APPLICATION DE LA CHARIA DANS UNE SUCCESSION : LA CEDH SE PRONONCE SUR LA REPARATION

Libéralité liée au non-paiement des fermages

APPLICATION DE LA CHARIA DANS UNE SUCCESSION : LA CEDH SE PRONONCE SUR LA REPARATION

CEDH, 18 juin 2020, n° 0452/14, Molla Sali c/ Grèce

Après l’arrêt du 19 décembre 2018, concernant l’application de la charia à un héritage en dépit de la volonté du testateur musulman, la Grande Chambre de la CEDH se prononce aujourd’hui sur la satisfaction équitable.

La Cour rappelle que dans son arrêt au principal elle a conclu à une violation de l’article 14 de la Convention combiné avec l’article 1 du Protocole n° 1 pour le motif suivant : alors que le mari de la requérante, dans le cadre d’un testament établi selon le droit civil grec devant un notaire grec avait décidé de lui léguer l’ensemble de ses biens, la Cour de cassation grecque a estimé qu’il y avait lieu d’appliquer à cette succession le droit successoral musulman et la requérante a été privée du bénéfice du testament que son époux avait établi, en l’occurrence, de trois quarts des biens légués. La Cour note aussi que dans ses prétentions au titre de l’article 41 de la Convention, la requérante réclame une réparation pour le dommage subi tant en ce qui concerne les biens de son époux situés en Grèce que ceux situés en Turquie.

Concernant les biens situés en Grèce, la Cour note que l’effet de la violation de la Convention constatée par elle dans l’arrêt au principal ne s’est pas encore concrétisé. Elle rappelle qu’il ne lui revient pas, en principe, de prescrire à un État les moyens précis à employer pour mettre un terme à une violation de la Convention et en effacer les conséquences. Pour autant, il paraît clair que le rétablissement de « la situation la plus proche possible de celle qui existerait si la violation constatée n’avait pas eu lieu » consisterait en la prise des mesures de nature à garantir que la requérante reste propriétaire des biens légués en Grèce par son mari ou, dans l’hypothèse d’une modification du registre du cadastre, qu’elle soit rétablie dans ses droits de propriété.

À défaut pour l’État défendeur de prendre, dans un délai d’un an à compter du prononcé du présent arrêt, les mesures susmentionnées, la Cour décide que l’État défendeur devra verser à la requérante une indemnisation qui prend en compte la valeur des biens légués à celle-ci au prorata du pourcentage qui lui a été retiré en application des règles de la charia.

Toutefois, la requérante ne saurait tirer de l’arrêt de la Cour un droit à une double réparation ou à un enrichissement sans cause. Par conséquent, dans l’hypothèse où la procédure actuellement pendante en Grèce recevrait, postérieurement à ce versement, une issue conforme à l’arrêt au principal, la requérante devrait rembourser à l’État défendeur la somme ainsi versée.

Pour les biens situés en Turquie, la Cour rappelle que la requête qui a donné lieu à l’arrêt au principal était dirigée uniquement contre la Grèce. Elle considère que, dans les circonstances de l’espèce, elle n’a pas compétence pour se prononcer, dans le cadre de la présente affaire, sur les prétentions de la requérante relatives aux biens de son mari situés en Turquie.

La Cour reconnaît que la requérante a subi un dommage certain en raison de la discrimination subie. Statuant en équité, comme le veut l’article 41 de la Convention, elle décide de lui allouer 10 000 euros.

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