AMIANTE : LE FIVA EST COMPETENT POUR INDEMNISER UN PREJUDICE N’AYANT PAS ETE REPARE DANS LE CADRE D’UNE AUTRE PROCEDURE

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AMIANTE : LE FIVA EST COMPETENT POUR INDEMNISER UN PREJUDICE N’AYANT PAS ETE REPARE DANS LE CADRE D’UNE AUTRE PROCEDURE

Cass, Civ 2, 24 septembre 2020, n°19-19.535

Faits et procédure

2. Selon l’arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 17 mai 2019) et les productions, K… Q… est décédé le […] d’un mésothéliome pleural occasionné par l’amiante.

Sa veuve, Mme G… Q…, ses deux fils, MM. H… et T… Q…, ainsi que sa petite-fille, Mme S… Q…, ont déclaré le décès, ainsi que les circonstances de ce décès, au ministère de la défense, unique employeur de K… Q…, et saisi concomitamment le Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (FIVA).

3. Par décision du 29 mai 2017, le ministère de la défense a reconnu que le décès de K… Q… était consécutif à son exposition aux poussières d’amiante durant sa carrière d’ouvrier d’Etat et dû à la faute inexcusable de l’employeur.

4. Par lettres des 30 mai et 22 septembre 2017, le ministère de la défense a notifié aux ayants droit de K… Q… leur droit à bénéficier d’une indemnité au titre de leur préjudice moral personnel, ainsi que le montant de l’indemnité globale fixée pour l’indemnisation des préjudices extrapatrimoniaux du défunt.

5. Par lettre recommandée du 28 juin 2017, le FIVA a adressé aux ayants droit de K… Q… une offre d’indemnisation des préjudices extrapatrimoniaux subis par le défunt et des frais funéraires, excluant en revanche l’indemnisation de leurs préjudices personnels.

6. Insatisfaits de cette offre, Mme G… Q…, ainsi que MM. H… et T… Q… (les consorts Q…), agissant tant en leur nom personnel qu’en qualité d’ayants droit de K… Q…, ont saisi la cour d’appel d’Aix-en-Provence aux fins de la contester.

Examen des moyens

Sur le premier moyen et le troisième moyens, ci-après annexés

7. En application de l’article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le deuxième moyen, pris en ses première, deuxième et troisième branches

Enoncé du moyen

8. Les consorts Q… font grief à l’arrêt de juger que les préjudices extrapatrimoniaux de K… Q… en lien avec le mésothéliome ont déjà fait l’objet d’un accord amiable d’indemnisation désormais définitif dans le cadre de la procédure de reconnaissance de faute inexcusable de l’employeur et de rejeter leur demande d’indemnisation au titre de ces préjudices, ainsi que leur demande au titre du préjudice esthétique et la demande de Mme Q… au titre de son préjudice moral, alors :

« 1°/ que seules les décisions juridictionnelles devenues irrévocables allouant une indemnisation intégrale pour les conséquences dommageables de l’exposition à l’amiante emportent les mêmes effets que le désistement de la demande d’indemnisation présentée au Fonds ; qu’en se fondant sur le versement par l’employeur de K… Q…, à savoir le Ministère de la Défense, de diverses indemnités au titre de sa faute inexcusable pour refuser d’examiner les demandes de réparation présentées au FIVA par ses ayants droit, la cour d’appel a violé l’article 53, IV, de la loi du 23 décembre 2000 ;

2°/ à tout le moins, que la victime d’une maladie due à une exposition à l’amiante peut obtenir la réparation intégrale de ses préjudices, de sorte que s’il doit être tenu compte des indemnités de toute nature reçues d’autres débiteurs du chef du même préjudice, ces dernières ne sont pas de nature à priver la victime de son action ; qu’en se fondant sur le versement par l’employeur de K… Q…, à savoir le Ministère de la Défense, de diverses indemnités au titre de sa faute inexcusable pour refuser d’examiner les demandes de réparation présentées au FIVA par ses ayants-droits, la cour d’appel a violé les articles 53, I, et 53, IV, de la loi du 23 décembre 2000 ;

3° / en toute hypothèse, qu’en retenant que le Ministère de la Défense a versé diverses sommes à la succession en réparation des préjudices extrapatrimoniaux de K… Q… au terme d’un « accord amiable devenu définitif », sans constater la réalité d’un tel accord, contestée par les consorts Q…, que l’absence de contestation ne pouvait suffire à établir, la cour d’appel a violé l’article 1103 du code civil. »

Réponse de la Cour

9. Selon l’article 53, IV, alinéa 3, de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000, l’acceptation de l’offre ou la décision juridictionnelle définitive rendue dans l’action en justice prévue au V vaut désistement des actions juridictionnelles en indemnisation en cours et rend irrecevable tout autre action juridictionnelle future en réparation du même préjudice. Il en va de même des décisions juridictionnelles devenues définitives allouant une indemnisation intégrale pour les conséquences de l’exposition à l’amiante.

