AFFAIRE VINCENT LAMBERT : Pas de voie de fait, donc la décision administrative s’applique (Cass. ass. plén., 28 juin 2019, n° 19-17330)

AFFAIRE VINCENT LAMBERT : Pas de voie de fait, donc la décision administrative s’applique (Cass. ass. plén., 28 juin 2019, n° 19-17330)

Il n’y a voie de fait de la part de l’administration, justifiant, par exception au principe de séparation des autorités administratives et judiciaires, la compétence des juridictions de l’ordre judiciaire pour en ordonner la cessation ou la réparation, que dans la mesure où l’administration soit a procédé à l’exécution forcée, dans des conditions irrégulières, d’une décision, même régulière, portant atteinte à la liberté individuelle ou aboutissant à l’extinction d’un droit de propriété, soit a pris une décision qui a les mêmes effets d’atteinte à la liberté individuelle ou d’extinction d’un droit de propriété et qui est manifestement insusceptible d’être rattachée à un pouvoir appartenant à l’autorité administrative.

Un médecin responsable du service de soins palliatifs dans un centre hospitalier universitaire et, à ce titre, en charge de l’unité « cérébro-lésés » au sein de laquelle la victime d’un grave accident de la circulation est hospitalisé, informe les membres de la famille de sa décision d’engager la procédure collégiale prévue par l’article L. 1110-5-1 du Code de la santé publique, à l’issue de laquelle le médecin en charge du patient peut limiter ou arrêter des traitements, y compris la nutrition et l’hydratation artificielles, qui apparaissent inutiles, disproportionnés ou n’ont d’autre effet que le seul maintien artificiel de la vie et dont la poursuite traduirait une obstination déraisonnable.

Le médecin ayant décidé l’arrêt des soins, une partie de la famille de la victime saisit d’une demande de mesures provisoires la CEDH qui rejette la requête après avoir rappelé qu’elle avait jugé qu’il n’y aurait pas violation de l’article 2 de la Conv. EDH en cas de mise en œuvre d’une décision d’arrêt des traitements. Les requérants saisissent aussi le Comité des droits des personnes handicapées (CDPH) qui demande à l’État de prendre les mesures nécessaires pour veiller à ce que l’alimentation et l’hydratation ne soient pas suspendues pendant l’examen de la requête mais le gouvernement informe CDPH que la remise en cause de la décision d’arrêt des traitements, par une nouvelle suspension qui priverait d’effectivité le droit du patient à ne pas subir d’obstination déraisonnable, n’est pas envisageable.

Pour accueillir les demandes de maintien des soins, la cour d’appel de Paris retient qu’en se dispensant d’exécuter les mesures provisoires demandées par le CDPH, l’État a pris une décision insusceptible de se rattacher à ses prérogatives puisqu’elle porte atteinte à l’exercice d’un droit dont la privation a des conséquences irréversibles en ce qu’elle a trait au droit à la vie, consacré par l’article 2 de la Conv. EDH, qui constitue un attribut inaliénable de la personne humaine et forme la valeur suprême dans l’échelle des droits de l’homme, et donc dans celle des libertés individuelles.

Ainsi, ainsi, la cour d’appel viole la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III, ensemble l’article 66 de la Constitution.

En effet, d’une part, le droit à la vie n’entrant pas dans le champ de la liberté individuelle au sens de l’article 66 de la Constitution, la décision, prise par l’État, de ne pas déférer à la demande de mesures provisoires formulée par le CDPH ne porte pas atteinte à la liberté individuelle, d’autre part, qu’en l’état notamment des décisions rendues en dernier lieu par le juge des référés du Conseil d’État le 24 avril 2019 et par la CEDH le 30 avril 2019, cette décision n’est pas manifestement insusceptible d’être rattachée à un pouvoir lui appartenant, de sorte que les conditions de la voie de fait ne sont pas réunies.

Texte intégral de l’arrêt en cliquant ici : https://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/assemblee_pleniere_22/647_28_42871.html

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