AGENT IMMOBILIER : LORSQU’IL COMMET LE DELIT D’ABUS DE CONFIANCE

IMMOBILIER : Diagnostic de performance énergétique

AGENT IMMOBILIER : LORSQU’IL COMMET LE DELIT D’ABUS DE CONFIANCE

Cour d’appel d’Aix-en-Provence, Chambre 3-2, 25 mars 2021, RG n° 20/00286

La société CABINET S. exerçait une activité de transactions immobilières et commerciales, gestion immobilière et courtage en assurance depuis 1986. Elle avait pour gérant M. Philippe S.

Par jugement du 28 juin 2018, le tribunal de commerce d’AIX-EN-PROVENCE a ouvert une procédure de redressement judiciaire au bénéfice de la société CABINET S., désigné M. Vincent DE C. en qualité de mandataire judiciaire et fixé la date de cessation des paiements au 28 juin 2018.

Par jugement du 30 octobre 2018, la même juridiction a converti le redressement judiciaire en liquidation judiciaire et désigné M. DE C. en qualité de liquidateur judiciaire.

La société et le gérant ont été poursuivis.

Ils ont fait appel de la décision rendue en première instance

Le dirigeant de la société nie avoir commis toutes ces fautes insistant à chaque fois sur leur caractère non intentionnel et reconnaissant, dans le meilleur des cas, des négligences. Il en va ainsi s’agissant de l’abus de confiance, caractérisé par le détournement de fonds dont l’appelant s’est rendu coupable en s’abstenant de reverser des loyers aux propriétaires et de rembourser des dépôts de garantie aux locataires. Ainsi que cela résulte des comptes établis par l’intimée, le montant total de ces détournements représente 62,54% du passif. Quelles que soient ses difficultés personnelles et/ou familiales, qui ne sont étayées par aucun des éléments versés aux débats, le dirigeant ne peut sérieusement arguer d’une négligence alors qu’il n’a eu aucune réaction à la suite des plaintes et actions civiles et pénales diligentées par les victimes qui ont toutes donné lieu à condamnation à son encontre. Par ailleurs, les détournements datent de 2017 et s’inscrivent dans la durée. Concernant l’exercice illégal de l’activité de mandataire immobilier, un raisonnement similaire doit être tenu puisque depuis le mois de mai 2017 la société avait perdu la garantie financière imposée par l’article 3 de la loi du 2 janvier 1970 et sa carte professionnelle. Le dirigeant aurait dû cesser l’activité de la société dès le mois de mai 2017 et l’a poursuivie intentionnellement sans régulariser la situation, ce qui constitue un manquement professionnel grave et non une simple négligence. Relativement à la poursuite d’une activité déficitaire et au retard dans la déclaration de cessation des paiements, les bilans comptables de la société mettent en évidence un déficit depuis 2014 qui n’a cessé de s’aggraver. Le 27 mars 2019, le dirigeant a remis le bilan de l’année 2016 qui laisse apparaître un bénéfice de 10.460 EUR. Toutefois, l’expert-comptable a refusé d’attester de la cohérence et de la vraisemblance de ces comptes, plus particulièrement sur le chiffre d’affaires qui aurait été majoré.

Il en résulte que le bilan comptable de l’année 2016 ne peut être considéré comme suffisamment fiable pour attester d’un bénéfice de sorte que, contrairement à ce que soutient le dirigeant, la poursuite d’une activité déficitaire depuis 2014 est caractérisée, ce qui, par la durée de la faute commise, exclut toute négligence. Eu égard aux fautes de gestion retenue à son encontre aux termes des développements précédents, la cour dispose d’éléments suffisants pour imputer au dirigeant une incurie manifeste et une absence d’utilisation des moyens de prévention, conciliation ou sauvegarde. Il apparaît, en effet, que pendant près de quatre années l’intéressé a vu sa société sombrer lentement sans n’avoir d’autre réaction que de détourner les fonds de ses mandants et de leurs locataires, s’abstenir de régler la prime afférente à la garantie financière obligatoire de l’entreprise et de faire renouveler sa carte d’agent immobilier. Là encore, la situation ayant perduré pendant 4 ans et n’ayant pris fin qu’à la suite de l’intervention du procureur de la République qui a initié la procédure collective, le dirigeant ne peut valablement se prévaloir ni d’une simple négligence ni d’une méconnaissance des mécanismes de protection des sociétés que tout dirigeant normalement diligent se doit de connaître. Il y a lieu de mettre à la charge du dirigeant la somme de 282.014 EUR représentant la part de l’insuffisance d’actif liée aux détournements de fonds et à la perte de la garantie financière de la société. En tenant compte de la crise financière qui a effectivement pu défavorablement impacter la société en 2017, la cour dispose d’éléments suffisants pour considérer que la poursuite d’une activité déficitaire depuis l’année 2014 et l’incurie du dirigeant, notamment dans la mise en œuvre des mesures de prévention des difficultés des entreprises, représentent 100.000 EUR de l’insuffisance d’actif de la liquidation judiciaire. En conséquence, le jugement rendu le 17 décembre 2019 par le tribunal de commerce sera infirmé et le dirigeant sera condamné à payer la somme de 382.014 EUR au titre de l’insuffisance d’actif.