CESSION PARTIELLE D’ACTIVITE ET PRISE D’ACTE DE LA RUPTURE DU CONTRAT DE TRAVAIL

SAS et privation de droits sociaux

CESSION PARTIELLE D’ACTIVITE ET PRISE D’ACTE DE LA RUPTURE DU CONTRAT DE TRAVAIL

 Cass. soc., 30 sept. 2020, n° 18-24881

La cession d’une partie de son activité par un cabinet d’avocats est l’occasion pour la Cour de cassation de faire le point sur le transfert du contrat de travail d’un salarié et les effets de la prise d’acte par celui-ci de la rupture de son contrat de travail, à la lumière du droit de l’Union, par un arrêt promis à la plus large publicité.

Une société d’avocats cède l’activité qu’elle exerce dans son cabinet secondaire. Le transfert de son contrat de travail est notifié à la secrétaire à hauteur de 50 % de son temps de travail par application des dispositions de l’article L. 1224-1 du Code du travail. Après s’être trouvée en arrêt de travail cinq jours plus tard, la salariée prend acte de la rupture de son contrat de travail sept mois plus tard.

Par plusieurs arrêts, la Cour de cassation a jugé, notamment en cas de cession partielle d’une entreprise emportant transfert d’une entité économique autonome conservant son identité et dont l’activité avait été poursuivie, qu’en application de ce texte, interprété à la lumière des dispositions de la directive 2001/23/CE du Conseil du 12 mars 2001, lorsqu’un salarié était employé en partie au sein de cette entité, son contrat de travail doit être transféré au cessionnaire pour la partie de l’activité qu’il y consacrait (Cass. soc., 22 juin 1993, n° 90-44705, Cass. soc., 9 mars 1994, n° 92-40916, Cass. soc., 2 mai 2001, n° 99-41960).

Pour limiter les hypothèses d’une telle division du contrat de travail, la Cour de cassation a ensuite jugé que, si le salarié exerçait l’essentiel de ses fonctions dans le secteur d’activité repris par la nouvelle société, l’ensemble de son contrat de travail devait être transféré à cette société et, dans le cas inverse, que son contrat de travail devait se poursuivre avec la société sortante (Cass. soc., 30 mars 2010, n° 08-42065Cass. soc., 21 sept. 2016, n° 14-30056).

La CJCE a dit pour droit (CJCE, 7 févr. 1985, (CJCE, arrêt du 7 février 1985, n° 186/83, Botzen), que la directive concernant le rapprochement des législations des États membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transferts d’entreprises, d’établissements ou de parties d’établissements doit être interprété en ce sens qu’il n’englobe pas les droits et obligations qui résultent pour le cédant d’un contrat de travail ou d’une relation de travail existant à la date du transfert et conclu avec des travailleurs qui, bien que n’appartenant pas à la partie transférée de l’entreprise, exerçaient certaines activités comportant l’utilisation de moyens d’exploitation affectés à la partie transférée, ou qui, étant affectés à un service administratif de l’entreprise qui n’a pas été lui-même transféré, effectuaient certaines tâches au profit de la partie transférée.

La CJUE a écarté l’hypothèse (CJUE, 26 mars 2020, n° C-344/18, ISS Facility Services NV), en présence d’un transfert d’entreprise impliquant plusieurs cessionnaires, a écarté tant l’hypothèse consistant à transférer le contrat de travail uniquement au cessionnaire auprès duquel le travailleur exerce ses fonctions à titre principal, que l’hypothèse consistant à ne transférer le contrat de travail à aucun des cessionnaires. Elle a dit pour droit que le droit de l’Union doit être interprété en ce sens que les droits et les obligations résultant d’un contrat de travail sont transférés à chacun des cessionnaires, au prorata des fonctions exercées par le travailleur concerné, à condition que la scission du contrat de travail en résultant soit possible ou n’entraîne pas une détérioration des conditions de travail ni ne porte atteinte au maintien des droits des travailleurs garanti par cette directive, ce qu’il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier. Par ailleurs, la CJUE a dit pour droit que, dans l’hypothèse où une telle scission du contrat de travail se révélerait impossible à réaliser ou porterait atteinte aux droits dudit travailleur, l’éventuelle résiliation de la relation de travail qui s’ensuivrait serait considérée comme intervenue du fait du ou des cessionnaires, quand bien même cette résiliation serait intervenue à l’initiative du travailleur.

Il en résulte que lorsque le salarié est affecté tant dans le secteur repris, constituant une entité économique autonome conservant son identité et dont l’activité est poursuivie ou reprise, que dans un secteur d’activité non repris, le contrat de travail de ce salarié est transféré pour la partie de l’activité qu’il consacre au secteur cédé, sauf si la scission du contrat de travail, au prorata des fonctions exercées par le salarié, est impossible, entraîne une détérioration des conditions de travail de ce dernier ou porte atteinte au maintien de ses droits garantis par la directive.

Viole l’article L. 1224-1 du Code du travail, interprété à la lumière de la directive 2001/23/CE du Conseil du 12 mars 2001, la cour d’appel qui, pour juger que la prise d’acte par la salariée est justifiée par un manquement suffisamment grave de l’employeur empêchant la poursuite du contrat de travail, après avoir jugé caractérisé le transfert d’une entité économique autonome, retient que, si la partie de l’activité de la cédée représentait 50 % de l’activité de la salariée, le contrat de travail devait se poursuivre auprès de la cédante, dès lors que la salariée n’exerçait pas l’essentiel de ses fonctions au sein de l’entité transférée.

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