10. Au sens de ce texte, l’accord amiable d’indemnisation conclu par une victime de l’amiante ou ses ayants droit à l’occasion de la procédure en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur rend irrecevable tout autre action juridictionnelle future en réparation du même préjudice.

11. Pour rejeter la demande d’indemnisation des consorts Q…, l’arrêt retient d’abord que l’irrecevabilité a pour but d’éviter toute double indemnisation d’un même préjudice en contradiction avec le principe de réparation intégrale, mais seulement intégrale, de sorte que le FIVA ne peut être condamné à verser une indemnité au titre d’une réparation d’ores et déjà réalisée.

12. Il relève ensuite que les ayants droit de K… Q… ont refusé l’offre du FIVA du 28 juin 2017, tout en saisissant la cour d’appel le 5 septembre 2017, mais que par décision du 22 septembre 2017, le ministère de la défense s’est prononcé sur la réparation des préjudices extrapatrimoniaux de K… Q… en procédant, au terme d’un accord amiable devenu définitif conclu avec les ayants droit du défunt dans le cadre de la procédure en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur, au versement à la succession d’une indemnité totale de 32 801,62 € au titre de ces préjudices du défunt en lien avec le mésothéliome.

13. En l’état de ces énonciations, et de ces constatations dont elle a déduit l’existence d’un accord amiable définitif d’indemnisation, la cour d’appel a exactement décidé, sans encourir les griefs du moyen, que les consorts Q… ne pouvaient solliciter auprès du FIVA l’indemnisation de ces préjudices.

14. Le moyen n’est, par conséquent, pas fondé.

Mais sur le deuxième moyen, pris en sa quatrième branche

Enoncé du moyen

15. Les consorts Q… font le même grief à l’arrêt, alors « en tout état de cause, qu’après avoir constaté que le préjudice esthétique de K… Q… n’avait pas été réparé par le Ministère de la Défense, la cour d’appel ne pouvait, sans violer l’article 53 de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000, ensemble le principe de réparation intégrale, retenir que les consorts Q… ne pouvait en poursuivre l’indemnisation auprès du FIVA. »

Réponse de la Cour

Vu l’article 53-IV, alinéa 3, de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000 :

16. Il résulte des dispositions de ce texte que les décisions juridictionnelles devenues irrévocables allouant une indemnisation intégrale pour les conséquences de l’exposition à l’amiante emportent les mêmes effets que le désistement de la demande d’indemnisation présentée au FIVA ou de l’action en justice prévue au V du même article et rendent irrecevable toute autre demande présentée à ce Fonds en réparation du même préjudice.

17. Pour rejeter la demande des consorts Q… au titre du préjudice esthétique de K… Q…, l’arrêt retient qu’il leur appartenait d’épuiser les possibilités indemnitaires offertes du chef de la voie d’indemnisation sélectionnée par eux, en l’espèce le ministère de la défense, ce qui leur interdit désormais de solliciter du FIVA une indemnisation complémentaire du chef de préjudices dont ils n’ont pas poursuivi la reconnaissance.

18. L’arrêt ajoute que l’absence de demande en fixation ou en contestation d’un préjudice esthétique devant le juge naturel saisi ou devant l’organisme intervenant au stade de la conciliation initiale empêche désormais les consorts Q… de solliciter du FIVA, postérieurement au règlement des indemnités qu’ils ont perçues du ministère de la défense, l’indemnisation de ce préjudice qu’ils n’avaient pas précédemment sollicitée auprès de ce ministère.

