FRAUDE FISCALE ET BLANCHIMENT : Motivation, proportionnalité et préjudice (Cass. crim., 29 janv. 2020, n° 17-83.577, P+B+I *)

SUCCESSION : Taxe foncière

FRAUDE FISCALE ET BLANCHIMENT : Motivation, proportionnalité et préjudice (Cass. crim., 29 janv. 2020, n° 17-83.577, P+B+I *)

La Cour de cassation retient en ce sens :

Les 28 octobre et 7 novembre 2010, l’administration fiscale, sur avis conforme de la commission des infractions fiscales, a porté plainte pour fraude fiscale à l’encontre de Mme  X faisant valoir que l’exploitation des fichiers dits Z avait révélé la détention, via des sociétés off-shore, de comptes bancaires ouverts en Suisse auprès de la banque HSBC.

A l’issue de l’information judiciaire, Mme X a été renvoyée devant le tribunal correctionnel pour y être jugée notamment des chefs de fraude fiscale par minoration, de 2007 à 2010, des déclarations d’impôt sur le revenu et d’impôt de solidarité sur la fortune, et par organisation d’insolvabilité, et de blanchiment, deux SCI, dont Mme X est la représentante légale et l’actionnaire majoritaire, les sociétés Gauchy et la Guardiola, des chefs de complicité de fraude fiscale et de blanchiment et M. Y, du chef de complicité de fraude fiscale.

Les juges du premier degré ont condamné, pour les faits précités, ces quatre prévenus et prononcé sur les intérêts civils, l’administration fiscale et l’Etat français s’étant constitués parties civiles.

Les prévenus et le ministère public ont relevé appel de cette décision.

Vu les articles 132-1 du Code pénal et 485, 512 et 593 du Code de procédure pénale :

Il se déduit de ces textes qu’en matière correctionnelle, toute peine doit être motivée en tenant compte de la gravité des faits, de la personnalité de leur auteur et de sa situation personnelle.
Hormis le cas où la confiscation, qu’elle soit en nature ou en valeur, porte sur un bien qui, dans sa totalité, constitue l’objet ou le produit de l’infraction, le juge, en ordonnant une telle mesure, doit apprécier le caractère proportionné de l’atteinte portée au droit de propriété de l’intéressé lorsqu’une telle garantie est invoquée ou procéder à cet examen d’office lorsqu’il s’agit d’une confiscation de tout ou partie du patrimoine.

Il incombe en conséquence au juge qui décide de confisquer un bien, après s’être assuré de son caractère confiscable en application des conditions légales, de préciser la nature et l’origine de ce bien ainsi que le fondement de la mesure et, le cas échéant, de s’expliquer sur la nécessité et la proportionnalité de l’atteinte portée au droit de propriété du prévenu.

Pour confirmer la condamnation des SCI, déclarées coupables de complicité de fraude fiscale par organisation d’insolvabilité et blanchiment, à la confiscation, à titre de peine principale, de biens immobiliers leur appartenant, l’arrêt attaqué retient par motifs propres et adoptés que Mme X est la représentante légale de ces sociétés et l’associée très largement majoritaire, à hauteur de 98% et de 99%.

En prononçant ainsi, par des motifs qui ne précisent pas la nature et l’origine des biens confisqués, ni le fondement de la mesure et, par conséquent, ne permettent pas d’apprécier l’étendue de l’exigence de motivation des juges du fond, la cour d’appel n’a pas justifié sa décision.
Dès lors, la cassation est encourue de ce chef.

Vu les articles 2 et 593 du Code de procédure pénale, L. 232 du livre des procédures fiscales :

Il résulte du deuxième de ces textes que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et que l’insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
Il se déduit du premier et du dernier de ces textes que si les juges répressifs, saisis de poursuites des chefs de fraude fiscale et blanchiment, peuvent indemniser l’Etat du dommage résultant du blanchiment, ils n’ont pas compétence pour réparer le préjudice subi par le Trésor public du fait du délit fiscal, qui est indemnisé par les majorations fiscales et les intérêts de retard.
Pour confirmer le jugement ayant condamné la prévenue, solidairement avec une coprévenue, à payer à l’Etat, partie civile, la somme de 100 000 euros à titre de dommages-intérêts, l’arrêt attaqué énonce que la constitution de partie civile de l’Etat est recevable au titre du préjudice découlant directement du comportement frauduleux résultant des faits de blanchiment.

Les juges ajoutent que “le tribunal a justement apprécié ce préjudice résultant non seulement du revenu généré et des actifs en capital qui échappent à l’assiette de l’impôt sur la fortune, mais également compte tenu de l’ancienneté des faits et de l’importance de la fraude, des procédures multiples mises en œuvre pour recouvrer ses créances, ce tout particulièrement à une période de déficits budgétaires importants”.

En prononçant ainsi, par des motifs qui ne mettent pas la Cour de cassation en mesure de s’assurer que les juges n’ont pas inclus dans l’indemnisation le préjudice issu de la fraude fiscale, la cour d’appel n’a pas justifié sa décision.

La cassation est donc encourue de ce chef.

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