Donation résultant d’une vente à moindre prix : rapport du seul avantage consenti (Cass. 1e civ. 11-7-2019 n° 18-19.415 F-D)

La pension de réversion

Donation résultant d’une vente à moindre prix : rapport du seul avantage consenti (Cass. 1e civ. 11-7-2019 n° 18-19.415 F-D)

Dès lors que l’intention libérale est caractérisée, la vente à moindre prix consentie à un successible constitue une donation déguisée, rapportable à la succession du vendeur à hauteur de la différence entre la valeur du bien donné et le prix payé.

Un père vend un bien immobilier à une SCI dont son fils est gérant moyennant un prix de 250 000 €. Après son décès, une expertise valorise le bien à 336 000 €, soit une sous-évaluation de 40 % au moment de sa cession. La cour d’appel relève que cette dissimulation de prix caractérise la preuve de l’intention libérale du défunt père au profit de son fils. Tout héritier, même ayant accepté à concurrence de l’actif, venant à une succession, doit rapporter à ses cohéritiers tout ce qu’il a reçu du défunt, par donations entre vifs, directement ou indirectement (C. civ. art. 843). Et les juges du fond d’ordonner le rapport à la succession de la somme de 336 000 €.

Cassation. Le rapport d’une donation déguisée sous couvert d’une vente à moindre prix n’est dû que pour l’avantage ainsi conféré, correspondant à la différence entre la valeur du bien donné et le prix payé.

On peut s’interroger sur la qualification de la donation retenue par les juges. La doctrine majoritaire reconnaît l’existence d’une donation indirecte à chaque fois que l’acte à titre onéreux est déséquilibré en faveur de l’une des parties, sous réserve de caractériser l’intention libérale. La sincérité de l’acte apparent ne se discute pas. À défaut de simulation, on ne peut y voir une donation déguisée (M. Grimaldi : Libéralités. Partages d’ascendants, Litec 2000, n° 1332 ; pour un avis contraire, Rép. civ. Dalloz, v. Donation par I. Najjar, n° 294). Pour autant, la question n’est pas aussi tranchée lorsque la vente est réalisée pour un prix modique. La jurisprudence dominante retient la qualification de donation indirecte (Cass. 1e civ. 16-7-1959 : D. 1960. 185 note R. Savatier ; à propos d’une rente viagère, Cass. 1e civ. 6-1-1969 : Bull. civ. I n° 8 ; Cass. 3e civ. 7-4-1976 n° 74-12.883 : Bull. civ. III n° 144), sans écarter de manière systématique celle de donation déguisée (Cass. 1e civ. 12-10-1964 : Bull. civ. I n° 438).

Dans cette affaire, remarquons que la Haute Juridiction a écarté le moyen tiré de l’interposition d’une société comme grief de nature à entraîner la cassation (pour une illustration jurisprudentielle, Cass. 1e civ. 24-1-2018 n° 17-13.017 FS-PB : SNH 4/18 inf. 5, AJ Famille 2018 p. 188 obs. N. Levillain, JCP N 2018 n° 1125 note V. Zalewski-Sicard).

Cet argument ne peut prospérer qu’en présence d’une donation indirecte.

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