19. En statuant ainsi, alors qu’elle constatait que l’indemnisation précédemment obtenue par les ayants droit de K… Q… n’incluait pas celle du préjudice esthétique de celui-ci, qui n’avait pas été sollicitée avant la saisine du FIVA, la cour d’appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

Donne acte à Mme G… I… veuve Q…, M. H… Q… et M. T… Q… de ce qu’ils se désistent de leur pourvoi en ce qu’il est dirigé contre le ministre chargé des affaires sociales et de la santé ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il rejette la demande de Mme G… Q… et de MM. H… et T… Q…, en leur qualité d’ayants droit de K… Q…, au titre du préjudice esthétique de K… Q…, l’arrêt rendu le 17 mai 2019, entre les parties, par la cour d’appel d’Aix-en-Provence ;

Remet, sur ce point, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence autrement composée ;

Condamne le FIVA aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne à payer la somme globale de 3 000 euros à Mme G… Q… et MM. H… et T… Q…, en leur qualité d’ayants droit de K… Q….

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre septembre deux mille vingt, et signé par lui et Mme Gelbard-Le Dauphin, conseiller doyen, en remplacement du conseiller rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Zribi et Texier, avocat aux Conseils, pour Mme G… Q… et MM. H… et T… Q….

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Les consorts Q… font grief à l’arrêt attaqué D’AVOIR constaté que le diagnostic de l’affection de mésothéliome dont était atteint K… Q… en raison de son exposition à l’amiante a été posé le 28 juin 2016 et D’AVOIR rejeté leurs demandes d’indemnisation au titre de ses préjudices extrapatrimoniaux et du préjudice esthétique ;

AUX MOTIFS QUE « selon les dispositions de l’article 53 de la loi du 23 décembre 2000, une décision juridictionnelle devenue définitive et allouant une indemnisation intégrale d’un préjudice au titre des conséquences d’une exposition à l’amiante, rend irrecevable toute autre action juridictionnelle en réparation du même préjudice afin d’éviter toute double indemnisation d’un même préjudice en contradiction avec le principe de réparation intégrale, mais seulement intégrale, de sorte que le Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante ne peut être condamné à verser une indemnité au titre d’une réparation d’ores et déjà réalisée ; qu’il s’établit en l’espèce que les ayants droit de K… Q… ont refusé l’offre du Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante du 28 juin 2017, tout en saisissant la Cour le 5 septembre 2017, mais que par décision du 22 septembre 2017, le Ministère de la défense a statué sur la réparation des préjudices extrapatrimoniaux de K… Q… en procédant en l’absence de toute contestation des ayants droit, au versement à la comptabilité du Notaire en charge du règlement de sa succession, des sommes de 19 926,83 € au titre du préjudice moral, de 6 434,31 € au titre de son préjudice physique et de 6 440,48 € au titre de son préjudice d’agrément soit la somme totale de 32 801,62 € ; que ce versement a été réalisé par l’organisme social au terme d’un accord amiable devenu définitif entre les ayants droit du défunt et celui-ci dans le cadre de la procédure en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur ; qu’il appartenait dès lors aux ayants droit de K… Q… d’épuiser les possibilités indemnitaires offertes du chef de la voie d’indemnisation sélectionnée par eux, en l’espèce le Ministère de la défense, ce qui leur interdit désormais de solliciter du Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante une indemnisation complémentaire du chef des préjudices dont ils sont d’ores et déjà indemnisés ou dont ils n’ont pas poursuivi la reconnaissance ; que c’est ainsi que sur la demande afférente à l’indemnisation d’un préjudice esthétique qui n’a pas été sollicitée auprès du Ministère de la défense ou à tout le moins dont le refus d’indemnisation par cet organisme n’a pas été contesté dans les voies de droit de la procédure afférente à la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur, cette absence de demande en fixation ou en contestation d’un préjudice esthétique devant le juge naturel saisi ou devant l’organisme intervenant au stade de la conciliation initiale, empêche désormais les consorts Q… de solliciter du Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante postérieurement au règlement des indemnités qu’ils ont perçues du Ministère de la défense, l’indemnisation du préjudice esthétique qu’ils n’avaient pas précédemment sollicitée auprès dudit Ministère ; qu’en ce sens les ayants droits de feu K… Q… ne peuvent plus solliciter auprès du Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante l’indemnisation des préjudices extrapatrimoniaux (hors préjudice fonctionnel) subis par leur auteur en lien avec son mésothéliome ; que le Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante est dès lors fondé à demander à ce qu’il soit constaté que son offre d’indemnisation est désormais caduque et qu’il procède à son retrait; qu’en l’état du retrait de cette offre d’indemnisation auquel procède le Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante, la demande de provision présentée par les consorts Q… du chef d’une offre d’indemnisation désormais caduque, sera rejetée ; qu’il s’en déduit qu’en l’état toutefois de l’indemnisation qui a été servie aux demandeurs par le Ministère de la défense du chef des préjudices extrapatrimoniaux du défunt par le versement des sommes de 19 926,83 € du chef de son préjudice moral, de 6 434,31 € au titre de son préjudice physique et de 6 440,48 € au titre de son préjudice d’agrément, la mission de l’expert ne portera pas sur ces trois chefs de préjudices ; que les demandeurs seront en outre déclarés irrecevables en leurs demandes en versement par le Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante des sommes complémentaires de 12 000 € au titre des souffrances physiques, 32 000 € au titre de ses souffrances morales, 6 500 € au titre du préjudice esthétique et 6 440,48 € au titre du préjudice d’agrément du défunt dont ils ont déjà été indemnisés par le Ministère de la défense » ;

