Ces décisions ont été déclarées exécutoires par arrêt de la Cour d’appel de Versailles du 15 mars 2012, à la suite de l’appel formé par madame B à l’encontre de l’ordonnance d’exequatur rendue le 9 novembre 2010 par le président du Tribunal de grande instance de Nanterre.

Le 13 novembre 2013, monsieur A a assigné madame B et ses enfants mineurs C et Y Z représentés par leur père, monsieur G Z, devant le Tribunal de grande instance de Nanterre sur le fondement de l’art. 1167 ancien du Code civil en nullité et inopposabilité à son égard de la donation de la nue-propriété d’un bien immobilier, soit les lots n°19 (cave), 23 (appartement) et 26 (grenier) et les millièmes afférents de la propriété du sol et des parties communes générales dépendant d’un immeuble situé à Meudon, […] et […], faite par madame B au profit de ses deux fils par acte notarié du 17 juillet 2009 et de l’échange des lots n° 19 et 25 dudit immeuble intervenu le 23 octobre 2013.

Appel a été relevé de la décision de première instance.

Monsieur A, auteur de l’appel, soutient être recevable en son action paulienne, disant justifier à hauteur d’appel du contrat de prêt du 22 décembre 2005 et de la version complète du jugement du 2 avril 2009 avec sa traduction assermentée. Il argue de l’antériorité de sa créance par rapport aux actes litigieux et du fait que celle-ci est non seulement fondée en son principe, mais aussi certaine, liquide et exigible. Il fait valoir l’erreur de droit commise par la cour d’appel de Versailles qui l’a déclaré irrecevable en son action, motif pris de l’absence de preuve de l’insolvabilité de madame B au jour de la donation, alors que la recevabilité de l’action s’apprécie au jour de l’introduction de l’instance. Il prétend que madame B est insolvable, ainsi que le démontre le procès-verbal de carence établi le 22 novembre 2012 et qu’elle l’était également en 2009, lors de la donation. Il invoque que celle-ci constitue un acte d’appauvrissement, accroissant l’insolvabilité apparente, et que, même si madame B travaillait, cette seule circonstance est insuffisante à prouver son absence d’insolvabilité dès lors qu’elle ne justifie pas de ses revenus de l’époque, ni qu’elle disposait de biens permettant de répondre à son engagement. Il soutient que la mauvaise foi de madame B est caractérisée par la chronologie des faits, la donation datant de trois mois après le jugement polonais, et par le très jeune âge des donataires.

Les intimés, contestent que les conditions de l’action paulienne soient réunies. Ils prétendent en premier lieu que la créance n’est pas certaine et son antériorité non plus, les intimés se prévalant notamment de l’existence de traductions différentes du jugement polonais et de l’incohérence de la situation alléguée par monsieur A qui aurait consenti un second prêt à Mme B alors qu’elle n’aurait pas remboursé le premier, soit le prêt litigieux. S’ils admettent la conséquence erronée tirée par la cour d’appel de Versailles de la solvabilité de Mme B au moment de l’acte litigieux, ils n’en soutiennent pas moins que M. A ne démontre pas l’insolvabilité de cette dernière au jour de la donation, faisant valoir qu’elle travaillait, remboursait un prêt immobilier et que les procès-verbaux de carence et de saisie-attribution négative produits par monsieur A sont très largement postérieurs à l’acte litigieux. Ils invoquent également la bonne foi de Mme B dès lors que la donation procède de son souci de protéger ses enfants en France et qu’elle n’a pas transmis l’intégralité des droits portant sur l’immeuble, s’en étant réservé l’usufruit. Ils se prévalent aussi de l’absence de préjudice particulier subi par le créancier puisque madame B effectue des versements mensuels. Ils invoquent enfin que l’échange attaqué a augmenté la valeur de l’ensemble.

Selon l’article 1167 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016, les créanciers peuvent aussi, en leur nom personnel, attaquer les actes faits par leur débiteur en fraude de leurs droits.

Il en résulte que pèse sur le créancier la charge de la preuve, à la date de l’acte attaqué, d’une créance antérieure et certaine en son principe, de l’insolvabilité au moins apparente du débiteur ou de son appauvrissement dans des conditions ne permettant pas le recouvrement de cette créance et de la conscience du préjudice ainsi causé au créancier, étant précisé que la recevabilité de l’action paulienne doit être appréciée à la date de l’introduction de la demande, l’impossibilité pour le créancier d’être payé au jour de celle-ci étant une condition de recevabilité de l’action.

En l’espèce, pour déclarer monsieur A irrecevable en son action paulienne à l’encontre de la donation, le tribunal a retenu que ledit monsieur A n’apportait pas la preuve lui incombant qu’il disposait d’un principe certain de créance à l’égard de madame B au jour de la donation. Or, une telle preuve est une condition de fond, non de recevabilité, de l’action.

