DROITS DE LA DEFENSE : Mises en examen dans l’affaire des écoles de scientologie (Cass. ass. plén., 11 déc. 2018, n° 18-82854)

Modalités de l'action paulienne

DROITS DE LA DEFENSE : Mises en examen dans l’affaire des écoles de scientologie (Cass. ass. plén., 11 déc. 2018, n° 18-82854)

Après le signalement d’un maire, et une enquête au sujet du rachat et la gestion d’une école privée hors contrat par l’église de scientologie, une information judiciaire a est ouverte et plusieurs personnes sont mises en examen. Le juge d’instruction clôture ses investigations par une ordonnance de non-lieu partiel et de renvoi devant le tribunal correctionnel, dont deux parents d’élève et leurs enfants, parties civiles, relèvent appel. La chambre de l’instruction ordonne un supplément d’information fins, d’une part, d’identifier les représentants légaux de trois associations, de les mettre en examen des chefs de complicité de tromperie et pratique commerciale trompeuse et recel et de recevoir leurs explications, d’autre part, de mettre en examen la responsable de la pédagogie, et une personne en charge du recrutement du personnel, de la communication et de l’éthique de l’établissement, des chefs de tromperie et pratique commerciale trompeuse, travail dissimulé, complicité d’abus de biens sociaux et recel, et désigne un juge d’instruction pour exécuter ces actes de procédure.

Les deux personnes physiques mises en examen présentent une requête en annulation, notamment, des procès-verbaux d’audition en garde à vue, sans que leur soit notifié leur droit de se taire et de bénéficier de l’assistance d’un avocat, puis, par un mémoire additionnel, la nullité de leur mise en examen, tirée d’un excès de pouvoir de la chambre de l’instruction, ayant ordonné de procéder à cet acte puis de recueillir leurs déclarations, et du juge d’instruction délégué à cette fin. Les associations mises en examen sollicitent l’annulation de leur mise en examen, invoquant aussi l’excès de pouvoir de la chambre de l’instruction et du magistrat délégué et l’absence d’indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu’elles aient pu participer à une quelconque infraction pénale.

La Cour de cassation a énoncé que les États devaient respecter la Conv. EDH sans attendre d’être attaqués devant elle ni d’avoir modifié leur législation (Cass. ass. plén., 15 avr. 2011, n° 10-17049).

La CEDH a jugé que, pour que le droit à un procès équitable soit effectif et concret, il faut, en règle générale, que la personne placée en garde à vue puisse bénéficier de l’assistance d’un avocat dès le début de la mesure et pendant ses interrogatoires.

Si c’est à tort que, pour écarter la demande d’annulation des auditions des deux personnes physiques, la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris énonce qu’elles n’étaient pas le support de leur mise en examen, l’arrêt n’encourt pas pour autant la censure dès lors qu’en l’absence, à la date des mesures critiquées, de jurisprudence établie ayant déduit de l’article 6, § 1 de la Conv. EDH, le droit pour la personne gardée à vue d’être assistée par un avocat lors de ses auditions et l’obligation de lui notifier le droit de garder le silence, l’exigence de prévisibilité de la loi et l’objectif de bonne administration de la justice font obstacle à ce que les auditions réalisées à cette date, sans que la personne gardée à vue ait été assistée d’un avocat pendant leur déroulement ou sans qu’elle se soit vu notifier le droit de se taire, soient annulées pour ces motifs. Toutefois, les déclarations incriminantes faites lors de ces auditions ne peuvent, sans que soit portée une atteinte irrémédiable aux droits de la défense, fonder une décision de renvoi devant la juridiction de jugement ou une déclaration de culpabilité.

Si c’est à tort que, pour déclarer irrecevables puis dire mal fondées les requêtes en nullité de la mise en examen des demandeurs tirée d’un excès de pouvoir de la juridiction ayant ordonné de procéder à cet acte puis de recueillir leurs déclarations, et du juge d’instruction délégué à cette fin, qui a exécuté le supplément d’information, la chambre de l’instruction retient que le délai de six mois à compter de leur mise en examen, prévu par l’article 173-1 du Code de procédure pénale pour présenter une telle requête, est expiré, alors que ce texte n’est pas applicable au supplément d’information ordonné par la chambre de l’instruction, et que la décision ayant prescrit ces investigations complémentaires est revêtue de l’autorité de la chose jugée, alors qu’elle présente le caractère d’une décision avant dire droit à laquelle ne peut s’attacher cette autorité, l’arrêt n’encourt pas pour autant la censure.

En effet, d’une part, l’arrêt qui prononce le supplément d’information laisse au magistrat délégué la possibilité de ne pas mettre en examen la personne visée au terme de son interrogatoire de première comparution, la chambre de l’instruction restant elle-même libre d’apprécier à nouveau, lors de son examen ultérieur et une fois la procédure devenue complète, l’existence de charges de culpabilité.

D’autre part, il ressort du dossier de la procédure que le juge d’instruction délégué par la chambre de l’instruction a, préalablement à la mise en examen, informé chacun des demandeurs qu’il pouvait faire des déclarations, répondre aux questions en présence de son conseil ou se taire, recueilli les déclarations de ceux qui se sont exprimés, entendu les observations des avocats et annexé au procès-verbal d’interrogatoire de première comparution les documents qui lui ont été remis.

Enfin, est irrecevable la requête aux fins d’annulation d’une mise en examen présentée, comme en l’espèce, sur le fondement de l’article 80-1, alinéa 1er, du Code de procédure pénale, qui permet à la personne concernée de saisir la chambre de l’instruction, en application des articles 173 et suivants du même code d’une telle requête pour défaut d’indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu’elle ait pu participer, comme auteur ou comme complice, à la commission d’une infraction, lorsque le juge d’instruction a procédé à cette mise en examen en exécution d’un arrêt de ladite chambre ordonnant un supplément d’information, sans que cette irrecevabilité ne porte une atteinte disproportionnée au droit au recours juridictionnel effectif, la personne mise examen ne pouvant être renvoyée devant la juridiction de jugement qu’après avoir bénéficié d’un débat contradictoire devant la chambre de l’instruction sur les charges retenues contre elle.

Texte intégral de l’arrêt ici : https://www.gazette-du-palais.fr/wp-content/uploads/2019/01/18-82854-anony.pdf

https://www.christian-finalteri-avocat.fr/avocat-bastia/cabinet-avocat-actualites/droit-penal.html