Et QU’« il est établi au regard des pièces médicales du dossier que K… Q… a présenté quelques années avant le diagnostic de mésothéliome pleural posé le 28 juin 2016, une pleurésie chronique ayant nécessité de multiples ponctions, dont les demandeurs entendent voir la cour dire, après avoir missionné en ce sens l’expert, qu’elle a dégénéré en mésothéliome pleural et qu’elle présente un lien de causalité avec son exposition avérée à l’amiante ; qu’il convient en conséquence de faire droit à la demande du FIVA en confirmant que la date de constatation du mésothéliome est le 28 juin 2016 dès lors que c’est à cette date et à la suite de la biopsie réalisée que ce diagnostic a été posé » ;

1°) ALORS QU’en déboutant les consorts Q… de leurs demandes au titre des préjudices extrapatrimoniaux de K… Q… et au titre du préjudice esthétique et du préjudice de tierce assistance, tout en constatant qu’il existe une incertitude sur le point de savoir si la pleurésie dont était atteint K… Q… était en lien de causalité avec son exposition à l’amiante, ce pourquoi elle a ordonné une expertise et dit que consécutivement au dépôt du rapport d’expertise, le FIVA évaluera éventuellement les préjudices ainsi subis, la cour d’appel s’est contredite, violant l’article 455 du code de procédure civile ;

2°) ALORS, à tout le moins, QUE le juge ne peut statuer sur les demandes subsidiaires d’une partie que s’il ne fait pas droit à sa demande principale ; qu’après avoir ordonné une expertise, et fait droit à la demande principale des consorts Q…, la cour d’appel ne pouvait, sans violer les articles 4 et 5 du code de procédure civile, statuer sur leurs demandes subsidiaires tendant à la condamnation du FIVA à leur verser diverses sommes ;

3°) ALORS, en toute hypothèse, QUE faute de s’être expliquée, comme elle y était invitée (concl., p. 14, in fine, et s.), sur le point de savoir si le diagnostic de pleurésie n’avait pas été erronément posé et, dans l’affirmative, si les symptômes présentés par K… Q… ne révélait pas déjà l’existence du mésothéliome avant le 28 juin 2016, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision au regard de l’article 53 de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION (Subsidiaire)

Les consorts Q… font grief à l’arrêt attaqué D’AVOIR jugé que les préjudices extrapatrimoniaux de K… Q… en lien avec le mésothéliome avaient déjà fait l’objet d’un accord amiable d’indemnisation désormais définitif dans le cadre de la procédure de reconnaissance de faute inexcusable de l’employeur et D’AVOIR rejeté leur demande d’indemnisation au titre des préjudices extrapatrimoniaux de K… Q…, ainsi que leur demande au titre du préjudice esthétique et rejeté la demande de Mme G… I… Q… au titre de son préjudice moral ;

