DISSOLUTION D’ASSOCIATIONS D’EXTREME DROITE

DROIT DU TRAVAIL : Violence et harcèlement

DISSOLUTION D’ASSOCIATIONS D’EXTREME DROITE

CEDH, 8 oct. 2020, n° 77400/14, Ayoub et a. c/ France

Les requérants sont des ressortissant français, membres d’associations d’extrême droite, dissoutes à la suite du décès d’un étudiant à Sciences po et membre de la mouvance antifasciste.

Les requérants allèguent que les mesures de dissolution des associations qu´ils présidaient constituent des ingérences injustifiées dans l’exercice de leurs droits à la liberté d’association et à la liberté d’expression protégés par les articles 10 et 11 de la Convention.

La Cour a considéré que le seul fait d’arborer un drapeau à connotation fasciste à proximité d’une manifestation contre le racisme et la haine, perçu comme provocateur par les autorités, n’entraînait pas une menace évidente et un danger imminent de violence et ne pouvait suffire à troubler l’ordre public car cet acte n’était ni à caractère d’intimidation ni susceptible de favoriser la violence en insufflant une haine profonde envers certaines personnes mais a aussi jugé que la dissolution par les autorités hongroises d’une association qui organisait des marches paramilitaires hostiles aux roms était nécessaire dans une société démocratique.

La Cour observe que l’événement qui a déclenché l’intention du ministre d’engager la dissolution des associations requérantes sur le fondement de l’article L. 212-1 du Code de la sécurité intérieure est un acte auquel leurs membres n’ont pas pris part. Elle constate également qu’avant le drame, les associations requérantes n’avaient pas fait l’objet, depuis leur constitution légale, de poursuites en rapport avec la mise en œuvre de leur objet social, seuls leurs membres ayant été appréhendés ou condamnés pour des actes commis à titre individuel, même si elles faisaient l’objet d’une surveillance de la part des services de renseignement en tant que groupements susceptibles de troubler l’ordre public. La Cour observe encore que les associations requérantes n´étaient pas des partis politiques, mais portaient un programme politique qu’elles ont exposé ou défendu à l’occasion de rassemblements ou sur leur site Internet pendant de nombreuses années avant d’être dissoutes. L’ensemble de ces circonstances les amènent à dénoncer une dissolution « politique » de la part des autorités françaises, visant à la suppression des opposants radicaux du pouvoir politique en place. C’est en ayant à l’esprit ces considérations que la Cour doit examiner le grief des requérants.

Au préalable, elle tient à souligner, pour répondre aux requérants qui dénoncent l’application de l’article L. 212-1 précité à des fins politiques, que les décrets de dissolution ont été prononcés au terme d’une procédure contradictoire au cours de laquelle ils ont pu présenter leurs observations. Ces décrets ont par ailleurs fait l’objet d’un recours en suspension devant le juge du référé et d’un recours annulation devant le Conseil d’État qui a porté son contrôle sur les motifs de dissolution prévus par la loi. Ce contrôle juridique a notamment reposé sur le principe qu’une dissolution ne peut être justifiée que si les faits reprochés à une association sont avérés.

La Cour considère que par les thèses politiques qu’ils défendaient, la propagande qu’ils diffusaient et les actions qu’ils organisaient en faveur de ces thèses, les requérants cherchaient à utiliser leur droit à la liberté d’association dans le but de détruire les idéaux et valeurs d’une société démocratique. Leurs activités étaient incompatibles avec les fondements de la démocratie.

La Cour conclut que l’État a pu considérer que les associations requérantes et leurs dirigeants poursuivaient des buts prohibés par l’article 17 et qu’ils avaient abusé de leur liberté d’association, en tant qu’organisation radicale menaçant le processus politique démocratique, en contradiction avec les valeurs de tolérance, de paix sociale et de non-discrimination qui sous-tendent la Convention. Dans leur dissolution, la Cour voit l’expression de décisions prise au regard d’une connaissance approfondie de la situation politique interne et en faveur d’une démocratie apte à se défendre dans un contexte de persistance et de renforcement du racisme et de l’intolérance en France et en Europe.

En conséquence, la Cour estime qu’en vertu de l’article 17 de la Convention, les requérants ne peuvent bénéficier de la protection de l’article 11 de la Convention, envisagé à la lumière de l’article 10. Il s’ensuit que leurs griefs doivent être rejetés comme étant incompatibles ratione materiae avec les dispositions de la Convention.

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