BAIL RURAL OU PRET DES TERRES

DROIT DES AFFAIRES : SCI et pièces

BAIL RURAL OU PRET DES TERRES

Cour d’appel de Colmar, Chambre 3 a, 28 septembre 2020, RG n° 18/03046

En vertu des dispositions de l’article L 411-1 du Code rural, toute mise à disposition à titre onéreux d’un immeuble à usage agricole en vue de l’exploiter pour y exercer une activité agricole définie à l’article L. 311-1 est régie par les dispositions du présent titre, sous les réserves énumérées à l’article L. 411-2. Cette disposition est d’ordre public.

L’article L 411-4 du même code dispose que les contrats de baux ruraux doivent être écrits. A défaut d’écrit enregistré avant le 13 juillet 1946, les baux conclus verbalement avant ou après cette date sont censés faits pour neuf ans aux clauses et conditions fixées par le contrat type établi par la commission consultative des baux ruraux.

L’article L 411-12 précise que le prix du bail est payable en espèces; que toutefois, pour les cultures permanentes viticoles, arboricoles, oléicoles ou agrumicoles et par accord entre les parties, le prix du bail est payable en nature ou partie en nature et partie en espèces.

Il est constant l’espèce que par lettre du 6 mai 2014 intitulée « notification du congé par le bailleur au preneur concernant les baux de petites parcelles non soumises au statut du fermage», monsieur Y X a déclaré résilier purement et simplement le bail consenti au Groupement du Lindenhof  intimé, à effet au 11 novembre 2014.

La qualification de la relation liant les parties en bail opérée par monsieur X dans cet écrit n’a toutefois pas vocation à être retenue en l’absence de preuve d’un contrat conclu à titre onéreux, dans la mesure où, en vertu de l’article 12 du Code de procédure civile, il incombe au juge de donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s’arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée.

Il ne peut être soutenu par ailleurs que monsieur X a, de mauvaise foi, changé de position en droit au cours de la procédure, au détriment de l’intimé, puisqu’il n’a jamais affirmé qu’un fermage avait été convenu entre les parties, de sorte que la théorie de l’Estoppel n’a pas vocation à s’appliquer en l’espèce.

Il sera relevé que la parcelle en question est soumise au statut du fermage, contrairement à ce qui est indiqué dans le courrier susvisé, dans la mesure où elle est englobée dans un îlot de culture d’une surface totale de 5,22 hectares exploité par le Groupement du Lindenhof. Ce fait n’est pas contesté par l’appelant.

La charge de la preuve du bail rural incombe au preneur, de sorte que, contrairement à ce qu’a retenu le premier juge, il ne pouvait être fait reproche à monsieur X de ne produire aucun élément probant à l’appui de ses dires selon lesquels la relation des parties consistait en une mise à disposition sans contrepartie financière.

Si le Groupement du Lindenhof est fondé à soutenir que le défaut éventuel de paiement de fermage n’est pas de nature à ôter à la convention sa nature de bail, il appartient néanmoins à l’intimé de démontrer qu’un fermage avait été convenu entre les parties en contrepartie de la mise à disposition de la parcelle.

L’acte authentique de vente en date du 15 juin 1999, par lequel monsieur Y X a acquis la propriété de la parcelle litigieuse, qui est en nature de pré, mentionne, au titre du droit de préemption publique, reconnu au bénéfice de la Safer, que la parcelle est exploitée par le C D E et Fils, dont était associé le père de l’acquéreur, monsieur A X.

Pour autant, aucune précision n’est indiquée quant au cadre juridique dans lequel la parcelle était exploitée par le C D E et Fils, devenu Groupement du Lindenhof, étant relevé que l’occupation des lieux ne suffit pas à établir la preuve du bail, puisqu’elle peut résulter d’un prêt ou d’une tolérance. Aucune indication ne peut non plus résulter de la clause « propriété- jouissance » de l’acte, selon laquelle l’entrée en jouissance aura lieu soit par la prise de possession réelle, soit par la perception des fermages, puisqu’il n’est pas affirmé que des fermages sont dus en l’occurrence.

Dès lors, pour démontrer qu’un fermage a été convenu entre les parties, l’intimé ne verse au débat qu’une attestation de monsieur D-F G, ancien associé du Groupement, qui déclare le 25 janvier 2019, que lors des discussions avec A X et son fils Y, il était toujours clair que Y souhaitait que son père A B le fermage de la parcelle dont il était propriétaire ; que lui-même a donc, tous les ans, préparé et livré des céréales (blé et orge) à A X; que la valeur de ces céréales était déduite du montant du fermage ; que monsieur Y X venait régulièrement sur l’exploitation et n’a jamais contesté ce mode de paiement.

Il sera relevé à cet égard que l’attestation est sujette à caution, dans la mesure où elle émane d’un ancien associé du Groupement et qu’elle est rédigée en des termes vagues, sans aucune précision sur les quantités de céréales qui auraient été livrées en contrepartie de l’exploitation de la parcelle ; qu’aux dires mêmes du témoin, ce paiement en nature ne représentait pas la totalité du fermage dû et devait en conséquence être complété par des versements en espèces, dont aucune précision n’est donnée sur le montant qui aurait été convenu entre les parties. Le Groupement intimé n’a d’ailleurs jamais indiqué le montant du fermage qu’il devait acquitter.

De plus, aucune preuve de versements en espèces n’est rapportée, dans la mesure où seul un chèque d’un montant de 25,82 EUR a été émis par le Groupement du Lindenhof au bénéfice de monsieur X, en règlement du fermage, mais ne peut être pris en considération, puisqu’il est postérieur à la saisine du tribunal paritaire des baux ruraux et n’a donc été effectué que pour les besoins de la cause.

Il en résulte que le Groupement intimé ne rapporte pas la preuve de ce qu’un fermage avait été convenu en contrepartie de l’exploitation de la parcelle ; qu’en l’absence de convention liant les parties à titre onéreux, l’intimé ne peut se prévaloir de l’existence d’un bail rural.

Le jugement déféré est dès lors infirmé en ce qu’il a dit que les parties sont liées par un bail rural portant sur la parcelle litigieuse et a débouté monsieur X de ses demandes. Il y a lieu de dire que l’occupation et l’exploitation de la parcelle litigieuse par le Groupement du Lindenhof résulte d’un prêt, de sorte que l’appelant n’était pas tenu de respecter les dispositions du code rural quant à la délivrance d’un congé.

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