Amiante : responsabilité des fonctionnaires et des techniciens (Cass. Crim., 14 avril 2015, n° 14-85335 et n° 14-85334)

Amiante : responsabilité des fonctionnaires et des techniciens (Cass. Crim., 14 avril 2015, n° 14-85335 et n° 14-85334)

Sur les plaintes avec constitution de partie civile de salariés d’une usine, de l’Association locale de défense des victimes de l’amiante (ALDEVA), et de la Fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés (FNATH), des informations sont ouvertes et jointes des chefs notamment d’homicides et blessures involontaires, les parties civiles dénonçant les dommages subis par les salariés du fait de leur exposition à l’amiante.

Le juge d’instruction met en examen plusieurs personnes de ces chefs. Il leur est reproché, en leurs qualités respectives et au cours de leur participation au Comité permanent amiante (CPA), d’avoir contribué à créer le dommage ou de n’avoir pas pris les mesures permettant de l’éviter, l’exposition à l’amiante ayant eu pour conséquence les atteintes à la santé et à la vie de salariés des usines Valéo et de leurs épouses.

Justifie sa décision la chambre de l’instruction qui, pour faire droit à la demande des intéressés d’annuler leurs mises en examen, énonce, sur la surveillance de la réglementation relevant de la direction des relations du travail, que le directeur des relations du travail,  de 1984 à 1987, a fait valoir les mesures prises pour la protection des travailleurs et pour le contrôle de l’application du décret de 1977, que le directeur de 1987 à 1995, a indiqué être l’initiateur de dix lois, de cinquante trois décrets sur la protection des salariés et de huit décrets complétant les tableaux des maladies professionnelles, qu’il  a fait transposer la directive 91/382/CEE et a immédiatement réagi après l’étude Peto,  que le chargé, au sein de cette direction, entre 1977 et 1994, de la réglementation, a expliqué avoir fait une recherche pour contrôler l’empoussièrement des usines, effectué des visites aux laboratoires agréés, opéré deux campagnes auprès des inspecteurs du travail.

Par ailleurs,  la chambre de l’instruction relève que tous les requérants, auxquels il n’est pas reproché d’avoir causé directement les dommages subis à l’usine, sont mis en cause au titre d’une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d’une particulière gravité qu’ils ne pouvaient ignorer, au sens de l’article 121-3 du Code pénal, que, retenant que la mise en examen suppose qu’il n’y ait pas d’obstacle dirimant à une telle constatation, elle ajoute que la poursuite d’une politique d’utilisation contrôlée de l’amiante, sans distorsions marquées et durables par rapport aux préconisations européennes, ne peut être l’occasion de reprocher aux requérants d’avoir eu pour seul objectif, en la poursuivant, de différer sciemment la mise en place d’une interdiction de l’amiante en parfaite connaissance de la particulière gravité du risque auquel ils exposaient indirectement autrui des chefs d’homicides et blessures involontaires.

Ainsi, procédant de son appréciation souveraine des faits, d’où elle déduit qu’il n’existait pas, en l’état de l’information, d’indices graves ou concordants contre les personnes mises en examen, rendant vraisemblable qu’elles aient pu participer, comme auteurs ou complices, à la commission des homicides et blessures involontaires reprochés, d’une part, en l’absence de négligences leur étant imputables dans la surveillance de la réglementation, d’autre part, faute pour elles, d’avoir pu, dans le contexte des données scientifiques de l’époque, mesurer le risque d’une particulière gravité auquel elles auraient exposé les victimes.