DOMMAGE CORPOREL : EN CAS D’AGGRAVATION, L’INDEMNITE EST LIMITEE PAR LES TERMES DE LA TRANSACTION ANTERIEURE

DROIT PENAL : Procureurs délégués

DOMMAGE CORPOREL : EN CAS D’AGGRAVATION, L’INDEMNITE EST LIMITEE PAR LES TERMES DE LA TRANSACTION ANTERIEURE

Cass, Civ 2, 4 mars 2021, n°19-16.859, Publié au bull.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. L’assureur fait grief à l’arrêt de le condamner à verser à Mme T…, au titre de la rente tierce personne, en lieu et place des sommes versées au titre du procès-verbal de transaction des 15 février et 17 mars 2007, une rente mensuelle de 17 877 euros à compter du 1er août 2016, indexée selon les dispositions de la loi du 5 juillet 1985 et dont le service sera suspendu en cas de placement de Mme T… dans une structure hospitalière et/ou dispensant des soins et/ou assurant un accueil total ou partiel de type occupationnel ou non, à partir du 46e jour de cette prise en charge, alors « que les transactions ont, entre les parties, l’autorité de la chose jugée en dernier ressort ; qu’une transaction conclue en 2007 entre Mme T… et la société MAAF assurances prévoyait, en réparation du poste de préjudice lié à l’assistance par tierce personne rendue nécessaire par l’accident survenu en 1979, le paiement, d’une part, d’une rente mensuelle de 3 420 euros au titre des frais d’assistance humaine à la structure collective qu’elle occupait alors et, d’autre part, d’une rente trimestrielle de 625 euros, au titre des frais d’assistance lors des retours au domicile ; qu’en allouant à Mme T…, qui souhaitait regagner son domicile, une rente mensuelle de 17 877 euros sur la base d’un besoin de 24 heures par jour en tierce personne, la cour d’appel, qui a refusé de limiter aux seuls nouveaux besoins de la victime l’indemnisation qu’elle allouait, et a ainsi procédé à une nouvelle évaluation des besoins antérieurs en tierce personne qui avaient pourtant été définitivement évalués et liquidés en 2007, a méconnu l’autorité attachée à cette transaction, violant les articles 1134, devenu 1103, et 2052 du code civil. ».

Réponse de la Cour

Vu les articles 1103 et 2052 du code civil :

5. Selon ces textes, la réparation du dommage est définitivement fixée à la date à laquelle une transaction est intervenue, celle-ci faisant obstacle à l’introduction ou à la poursuite entre les parties d’une action en justice ayant le même objet.

6. Pour condamner l’assureur à verser à Mme T…, en lieu et place des sommes versées au titre du procès-verbal de transaction des 15 février et 17 mars 2007, une rente mensuelle de 17 877 euros à compter du 1er août 2016, l’arrêt retient que le coût de la tierce personne doit être calculé sur la base d’une intervention de 24h/ 24, sans référence à la somme mentionnée dans le procès verbal de transaction de 2007 dès lors qu’est intervenue une modification substantielle du fait du départ de Mme T… de la maison familiale, rendant caduc le protocole transactionnel, conditionné à sa présence dans cet établissement.

7. En statuant ainsi, en procédant à une nouvelle évaluation des besoins au titre de la tierce personne de Mme T…, sans tenir compte, pour évaluer ses nouveaux besoins liés à un changement de situation, de ceux déjà définitivement évalués et indemnisés par la transaction de 2007, laquelle prévoyait la possibilité d’analyser les nouveaux besoins éventuels de la victime seulement en cas de modifications de sa situation, la cour d’appel a méconnu l’autorité de la chose jugée y étant attachée et violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il condamne la SA MAAF assurances à payer à Mme T…, assistée de sa curatrice, au titre de la rente tierce personne, en lieu et place des sommes versées au titre du procès-verbal de transaction des 15 février et 17 mars 2007, une rente mensuelle de 17 877 euros à compter du 1er août 2016, indexée selon les dispositions de la loi du 5 juillet 1985 et dont le service sera suspendu en cas de placement de Mme T… dans une structure hospitalière et/ou dispensant des soins et/ou assurant un accueil total ou partiel de type occupationnel ou non, à partir du 46ème jour de cette prise en charge, l’arrêt rendu le 26 mars 2019, entre les parties, par la cour d’appel de Pau ;

Remet, sur ce point, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Bordeaux.

