EXPERTISE JUDICIAIRE : De l’impartialité de l’expert (Cour administrative d’appel de Bordeaux, Chambre 3, 28 juin 2018, req. N° 16BX02478, inédit)

Communication de pièces à la demande du juge

EXPERTISE JUDICIAIRE : De l’impartialité de l’expert (Cour administrative d’appel de Bordeaux, Chambre 3, 28 juin 2018, req. N° 16BX02478, inédit)

M. D est propriétaire, sur le territoire de la commune d’Urt, d’une villa avec dépendances édifiée sur une parcelle située allée du Campas, séparée de la voie publique par un mur ancien en pierres maçonnées, qui s’est partiellement écroulé le 3 février 2012. Au vu du rapport d’expertise établi le 19 juin 2012 à la demande du juge des référés du tribunal administratif de Pau, le maire de la commune d’Urt a pris le 20 juillet 2012 un arrêté de péril imminent mettant en demeure M. D, dans un délai de 45 jours, « de prendre toutes les mesures provisoires pour garantir la sécurité publique, notamment par la signalisation, la stabilisation provisoire ou définitive du mur sur 35 à 40 mètres et la reconstruction de la partie effondrée ». M. D a demandé au Tribunal administratif de Pau l’annulation de cet arrêté et du refus de la commune de procéder elle-même et à ses frais aux travaux de confortement du mur. Par un jugement avant dire droit du 1er avril 2014, cette juridiction a décidé de procéder à une nouvelle expertise, qui a été confiée à M. E, architecte, par une ordonnance du 6 juin 2014. Cet expert a déposé son rapport auprès de cette juridiction le 20 janvier 2015.

M.. D a relevé appel du jugement du 10 juillet 2015 par lequel le Tribunal administratif de Pau n’a que partiellement fait droit à sa demande en annulant l’arrêté municipal du 20 juillet 2012 en tant seulement qu’il le met en demeure de procéder à la reconstruction de la partie effondrée du mur. 

La Cour administrative d’appel a été saisie d’un moyen tenant à l’impartialité de l’expert.

Il appartient au juge saisi d’un moyen mettant en doute l’impartialité d’un expert de rechercher si, eu égard à leur nature, à leur intensité, à leur date et à leur durée, les relations directes ou indirectes entre cet expert et l’une ou plusieurs des parties au litige ou l’un ou plusieurs intervenants à la cause sont de nature à susciter un doute sur son impartialité. En particulier, doivent en principe être regardées comme suscitant un tel doute les relations professionnelles s’étant nouées ou poursuivies durant la période de l’expertise.

M. D a fait valoir que M.E, désigné en qualité d’expert par une ordonnance du 6 juin 2014 du président du Tribunal administratif de Pau, ne pouvait réaliser l’expertise en toute impartialité. Si M. E s’est vu confier en 2008 par la commune d’Urt la charge de la construction d’un ensemble comprenant un trinquet, une salle polyculturelle et des vestiaires sportifs, cette circonstance ne suffit pas, par elle-même, à révéler des liens entre eux d’une intensité particulière dans la mesure où les travaux considérés étaient achevés depuis quatre ans à la date de la nomination de l’expert judiciaire.

Toutefois, il ressort des pièces du dossier que cet architecte a répondu par la suite à plusieurs autres appels d’offres ouverts par la commune d’Urt pour ses projets immobiliers et, si sa candidature n’a pas été retenue, la commune ne conteste pas qu’à la date à laquelle M. E a remis son rapport d’expertise dans la présente affaire, il restait notamment en attente, alors qu’il connaissait de graves difficultés financières, de la décision à intervenir du maître d’ouvrage sur l’attribution d’un important marché de maîtrise d’oeuvre en vue de la réalisation du nouveau centre de loisirs et de la médiathèque municipale. Dans ces conditions, et contrairement à ce qu’a estimé le tribunal, il existe en l’espèce un doute sur l’impartialité de M. E qui aurait dû le conduire à écarter des débats le rapport de l’expert judiciaire remis au greffe du tribunal le 20 janvier 2015.

En ne faisant pas droit à la demande présentée par M.  .et tendant à ce que l’expertise de M. E soit écartée des débats, et en prenant son rapport en considération, le tribunal a entaché son jugement d’irrégularité. Ce jugement doit par conséquent être annulé.

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