AUX MOTIFS QUE « selon les dispositions de l’article 53 de la loi du 23 décembre 2000, une décision juridictionnelle devenue définitive et allouant une indemnisation intégrale d’un préjudice au titre des conséquences d’une exposition à l’amiante, rend irrecevable toute autre action juridictionnelle en réparation du même préjudice afin d’éviter toute double indemnisation d’un même préjudice en contradiction avec le principe de réparation intégrale, mais seulement intégrale, de sorte que le Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante ne peut être condamné à verser une indemnité au titre d’une réparation d’ores et déjà réalisée ; qu’il s’établit en l’espèce que les ayants droit de K… Q… ont refusé l’offre du Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante du 28 juin 2017, tout en saisissant la Cour le 5 septembre 2017, mais que par décision du 22 septembre 2017, le Ministère de la défense a statué sur la réparation des préjudices extrapatrimoniaux de K… Q… en procédant en l’absence de toute contestation des ayants droit, au versement à la comptabilité du Notaire en charge du règlement de sa succession, des sommes de 19 926,83 € au titre du préjudice moral, de 6 434,31 € au titre de son préjudice physique et de 6 440,48 € au titre de son préjudice d’agrément soit la somme totale de 32 801,62 € ; que ce versement a été réalisé par l’organisme social au terme d’un accord amiable devenu définitif entre les ayants droit du défunt et celui-ci dans le cadre de la procédure en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur ; qu’il appartenait dès lors aux ayants droit de K… Q… d’épuiser les possibilités indemnitaires offertes du chef de la voie d’indemnisation sélectionnée par eux, en l’espèce le Ministère de la défense, ce qui leur interdit désormais de solliciter du Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante une indemnisation complémentaire du chef des préjudices dont ils sont d’ores et déjà indemnisés ou dont ils n’ont pas poursuivi la reconnaissance ; que c’est ainsi que sur la demande afférente à l’indemnisation d’un préjudice esthétique qui n’a pas été sollicitée auprès du Ministère de la défense ou à tout le moins dont le refus d’indemnisation par cet organisme n’a pas été contesté dans les voies de droit de la procédure afférente à la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur, cette absence de demande en fixation ou en contestation d’un préjudice esthétique devant le juge naturel saisi ou devant l’organisme intervenant au stade de la conciliation initiale, empêche désormais les consorts Q… de solliciter du Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante postérieurement au règlement des indemnités qu’ils ont perçues du Ministère de la défense, l’indemnisation du préjudice esthétique qu’ils n’avaient pas précédemment sollicitée auprès dudit Ministère ; qu’en ce sens les ayants droits de feu K… Q… ne peuvent plus solliciter auprès du Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante l’indemnisation des préjudices extrapatrimoniaux (hors préjudice fonctionnel) subis par leur auteur en lien avec son mésothéliome ; que le Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante est dès lors fondé à demander à ce qu’il soit constaté que son offre d’indemnisation est désormais caduque et qu’il procède à son retrait; qu’en l’état du retrait de cette offre d’indemnisation auquel procède le Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante, la demande de provision présentée par les consorts Q… du chef d’une offre d’indemnisation désormais caduque, sera rejetée ; qu’il s’en déduit qu’en l’état toutefois de l’indemnisation qui a été servie aux demandeurs par le Ministère de la défense du chef des préjudices extrapatrimoniaux du défunt par le versement des sommes de 19 926,83 € du chef de son préjudice moral, de 6 434,31 € au titre de son préjudice physique et de 6 440,48 € au titre de son préjudice d’agrément, la mission de l’expert ne portera pas sur ces trois chefs de préjudices ; que les demandeurs seront en outre déclarés irrecevables en leurs demandes en versement par le Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante des sommes complémentaires de 12 000 € au titre des souffrances physiques, 32 000 € au titre de ses souffrances morales, 6 500 € au titre du préjudice esthétique et 6 440,48 € au titre du préjudice d’agrément du défunt dont ils ont déjà été indemnisés par le Ministère de la défense » ;

Et QUE « la requérante a d’ores et déjà été indemnisée de son préjudice moral à hauteur de 32 600€ selon décisions du Ministère de la Défense des 30 mai et 22 septembre 2017 » ;

1°) ALORS QUE seules les décisions juridictionnelles devenues irrévocables allouant une indemnisation intégrale pour les conséquences dommageables de l’exposition à l’amiante emportent les mêmes effets que le désistement de la demande d’indemnisation présentée au Fonds ; qu’en se fondant sur le versement par l’employeur de K… Q…, à savoir le Ministère de la Défense, de diverses indemnités au titre de sa faute inexcusable pour refuser d’examiner les demandes de réparation présentées au FIVA par ses ayants-droits, la cour d’appel a violé l’article 53, IV, de la loi du 23 décembre 2000 ;

