DIVORCE : L’EPOUSE A REGLE DES SOMMES DANS SON SEUL INTERET

DIVORCE : Règlements personnels

DIVORCE : L’EPOUSE A REGLE DES SOMMES DANS SON SEUL INTERET

DIVORCE : Règlements personnels

En droit (DIVORCE : Règlements personnels) :

La loi applicable aux conditions d’existence de l’enrichissement injustifié est celle applicable au fait juridique qui en est la source.

En l’espèce, les dispositions de l’article 1371 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 10 février 2016, sont donc applicables sur ce point, puisque l’enrichissement invoqué par Mme H. résulterait de l’exercice du droit de retour conventionnel de Joseph J. en 2012.

En revanche, les dispositions issues de cette ordonnance, entrée en vigueur le 1er octobre 2016, s’appliquent à la détermination et au calcul de l’indemnité, la demande ayant été introduite postérieurement et l’ordonnance étant d’application immédiate à cet égard.

En application de l’article 1371, ancien, du Code civil, l’enrichissement injustifié suppose que le patrimoine d’une personne se trouve, sans cause légitime, enrichi au détriment de celui d’une autre personne, alors que celle-ci ne dispose d’aucune autre action ; doivent être caractérisés l’enrichissement et l’appauvrissement corrélatif.

En vertu de l’article 1303 du Code civil, celui qui bénéficie d’un enrichissement injustifié au détriment d’autrui doit, à celui qui s’en trouve appauvri, une indemnité égale à la moindre des deux valeurs de l’enrichissement et de l’appauvrissement.

L’article 1304 du même code dispose que l’appauvrissement constaté au jour de la dépense, et l’enrichissement tel qu’il subsiste au jour de la demande, sont évalués au jour du jugement.

En l’espèce (DIVORCE : Règlements personnels) :

En l’espèce, au jour du décès de Patrick J., la propriété du chalet, construit sur le terrain donné par Joseph J. à son fils, était présumé appartenir à ce dernier, puisque la propriété du sol emporte propriété du dessus, conformément à l’article 552 du Code civil. Joseph J. a exercé son droit de retour sur l’ensemble de l’immeuble, terrain et constructions, et l’a ensuite donné en nue-propriété à Mme H., l’acte rappelant que les constructions avaient été édifiées par Patrick J. après la donation du terrain dont il avait bénéficié et que celui-ci en était propriétaire. Mme H. ne justifie d’aucune convention qu’elle aurait passé avec Patrick J. lui permettant de devenir propriétaire de la moitié de la construction, du fait de la souscription, avec celui-ci, des prêts ayant pour objet son financement ou de leur paiement par moitié. Dès lors, elle ne peut revendiquer la propriété de la moitié du chalet à la date du décès de Patrick J., chalet qui est bien rentré dans le patrimoine de Joseph J. suite à l’exercice de son droit de retour conventionnel.

S’agissant de la créance qu’elle invoque au titre de la plus-value qu’elle a apportée à l’immeuble, il ressort de l’acte d’affectation hypothécaire du 31 août 2007 que l’opération immobilière était d’un coût total de 140 000 euros, financé par trois prêts contractés par le couple auprès de la Caisse de crédit mutuel (CCM) du Val d’argent, garantis par une hypothèque conventionnelle sur le bien, et un apport personnel de 6.400 EUR ; au vu des pièces produites, cet apport a été financé par un prêt habitat de 6.400 EUR à taux 0, remboursable à compter du 5 février 2008 pendant dix ans.

Il ressort de l’acte d’exercice du droit de retour conventionnel du 12 novembre 2012 que les trois prêts CCM ont cependant été entièrement remboursés par la compagnie d’assurance suite au décès de Patrick J., ce que Mme H. reconnaît. Or le paiement des prêts par l’assureur ne l’a pas appauvrie, peu importe qu’il résulte d’un contrat entre son concubin et l’assureur, ayant un effet relatif à l’égard de Joseph J. ou ses ayants droits. Dès lors, le capital remboursé par l’assureur ne peut être pris en compte et, par suite, la plus-value apportée au bien par les travaux à hauteur de ce capital.

