DONATION RAPPORTABLE ET INTENTION DU DONATEUR : Pas de donation indirecte rapportable sans caractérisation de l’intention libérale du donateur (Cass. 1e civ. 15 mai 2019 n° 18-17.372 F-D)

DONATION RAPPORTABLE ET INTENTION DU DONATEUR : Pas de donation indirecte rapportable sans caractérisation de l’intention libérale du donateur (Cass. 1e civ. 15 mai 2019 n° 18-17.372 F-D)

En s’abstenant de réclamer le paiement de la rente viagère due par leur fils donataire aux termes de la libéralité, les parents donateurs manifestent leur intention libérale et consentent à ce dernier une donation indirecte rapportable du montant des arrérages non versés.

Des parents donnent à l’un de leurs trois enfants des terrains à charge pour lui de leur servir une rente viagère. Ce dernier ne s’en acquitte pas et les époux donateurs s’abstiennent de lui en réclamer le paiement. À leurs décès, les frère et sœur du donataire estiment qu’il a été bénéficiaire d’une donation indirecte et lui réclament le rapport à la succession d’une somme au titre des arrérages non versés.

La cour d’appel de Grenoble constate l’avantage patrimonial indirect dont a bénéficié le fils gratifié et en ordonne le rapport. Cet arrêt est censuré par la Cour de cassation, à défaut pour la juridiction d’appel d’avoir constaté, outre l’appauvrissement des donateurs, l’intention libérale de ces derniers à l’égard de leur fils (Cass. 1e civ. 1-2-2017 n° 16-12.856 F-D).

Sur renvoi, la cour d’appel de Grenoble relève que les époux donateurs ont manifesté leur intention libérale en ne réclamant pas pendant de longues années le paiement de la rente. La Cour de cassation confirme. C’est par une appréciation souveraine que la cour d’appel a estimé que les donateurs avaient clairement manifesté l’intention de gratifier leur fils en le déchargeant de l’obligation contractée en contrepartie de la donation.

Cet arrêt d’illustration permet de revenir sur l’objet de la preuve en matière de donation indirecte. La qualification de donation indirecte suppose l’existence d’un avantage résultant de l’acte pour le donataire et d’une intention libérale de la part de l’auteur. À défaut de l’élément moral de la libéralité, il ne peut pas y avoir de donation indirecte. Par exemple, le simple constat de l’appauvrissement du donateur est insuffisant à caractériser une telle libéralité (Cass. 1e civ. 1-2-2017 n° 16-12.856 F-D).

La Haute Juridiction rappelle que l’existence de l’intention libérale relève de l’appréciation souveraine des juges du fond, ce qui donne parfois lieu à des solutions contradictoires. Ainsi jugé qu’elle ne peut se déduire de l’attitude passive et dès lors équivoque du prétendu donateur, lequel n’a pas réclamé le paiement du prix de la vente, qui lui était normalement dû (Cass. 1e civ. 19-3-2014 n° 13-14.795 F-PB : RJDA 7/14 n° 610, solution rendue en matière de donation déguisée). Au contraire, dans l’affaire commentée, l’intention libérale est caractérisée par l’abstention des parents donateurs à réclamer l’exécution de la charge par le fils donateur.

https://www.christian-finalteri-avocat.fr/avocat-bastia/cabinet-avocat-actualites/droit-des-successions-et-indivision.html