2°) ALORS, à tout le moins, QUE la victime d’une maladie due à une exposition à l’amiante peut obtenir la réparation intégrale de ses préjudices, de sorte que s’il doit être tenu compte des indemnités de toute nature reçues d’autres débiteurs du chef du même préjudice, ces dernières ne sont pas de nature à priver la victime de son action ; qu’en se fondant sur le versement par l’employeur de K… Q…, à savoir le Ministère de la Défense, de diverses indemnités au titre de sa faute inexcusable pour refuser d’examiner les demandes de réparation présentées au FIVA par ses ayants-droits, la cour d’appel a violé les articles 53, I, et 53, IV, de la loi du 23 décembre 2000 ;

3°) ALORS, en toute hypothèse, QU’en retenant que le Ministère de la Défense a versé diverses sommes à la succession en réparation des préjudices extrapatrimoniaux de K… Q… au terme d’un « accord amiable devenu définitif », sans constater la réalité d’un tel accord, contestée par les consorts Q…, que l’absence de contestation ne pouvait suffire à établir, la cour d’appel a violé l’article 1103 du code civil ;

4°) ALORS, en tout état de cause, QU’après avoir constaté que le préjudice esthétique de K… Q… n’avait pas été réparé par le Ministère de la Défense, la cour d’appel ne pouvait, sans violer l’article 53 de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000, ensemble le principe de réparation intégrale, retenir que les consorts Q… ne pouvait en poursuivre l’indemnisation auprès du FIVA.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Les consorts Q… font grief à l’arrêt attaqué D’AVOIR rejeté leur demande d’indemnisation au titre du préjudice d’assistance d’une tierce personne ;

AUX MOTIFS QUE « le Fonds soutient à bon droit que K… Q… était affecté de diverses pathologies intercurrentes dont la preuve est établie aux débats nonobstant les prétentions contraires des demandeurs, en l’espèce une maladie de Parkinson, un adénome de la prostate, une dégénérescence maculaire de la vision dite DMLA, une hypertension artérielle et des troubles du rythme cardiaque en lien avec une arythmie complète et une fibrillation atriale, lesquelles sont sans lien avec l’amiante et ne peuvent fonder la demande d’assistance par tierce personne présentée ; qu’en outre il s’établit qu’à la date du 6 juillet 2016, K… Q… était au stade 1 de l’indice de Performance Status de l’OMS lequel correspond à une « activité physique diminuée mais ambulatoire et capable de mener un travail », ce qui le plaçait dès lors en situation de prendre soin personnellement de lui-même et d’accomplir pour son compte l’ensemble des gestes de la vie quotidienne ; qu’il sera rappelé pour mémoire que K… Q… est venu à décéder à l’âge de 88 ans, ce qui induit nécessairement que la progression en âge rend certaines tâches du quotidien plus difficiles à réaliser, ce qui pouvait justifier à soi seul et indépendamment de l’exposition à l’amiante, que K… Q… aurait pu solliciter auprès des organismes sociaux la mise en place d’une telle mesure ; qu’en l’état les demandeurs ne rapportent pas à suffisance la preuve que la perte d’autonomie de leur auteur serait en lien direct et certain avec la pathologie asbestosique dont il souffrait » ;

1°) ALORS QU’en se bornant à affirmer que les pathologies intercurrentes dont souffrait K… Q… sont sans lien avec l’amiante, ce que les consorts Q… contestaient, la cour d’appel n’a pas donné de réelle motivation à sa décision, méconnaissant ainsi les exigences de l’article 455 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE le préjudice résultant du besoin d’assistance par une tierce personne est constitué de la perte d’autonomie dont la victime d’un dommage se trouve atteinte et qui la met dans l’incapacité d’accomplir seule tout ou partie des actes de la vie courante ; qu’en se bornant à relever que K… Q… était au stade 1 de l’indice de Performance Status de l’OMS, qui correspond à une activité physique diminuée mais ambulatoire et capable de mener un travail, la cour d’appel a statué par un motif impropre à établir qu’il aurait été en situation d’accomplir l’ensemble des gestes de la vie quotidienne et privé sa décision de base légale au regard de l’article 53 de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000, ensemble le principe de réparation intégrale.