ASSURANCE-VIE : RECOURS CONTRE LE CHANGEMENT DE BENEFICIAIRE PAR LE TUTEUR

Rapport à Succession : Primes d'assurance-vie

ASSURANCE-VIE : RECOURS CONTRE LE CHANGEMENT DE BENEFICIAIRE PAR LE TUTEUR

Cass. 1re civ., 27 janv. 2021, n° 19-22508

Le souscripteur d’un contrat d’assurance vie désigne comme bénéficiaire sa concubine et, à défaut, ses héritiers. Presque un an après son placement en tutelle, le juge des tuteurs autorise son fils, tuteur désigné, à faire procéder au changement de la clause bénéficiaire du contrat d’assurance sur la vie et à désigner les enfants du majeur protégé en qualité de bénéficiaires. Au décès du souscripteur, la précédente bénéficiaire forme, à l’encontre de cette ordonnance, une tierce opposition qui est déclarée irrecevable par le juge des tutelles. L’ancienne concubine interjette appel des deux ordonnances.

Selon l’article 6 § 1 de la Conv. EDH, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, par un tribunal qui décidera des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil.

Il résulte de la combinaison de l’article 1239 du Code de procédure civile, dans sa rédaction antérieure à celle issue du décret n° 2019-756 du 22 juillet 2019 et de l’article 430 du Code civil que, sauf disposition contraire, les décisions du juge des tutelles sont susceptibles d’appel et que, sans préjudice des dispositions prévues par les articles 1239-1 à 1239-3, l’appel est ouvert à la personne qu’il y a lieu de protéger, son conjoint, le partenaire avec qui elle a conclu un pacte civil de solidarité ou son concubin, à moins que la vie commune ait cessé entre eux, les parents ou alliés, les personnes entretenant avec le majeur des liens étroits et stables et la personne qui exerce la mesure de protection juridique, et ce, même si ces personnes ne sont pas intervenues à l’instance.

En conséquence, seuls peuvent interjeter appel des décisions du juge des tutelles, en matière de protection juridique des majeurs, outre le procureur de la République, les membres du cercle étroit des parents et proches qui sont intéressés à la protection du majeur concerné, ainsi que l’organe de protection.

En ouvrant ainsi le droit d’accès au juge à certaines catégories de personnes, qui, en raison de leurs liens avec le majeur protégé, ont vocation à veiller à la sauvegarde de ses intérêts, ces dispositions poursuivent les buts légitimes de protection des majeurs vulnérables et d’efficacité des mesures et ménagent un rapport raisonnable de proportionnalité entre la restriction du droit d’accès au juge et le but légitime visé dès lors que les tiers à la mesure de protection disposent des voies de droit commun pour faire valoir leurs intérêts personnels.

Cependant, la cour d’appel de Lyon déclare recevable l’appel formé par l’ex-concubine contre l’ordonnance du juge des tutelles, après avoir constaté que celle-ci n’avait pas qualité à agir, en retenant que, si les restrictions légales à l’exercice des voies de recours contre les décisions du juge des tutelles poursuivent des objectifs légitimes de continuité et de stabilité de la situation du majeur protégé, dans le cas d’espèce, la privation du droit d’appel est sans rapport raisonnable avec le but visé dès lors que l’appelante est privée de tout recours contre une décision qui porte atteinte de manière grave à ses intérêts.

L’arrêt est cassé par la première chambre civile de la Cour de cassation qui relève que la cour d’appel a elle-même constaté  que le concubinage avait pris fin avant la mise sous tutelle du défunt et qu’après la séparation du couple, l’appelante n’a pas entretenu avec le majeur protégé des liens étroits et stables au sens de l’article 430 du Code civil, ce dont il résulte que l’absence de droit d’appel de celle-ci ne porte pas atteinte à son droit d’accès au juge.

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