Condamne Mme T… aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du quatre mars deux mille vingt et un et signé par lui et Mme Martinel, conseiller doyen, en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile. MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour la société MAAF assurances

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR condamné la société Maaf Assurances à verser à Mme T…, au titre de la rente tierce personne, en lieu et place des sommes versées au titre du procès-verbal de transaction des 15 février et 17 mars 2007, une rente mensuelle de 17 877 euros à compter du 1er août 2016, indexée selon les dispositions de la loi du 5 juillet 1985 et dont le service sera suspendu en cas de placement de Mme T… dans une structure hospitalière et/ou dispensant des soins et/ou assurant un accueil total ou partiel de type occupationnel ou non, à partir du 46e jour de cette prise en charge ;

AUX MOTIFS QU’au terme de son rapport du 5 août 2015 dont les conclusions médicales ne sont pas contestées sur ce point, le docteur Q… a imputé l’aggravation de l’état de Mlle T… par lui constatée aux séquelles d’une pathologie neurologique dégénérative, sans lien avec l’accident de 1979 et apparue à partir de l’année 2010 ; qu’il en résulte que la clause du protocole transactionnel prévoyant, en cas d’aggravation de l’état médical par rapport aux conclusions du docteur G…, l’indemnisation des préjudices nouveaux en relation directe avec l’accident, sans remise en cause de la transaction, ne peut recevoir application ; que la non-imputabilité de l’aggravation de l’état de santé de Mlle T… à l’accident de 1979 constatée par l’expert Q… n’est cependant pas exclusive d’une possibilité de révision des conditions d’indemnisation de celle-ci telles que fixées dans le protocole transactionnel par application de la clause de révision « en cas de nouvelles modifications de la situation de la victime » qui doit être analysée comme concernant des hypothèses autres que celle de l’aggravation de l’état médical et, notamment, le cas d’un départ de l’établissement dans lequel elle résidait à la date de la transaction ; qu’il y a lieu de considérer ici : – que la nécessité d’une assistance permanente par une tierce personne était caractérisée dès le rapport G… de 1995 qui fait état du défaut total d’initiative de la victime, de la nécessité d’une stimulation dans les actes de la vie journalière, du fait que la mère de Mlle T… s’occupe intégralement d’elle et assure une présence constante à ses côtés, nécessaire en raison des risques physiques (risque de chute avec impossibilité de se relever) et surtout de l’impossibilité de prévoir les réactions de Mlle T… ainsi que de la nécessité d’un placement en structure spécialisée en cas de défaillance de la mère de la victime ; – que l’intervention d’une tierce personne « extérieure » proposée par le docteur G… à concurrence de trois heures par jour ne peut être considérée comme établissant la mesure des besoins journaliers de Mlle T… à l’époque, s’agissant d’une intervention « relais » destinée à soulager la mère de la victime pour les tâches que celle-ci assumait ; – que la circonstance que l’arrêt de 2002 et le protocole transactionnel de 2007 ont indemnisé les besoins en tierce personne sur la base de trois heures par jour lors des séjours de Mlle T… dans sa famille est sans incidence dès lors qu’il n’est pas établi que celle-ci a effectivement sollicité indemnisation sur une base de 24 heures sur 24 alors même qu’il est acquis que les frais de séjour en centre spécialisé (Clé de Solles) préalablement à l’admission de Mlle T… en maison familiale, ont été intégralement pris en charge par l’assurance ; – que l’indemnité versée, en exécution du protocole transactionnel de 2007, dans le cadre de l’admission de Mlle T… en maison familiale, à supposer même qu’elle corresponde à huit heures de tierce personne par jour, ne peut pas plus constituer la mesure des besoins effectifs de la victime avant la survenance de la pathologie dégénérative courant 2010 dès lors qu’il est constant que le placement en maison familiale permet une mutualisation des frais de tierce personne ; que le jugement déféré sera dès lors confirmé en ce qu’il a jugé que les conditions d’application de la clause de révision en cas de modification de la situation de Mlle T… stipulée au protocole de 2007 étaient réunies et que l’indemnisation des frais de tierce-personne, en lien direct avec les conséquences de l’accident de 1979, indépendamment même des conséquences de pathologie dégénérative affectant Mlle T… depuis 2010, doit s’opérer sur la base d’une assistance permanente et constante, 24 heures sur 24 ; que s’agissant de la détermination de l’indemnité due au titre de la tierce personne, il convient de considérer : – que le besoin en tierce personne de Mlle T… doit être fixé à un équivalent de 24 heures par jour compte tenu des besoins et de la gravité du handicap en lien avec l’accident de 1979 tels que décrits tant dans le rapport G… que dans le rapport Q… ; – que le taux horaire de 22 € retenu par le premier juge est justifié au regard de ces éléments ; – que le coût de la tierce personne doit être calculé sur la base d’une intervention de 24 h / 24, sans référence à la somme mentionnée dans le P.V. de transaction de 2007 dès lors qu’est intervenue une modification substantielle du fait du départ de Mlle T… de la maison familiale, rendant caduc le protocole transactionnel, conditionné à la présence de Mlle T… dans l’établissement ; – que sur la base de calcul retenue par le premier juge (année de 410 jours), le montant de la rente annuelle s’établit 410 (jours) x 22 (€) x 24 (heures) = 216 480 €, dont il y a lieu de déduire le capital constitutif de la majoration tierce personne versée par la CPAM (pièce 28 produite par Mlle T…) soit 51 197 € ; – que pour déterminer le solde de la rente devant revenir à la victime, en retenant un point de rente viagère de 26,291 selon le barème de capitalisation 2018 (Gazette du Palais 28/11/2017, no 41, p. 36 suivantes) compte tenu de l’âge de la victime (58 ans) à la date de son départ de la maison familiale de Bègles, un capital représentatif de 5 691 475 € dont à déduire le capital constitutif de la majoration tierce personne, soit en définitive, un capital représentatif de 5 640 278 € ; – la rente annuelle à verser à la victime à compter du 1er août 2016 (date de son départ de la maison familiale, cf. attestation de la présidente de l’association AFTC Gironde, gestionnaire de l’établissement, pièce 21 de l’intimée) est donc de 5 640 278 / 26,291 soit 214 532 €, par an et 17 877 € ; – qu’il convient donc, réformant le jugement entrepris de ce chef, de condamner la Maaf à payer à Mlle T… (assistée de sa curatrice) au titre de la rente tierce personne une rente mensuelle de 17 877 € à compter du 1er août 2016, indexée selon les dispositions de la loi du 5 juillet 1985 et dont le service sera suspendu en cas de placement de Mlle T… dans une structure hospitalière et/ou dispensant des soins et/ou assurant un accueil total ou partiel de type occupationnel ou non, à partir du 46e jour de cette prise en charge ;

