DELAI D’INSCRIPTION DU PRIVILEGE DU VENDEUR OU DU PRETEUR DE DENIERS

Droit bancaire et sursis pour l'emprunteur

DELAI D’INSCRIPTION DU PRIVILEGE DU VENDEUR OU DU PRETEUR DE DENIERS

Cass. 3e civ., 1er oct. 2020, n° 18-16888

Un notaire de Strasbourg établit l’acte de vente d’un immeuble en l’état futur d’achèvement et dépose une requête tendant à l’inscription du privilège du vendeur, laquelle est rejetée par le juge du livre foncier de Strasbourg. Le juge du livre foncier ayant maintenu son opposition, le notaire forme un pourvoi immédiat contre son ordonnance.

Selon l’article 2379, alinéa 1er, du Code civil, le vendeur privilégié, ou le prêteur qui a fourni les deniers pour l’acquisition d’un immeuble, conserve son privilège par une inscription qui doit être prise, à sa diligence, en la forme prévue aux articles 2426 et 2428, et dans le délai de deux mois à compter de l’acte de vente. Le privilège prend rang à la date dudit acte.

Cette disposition, qui conditionne l’efficacité du privilège, est une disposition de fond dès lors que, en application de l’article 2386 du Code civil, si le délai n’est pas respecté, le privilège dégénère en hypothèque et ne prend rang, à l’égard des tiers, que de la date de l’inscription.

La loi du 1er juin 1924 a mis en vigueur la législation civile française dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle.

Selon les articles 36 et 36-1 de cette loi, dans ces départements, les droits sur les immeubles, les privilèges et les hypothèques sont ceux prévus par la législation civile française et les règles concernant l’organisation, la constitution, la transmission et l’extinction des droits réels immobiliers et autres droits et actes soumis à publicité sont celles de la législation civile française, sous réserve de plusieurs dispositions.

Il résulte ainsi de ses articles 38, 45 et 52 que les privilèges sont inscrits au livre foncier, aux fins d’opposabilité aux tiers, que la date et le rang de l’inscription sont déterminés par la mention du dépôt de la requête, portée au registre des dépôts, et que l’inscription des privilèges et des hypothèques est sans effet rétroactif.

Selon l’article 52 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière, il n’est pas dérogé aux dispositions du chapitre III de ladite loi.

Les dispositions spécifiques du droit local, qui n’ont pas été abrogées par le décret précité et qui instituent un régime spécial avec des règles de fond différentes de celles du droit général, continuent donc à s’appliquer dans les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle.

Dès lors, le délai de deux mois prévu par l’article 2379, alinéa 1er, du Code civil n’est pas applicable dans ces départements.

La cour d’appel de Colmar, pour rejeter le pourvoi formé contre la décision de rejet de la requête en inscription du privilège du vendeur par le juge du livre foncier, retient que le délai de deux mois n’est pas une règle de publicité foncière à laquelle le droit local pourrait déroger, mais une disposition de fond qui fixe la condition d’efficacité du privilège du vendeur et que cette disposition est applicable en Alsace-Moselle. Ainsi, la cour d’appel viole les textes susvisés.

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