Au vu des tableaux d’amortissement, le capital remboursé par le couple – lequel peut seul être pris en compte (à l’exclusion des intérêts et cotisations d’assurance) pour déterminer la plus-value apportée au bien, puisque lui seul correspond au paiement de travaux -, était au jour du décès de Patrick J., le 17 mars 2012, pour les prêts CCM le suivant :

– prêt de 95.600 EUR : 95 600 (capital prêté) – 94 986,86 (capital restant du) = 613,14 EUR

– prêt de 19.000 EUR : 19 000 – 8 950,14 = 10.049,86 EUR

– second prêt de 19.000 EUR : 19 000 – 8 312,32 = 10.687,68 EUR

soit au total 21.350,68 EUR.

Le couple avait également remboursé, dans le cadre du prêt C. habitat, au 17 mars 2012 un capital de : 6 400 – 3733,50 = 2.666,50 EUR.

Il avait donc remboursé aux organismes prêteurs un capital total de 24.017,18 EUR.

Mme H. n’en a financé, tout au plus, que la moitié, soit 12.008,59 EUR, du fait du prélèvement des prêts sur le compte joint du couple au CCM du Val d’argent, ouvert le 6 juillet 2007, par transformation du compte individuel de M. J. en compte joint avec solidarité.

Par ailleurs, entre le décès de son concubin et le droit de retour conventionnel, elle a payé huit échéances du prêt C. Habitat, soit un capital de 53,33 X 8 = 426,64 EUR; ainsi elle aurait financé un capital de 12.435,23 EUR au total.

Solution retenue par la Cour (DIVORCE : Règlements personnels) :

Or selon les propres écritures de Mme H., la plus-value apportée à l’immeuble par les travaux financés par le couple s’élève à 104 000 euros, après déduction de la valeur du terrain (26.000 EUR), selon la donation faite à Patrick J., de celle de la totalité de l’immeuble au jour du droit de retour conventionnel (130.000 EUR).

Cette plus-value représente 74,29 % des travaux, de sorte que Mme H. n’aurait financé tout au plus qu’une plus-value de 9.238,13 EUR au jour du droit de retour conventionnel (12 435,23 X 74,29%).

Or, entre le 12 novembre 2012 et le 22 septembre 2015, date du décès de Joseph J., Mme H. a bénéficié, par suite de la convention passée avec ce dernier, en même temps qu’il lui faisait donation de la nue-propriété du bien, de la jouissance gratuite de celui-ci ; au vu du tableau d’amortissement du prêt C. habitat, elle a seulement dû payer le solde de ce prêt pendant 34 mois supplémentaires, soit la somme de 1.813,22 EURen capital (34 X 53,33 EUR), représentant une plus-value supplémentaire apportée au bien de 1 347,04 euros (74,29%), ce qui porte la plus-value au total à 10.585,17 EUR (9 238,13+1 347,04) ; dès lors, si un enrichissement a pu exister au 12 novembre 2012, tel n’était plus le cas à la veille du décès, en l’absence de paiement d’une indemnité d’occupation par Mme H. durant cette période pour cette maison – comprenant, selon l’acte de donation, au sous-sol, garage, chaufferie et une pièce, au rez de chaussée, une grande pièce à usage de cuisine, salon, séjour et un WC ainsi qu’au dessus, trois chambres et salle de bains -, ce qui, compte tenu des 34 mois écoulés, a justement compensé la plus-value précitée.

De plus, force est de constater que, si Mme H. a contracté les prêts et participé à leur paiement par le versement de sa rémunération sur le compte joint, elle l’a fait dans son intérêt personnel, puisqu’il s’agissait de financer la construction de la maison d’habitation où elle a emménagé avec son concubin à compter du 1er janvier 2009, selon attestation de domicile du maire de la commune du 18 février 2020, cette dépense étant dès lors assimilable à une dépense de logement, prélevée comme les autres charges du couple sur le même compte joint, alimenté par les rémunérations de chacun. Elle l’a également fait à ses risques et périls, puisqu’elle n’a conclu aucune convention avec son concubin pour acquérir de quelconques droits sur cette maison, alors qu’elle était construite sur un terrain qui n’appartenait qu’à celui-ci et qui était grevé d’un droit de retour conventionnel.

DIVORCE : Règlements personnels

En conséquence, l’appauvrissement qui en serait résulté et l’enrichissement corrélatif de Joseph J., au jour de l’exercice du droit de retour, ne sont pas non plus dénués de cause.

Au vu de ces éléments, non seulement il ne subsistait au jour de la demande aucun enrichissement, mais celui ayant pu exister antérieurement n’était pas injustifié.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a rejeté la demande d’indemnité de Mme H.

Cour d’appel de Colmar, 2e chambre civile, 17 juin 2021, RG n° 19/03127