1°) ALORS QUE les transactions ont, entre les parties, l’autorité de la chose jugée en dernier ressort ; qu’une transaction conclue en 2007 entre Mme T… et la société Maaf Assurances prévoyait, en réparation du poste de préjudice lié à l’assistance par tierce personne rendue nécessaire par l’accident survenu en 1979, le paiement, d’une part, d’une rente mensuelle de 3 420 euros au titre des frais d’assistance humaine à la structure collective qu’elle occupait alors et, d’autre part, d’une rente trimestrielle de 625 euros, au titre des frais d’assistance lors des retours au domicile ; qu’en allouant à Mme T…, qui souhaitait regagner son domicile, une rente mensuelle de 17 877 euros sur la base d’un besoin de 24 heures par jour en tierce personne, la cour d’appel, qui a refusé de limiter aux seuls nouveaux besoins de la victime l’indemnisation qu’elle allouait, et a ainsi procédé à une nouvelle évaluation des besoins antérieurs en tierce personne qui avaient pourtant été définitivement évalués et liquidés en 2007, a méconnu l’autorité attachée à cette transaction, violant les articles 1134, devenu 1103, et 2052 du code civil ;

2°) ALORS QUE la transaction conclue entre les parties en 2007 énonçait qu’« en cas de nouvelles modifications de la situation de Mlle T…, les nouveaux besoins éventuels ser[ont] analysés » ; qu’en jugeant que le départ de Mme T… de la maison familiale constituerait une « modification substantielle » qui rendrait « caduc le protocole transactionnel, conditionné à la présence de Mlle T… dans l’établissement » quand cette modification de la situation de Mme T…, expressément envisagée par la transaction, n’autorisait nullement la remise en cause des indemnités d’ores et déjà allouées, mais ouvrait simplement droit au paiement d’une indemnité complémentaire correspondant aux besoins nouveaux, la cour d’appel a dénaturé la transaction, violant l’article 1134, devenu 1103 du code civil.