DEPAKINE : Le délai de prescription (Cass. civ. 1, 27 novembre 2019, n° 18-16.537, FS-P+B+I)

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DEPAKINE : Le délai de prescription (Cass. civ. 1, 27 novembre 2019, n° 18-16.537, FS-P+B+I)

Le délai de prescription court à compter de la date à laquelle les victimes ont su ou auraient dû savoir les informations liées aux effets tératogènes du médicament et défectuosité avérée du médicament.

Le délai de prescription de trois années de l’action mettant en cause la responsabilité du producteur d’un produit défectueux court à compter de la date à laquelle ils ont su ou auraient dû savoir qu’ils n’avaient pas bénéficié de l’information selon laquelle la Dépakine pouvait produire des effets tératogènes.

La Dépakine est défectueuse dès lors que les nombreux effets tératogènes du valproate de sodium, principe actif composant la Dépakine, et, parmi eux, des cas de malformation des membres, ont été régulièrement mentionnés dans la littérature médicale entre 1986 et 1995 et, que, selon la fiche du dictionnaire Vidal consacrée, dans son édition 2001, à ce médicament, «quelques cas de dysmorphie faciale et d’anomalie des membres ont été rapportés» ; qu’à la date des faits, la notice de la Dépakine était ainsi rédigée : «en cas de grossesse ou de désir de grossesse, prévenez votre médecin. En effet, votre traitement devra éventuellement être adapté et une surveillance particulière devra être mise en route. Au moment de la naissance, une surveillance attentive du nouveau-né sera nécessaire. Prévenez votre médecin de la prise de ce médicament si vous souhaitez allaiter» ; que la présentation de la Dépakine, dans la notice destinée aux patients, ne contenait donc pas l’information selon laquelle, parmi les effets indésirables possibles du médicament, il existait un risque tératogène d’une particulière gravité.Telles sont les solutions retenues par la première chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 27 novembre 2019 (Cass. civ. 1, 27 novembre 2019, n° 18-16.537, FS-P+B+I).

Les faits. Souffrant d’épilepsie depuis l’âge de 11 ans, Mme Y est traitée en 2002 par la Dépakine, médicament produit par la société Sanofi. Envisageant une grossesse, il lui a été conseillé de poursuivre son traitement. Le 24 novembre 2002, elle a donné naissance à un enfant, qui présente un syndrome malformatif général, caractérisé, notamment, par des anomalies des membres supérieurs et une microphtalmie.

Après un rapport d’expertise rendu le 22 mai 2011, les parents, par des actes délivrés les 8, 13 et 15 mars 2013, ont assigné en responsabilité et indemnisation la société Sanofi.

La cour d’appel d’Orléans (CA Orléans, 20 novembre 2017, n° 16/00141) accédant aux demandes de la famille, la société forma un pourvoi en cassation.

Plusieurs moyens sont alors soulevés :

Sur la fin de non-recevoir tiré de la prescription (deuxième moyen du pourvoi).

La société fait grief à l’arrêt de juger que l’ensemble des séquelles présentée par l’enfant relève d’une foetopathie à la Dépakine et engage sa responsabilité, en soutenant, notamment que les parents avaient eu connaissance du dommage dès la naissance de leur enfant et qu’ils avaient eu connaissance du prétendu défaut d’information au plus tard le 5 décembre 2002 , date à laquelle trois médecins les avaient informés de la possibilité que les malformations puissent être en lien avec la prise de Dépakine, de sorte que M. et Mme Y disposaient donc à cette date de l’ensemble des éléments permettant d’engager une action à l’encontre du producteur.Enonçant la première solution précitée, la Haute juridiction rejette ce moyen et dit l’action des parents non prescrite.

Sur le moyen d’infirmation tiré du défaut de démonstration de la participation du produit à la survenance du dommage, du défaut du produit et du rôle causal de cette défectuosité (quatrième moyen).

La société fait grief à la cour d’appel de dire que le médicament était défectueux soutenant notamment que, dès lors que l’existence de risques tératogènes liés à la prise d’un médicament enjoint expressément et sans équivoque à la patiente de consulter son médecin en cas de grossesse ou de simple projet de grossesse et indique que le traitement devra être adapté et qu’une surveillance particulière devra être mise en place et, d’autre part, le résumé des caractéristiques du produit (RCP) mentionne précisément l’ensemble des risques tératogènes connus.Enonçant la seconde solution précitée, la Haute juridiction rejette cet autre moyen.

Néanmoins, la cassation sera prononcée par la Haute juridiction au visa de l’article 455 du Code de procédure civile. En effet, la cour d’appel, pour accueillir les demandes, avait retenu que la société Sanofi, qui n’établit pas que l’état des connaissances médicales ne permettait pas d’appréhender les risques tératogènes en 2001, ne peut bénéficier d’une exonération de responsabilité sur le fondement de l’article 1386-11, 4°, devenu 1245-10, 4°, du Code civil.

Or, elle n’a pas répondu aux conclusions de la société Sanofi, qui soutenait, sur le fondement de l’article 1386-11, 5°, devenu 1245-10, 5°, du Code civil, qu’à la date de la prise du médicament par Mme Y, sa présentation dans les documents d’information, et notamment la notice, était conforme aux règles impératives édictées par l’autorité compétente, ne satisfaisant donc pas aux exigences de l’article 455 du Code de procédure civile.

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