre droit le statut de loueur de meublé non professionnel. Elle distingue deux périodes, une période d’épargne de vingt et un ans pendant laquelle l’effort d’épargne moyen devait être de 561,99 euros par mois compte tenu des loyers prévisionnels correspondant à un rendement locatif annuel brut de 10,26 %, couvrant 58,79 % de la dépense et de la récupération de TVA d’un montant de 42 714 euros et, une fois les emprunts remboursés, une période de rendement de neuf ans, tenant compte du gain fiscal de la période précédente qui est différé et qui permet d’obtenir un résultat fiscal nul sur cette seconde période.

En élaborant ainsi un projet d’investissement immobilier à la fois personnalisé, détaillé et relativement complexe, la société Espaces Immobiliers BNP Paribas n’a pas joué un simple rôle d’entremise mais a fourni une prestation de conseiller en gestion de patrimoine.

Par suite, elle se devait d’informer complètement l’investisseur non seulement des caractéristiques de l’opération et des avantages pouvant en découler mais aussi des risques qu’elle comportait, d’autant plus qu’il s’agissait d’une opération d’investissement sur un long terme. Or, ni la plaquette de présentation de la résidence remise par la société Espaces Immobiliers BNP Paribas ne faisant que vanter les atouts de la résidence au regard de la qualité de sa construction, de sa localisation, d’une étude de marché et de faisabilité réalisé par un cabinet présenté comme étant leader, spécialisé en études hôtelière et touristique, de la franchise concédée à la future exploitante par une société présentée comme étant le deuxième groupe hôtelier mondial, et du bail commercial auquel l’exploitante allait être liée, qualifié de ‘très performant’, d’une durée ‘hors norme’ de vingt-quatre ans ferme, assurant une rentabilité de 5,22 % HT nette de toutes charges, ni l’étude personnalisée établie par la société Espaces Immobiliers BNP Paribas, qui calcule tous les gains pouvant être espérés d’un investissement permettant la constitution d’un patrimoine immobilier évalué en 2027 à 260 644 euros, ne mentionne à aucun moment l’existence d’un risque auquel l’investisseur pouvait être exposé en cas de défaillance de l’exploitant. Il n’est nullement indiqué que si cette hypothèse se réalisait, l’opération non seulement ne serait pas positive mais pourrait être très négative en ce que non seulement les loyers ne seraient plus versés ou seraient réduits, ce qui nécessiterait un effort d’épargne supplémentaire éventuellement très important au regard des revenus de M. B., mais la valeur du bien s’en trouverait affectée, ce que ne pouvait déceler un investisseur non initié aux opérations poursuivant à la fois un objectif d’investissement immobilier et de défiscalisation reposant sur un mécanisme de bail commercial et ce, d’autant moins que celui-ci était présenté comme étant de vingt-quatre ans ferme, ce qui pouvait laisser penser à un non averti que le loyer pendant cette durée ne pouvait être réduit.

Si cette étude personnalisée se présente comme une simulation, qu’il apparaît clairement qu’il ne s’agit que de projections sur la base ‘d’hypothèses’ et mentionne d’ailleurs qu’elle n’a pas valeur contractuelle, de sorte qu’il ne peut être retenu, comme le demande M. B. au seul motif qu’elle aurait été déterminante dans son consentement, que la société Espaces Immobiliers BNP Paribas se serait engagée à ce que l’opération atteigne les résultats présentés, il n’en demeure pas moins que, par l’activité de conseil en investissement qu’elle traduit, la société Espaces Immobiliers BNP Paribas a engagé sa responsabilité en s’abstenant d’attirer l’attention de M. B. sur les risques que comportait l’investissement qui lui était proposé. En revanche, M. B. ne démontre pas que le bien acquis aurait été surévalué lorsqu’il l’a acquis, ce qui ne saurait ressortir d’une expertise établie pour la procédure collective de la société recherchant la valeur des biens en 2012, étant précisé que celle qui est produite aux débats ne concerne pas le lot acquis par M. B.. En outre, la société BNPP IRTC oppose, à juste titre, le devoir de prudence et de diligence de l’acquéreur. La faute imputée à la société Espaces Immobiliers BNP Paribas tenant à une absence d’information sur la valeur réelle du bien acquis sera écartée.

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