De même, l’éventuelle solvabilité de madame B au moment de la donation ne saurait être sanctionnée par l’irrecevabilité de l’action alors que, par ailleurs, l’impossibilité pour monsieur A d’être payé au jour de l’introduction de la demande est attestée par une lettre du 28 juin 2013 et le décompte d’intérêts au 22 juillet 2013 établis par un huissier de justice, évaluant à ces dates la créance en principal à 74 .937,47 euro et en intérêts à 115. 077,38 euro, sommes non contestées devant la présente juridiction ainsi qu’il ressort des conclusions des intimés, et par les procès-verbaux de carence et de saisie attribution négative dressés les 22 novembre 2012 et 28 juin 2013. Au demeurant, force est de constater qu’aux termes du dispositif de leurs écritures, les intimés demandent à la cour non de déclarer monsieur A irrecevable en ses demandes mais de l’en débouter.

En conséquence, le jugement sera infirmé en ce qu’il a déclaré monsieur A irrecevable en son action paulienne à l’encontre de la donation, ladite action devant au contraire être déclarée recevable.

Monsieur A verse aux débats le contrat de prêt rédigé en polonais, signé et daté du 22 décembre 2005, conclu avec madame B ainsi que sa traduction en langue française et le jugement complet du tribunal d’arrondissement de Gdansk du 2 avril 2009 ainsi que sa traduction en langue française. La circonstance relevée par madame B, que le chiffre 5 dans l’année 2005 indiquée manuscritement sur le contrat de prêt comporte une surcharge ou que l’attitude de monsieur A consistant à lui avoir prêté le 13 avril 2006 une somme sans être remboursé préalablement du prêt litigieux du 22 décembre 2005 soit curieuse, est indifférent dès lors que le jugement précité, ensuite confirmé par décision de la cour d’appel de Gdansk du 10 novembre 2009, a retenu l’existence de ce dernier prêt comme incontestable et a écarté l’ensemble des arguments de madame B, dont celui selon lequel le prêt du 13 avril 2006 se serait substitué au prêt du 22 décembre 2005. Mme B reconnaît en outre que la traduction du jugement susvisé produite devant la cour émane d’un interprète assermenté et ne justifie pas d’une erreur affectant ce document, cette traduction indiquant, comme Mme B l’a toujours énoncé, qu’elle avait remboursé le prêt du 13 avril 2006. Il s’ensuit qu’à la date de la donation, le 17 juillet 2009, et a fortiori à la date de l’échange, M. A disposait d’une créance antérieure, certaine en son principe, puisque découlant d’un contrat de prêt du 22 décembre 2005 pour lequel il avait obtenu le 2 avril 2009 un jugement de condamnation, confirmé ensuite en appel, les deux décisions ayant ultérieurement été déclarées exécutoires en France.

Mais si madame B s’est incontestablement appauvrie par la donation litigieuse, celle-ci n’a porté, comme elle le souligne, que sur la nue-propriété du bien immobilier concerné. En effet, madame B s’en est réservée l’usufruit, lequel a été évalué à 112 000 euros sur une valeur en toute propriété de 160. 000 euro comme indiqué dans l’acte de donation. Or, à l’époque, la créance de M. A était bien moindre, notamment en intérêts, qu’au jour de l’introduction de la demande. Monsieur A, qui allègue du caractère insaisissable de l’usufruit conservé par madame B, ne s’explique pas sur ce point alors que l’usufruit est cessible et peut en principe être saisi par les créanciers de l’usufruitier. madame B justifie en outre du paiement régulier des échéances du prêt immobilier ayant permis le financement de l’acquisition de l’appartement en cause. Il résulte encore des pièces versées aux débats par les intimés, en particulier du certificat de travail délivré par la pharmacie du Parc, que madame B a été employée en qualité de préparatrice du 1er février 2004 au 31 juillet 2011, si bien qu’elle exerçait une activité salariée à la date de la donation, contrairement à sa situation lors du procès-verbal de carence du 22 novembre 2012 mentionnant son inscription à Pôle emploi. Enfin, ce procès-verbal, de même que celui de saisie attribution négative du 29 mai 2013, sont postérieurs de plusieurs années à la donation contestée. Il se déduit de l’ensemble de ces éléments que la preuve n’est pas rapportée de l’insolvabilité de madame B et de son intention frauduleuse lors de la donation.

Quant à l’échange ultérieur, intervenu le 23 octobre 2013, d’une cave par un grenier, il n’est pas démontré en quoi il aurait porté préjudice aux droits de monsieur A.

Il convient dès lors de débouter monsieur A de son action paulienne visant la donation du 17 juillet 2009 et de confirmer le jugement en ce qu’il l’a débouté de son action paulienne formée à l’encontre de l’acte d’échange des lots du 23 octobre 2013.