Les dix-sept requérants, demandeurs d’asile, sont quatre familles de ressortissants albanais, bosniens et kosovars, accompagnées d’enfants mineurs. Ils se plaignent d’avoir été hébergés par les autorités françaises pendant plusieurs mois dans un campement de tentes, à même le béton, sur un parking et de ne pas avoir bénéficié d’une prise en charge matérielle et financière prévue par le droit national.
Au mois de mars 2013, un campement regroupant environ quarante-cinq demandeurs d’asile se constitua aux abords de la plateforme d’accueil des demandeurs d’asile à Metz. Ce camp fut démantelé par décision du préfet de la Moselle. En raison de la saturation des dispositifs d’hébergement en Moselle, le préfet ouvrit un campement, le 19 juin 2013, sur un ancien parking. Les requérants indiquent qu’ils s’y logèrent dans des tentes, à même le béton. Ce campement fut démantelé et fermé le 15 novembre 2013. Entretemps, entre le 9 et le 16 octobre 2013, tous les requérants furent hébergés dans des appartements gérés par un bailleur social.
La Cour relève que le Conseil d´État, devant lequel les requérants avaient invoqué la méconnaissance de l´article 3, a examiné ce grief en substance compte tenu de la portée des exigences en matière de conditions matérielles d´accueil décentes que sa jurisprudence attache au respect du droit d´asile.
La Cour souligne tout d’abord qu’il n’est pas contesté que les requérants ont vécu, avec leurs enfants dans un campement mis en place par les autorités mais l’appréciation des parties quant aux conditions de vie dans le campement, notamment en matière d’hygiène et de sécurité, et aux équipements fournis aux demandeurs d’asile diffèrent.
La Cour constate ensuite qu’un certain nombre des éléments mis à sa disposition la mettent à même d’apprécier la situation générale du campement pendant la période litigieuse. Il ressort ainsi des pièces du dossier que, pendant cette période, les sanitaires du campement, peu nombreux au regard des 450 personnes environ vivant sur le site, étaient régulièrement hors service. Selon l’attestation établie par un collectif, les installations électriques du campement ne respectaient pas les normes de sécurité, des câbles étant dans l’eau, et quatre conteneurs à poubelles seulement avaient été mis à disposition sur le site. Il ressort également de cette attestation que si les autorités ont procédé aux réparations d’usage, le plus souvent à la suite des signalements effectués par ce collectif, les interventions n’étaient pas toujours rapides. Les conditions de vie dans le campement sont par ailleurs illustrées par des photographies produites par les requérants qui montrent des tentes, toutes différentes, dressées sur le sol goudronné. Elles sont serrées les unes contre les autres et souvent renforcées de bâches et de planches de récupération. Un article de journal qualifie le campement de bidonville et indique qu’environ 500 réfugiés s’y entassaient alors dans des conditions sanitaires critiques, s’abritant sous des bâches, mangeant à même le sol dans une zone devenue, au fil des semaines, insalubre.
D’une part, s’agissant de la situation personnelle des requérants, la Cour relève que ceux-ci se bornent à indiquer, de manière générale et peu circonstanciée, avoir vécu dans une tente installée à même le béton sans fournir d’éléments précis permettant d’apprécier, de manière concrète, leurs propres conditions de vie avec leurs enfants. Les pièces du dossier ne permettent ainsi de déterminer ni si la tente où ils ont vécu avait été mise à leur disposition par les autorités ou par l’une des associations de bénévoles présentes sur le campement ni la dimension de cette tente et les éventuels aménagements et équipements de celle‑ci.
D’autre part, il est constant qu’en l’espèce, les autorités françaises ne sont pas restées indifférentes à la situation des requérants qui ont pu faire face à leurs besoins élémentaires : se loger, se nourrir et se laver. Ils ne contestent pas avoir reçu une aide alimentaire sous forme de tickets service d’un montant de 4 euros par jour et par personne. En deuxième lieu, leurs enfants ont été suivis médicalement, vaccinés et scolarisés. En troisième lieu, le logement des requérants dans une structure pérenne est intervenu trois mois et onze jours après leur arrivée sur le campement soit relativement rapidement, compte tenu du nombre de demandeurs d’asile qui y étaient alors installés, ce qui leur a permis d’être hébergé dans des conditions correctes pendant les périodes automnale et hivernale. Eu égard à l’ensemble de ces éléments, la Cour constate que les conditions de vie des requérants se sont rapidement et sensiblement améliorées. Enfin, la Cour relève que, pendant la période litigieuse, les requérants n’étaient pas dénués de perspective de voir leur situation s’améliorer. En l’espèce, les requérants ont été convoqués à la préfecture le 10 septembre 2013 pour déposer leur dossier de demande d’asile. L’OFPRA a examiné leur demande selon la procédure accélérée et a rendu une décision sur leur demande d’asile le 3 février 2014.
Dans ces conditions, s’il est vrai que le campement était saturé, offrait des conditions sanitaires critiques et était devenu, au fil des semaines, insalubre, la Cour n’est pas en mesure de conclure, eu égard, d’une part, à l’absence d’éléments précis au dossier permettant d’apprécier concrètement les conditions de vie des requérants et compte tenu, d’autre part, des mesures prises par les autorités françaises pour les prendre en charge, lesquelles ont permis d’améliorer, à bref délai, leurs conditions matérielles d’accueil, en particulier en assurant le suivi médical et la scolarisation de leurs enfants, que les requérants se sont trouvés, pendant la période litigieuse, dans une situation de dénuement matériel susceptible d’atteindre la gravité nécessaire pour tomber sous le coup de l’article 3 de la Convention. Partant, il n’y a pas eu violation de l’article 3 de la Convention.
Un maire dispose-t-il de moyens pour obliger le propriétaire d’un terrain non bâti situé à moins de cinquante mètres d’une habitation, laissé en friche et comportant des dépôts de gravats ou autres, à assurer un minimum d’entretien et un minimum de propreté ?
Réponse du ministre :
L’article L. 2213-25 du Code général des collectivités territoriales (CGCT) permet au maire, pour des motifs environnementaux, d’imposer à un propriétaire privé de remettre en état un terrain non bâti situé à l’intérieur d’une zone d’habitation. L’absence du décret d’application prévu par le dernier alinéa de cet article ne fait pas obstacle à son application immédiate (CE, 11 mai 2007, n° 284681). Ainsi, sur le fondement de ces dispositions, la jurisprudence a par exemple admis qu’un maire puisse imposer le nettoyage du jardin d’une propriété envahi par une végétation abondante et vigoureuse sur lequel des engins de chantier inutilisés depuis de nombreuses années et détériorés avaient été abandonnés à la suite de l’arrêt des travaux de rénovation d’un immeuble ancien implanté sur l’une des parcelles (CAA Nancy, 17 janv. 2008, n° 06NC01005). La jurisprudence a également reconnu que l’accumulation de gravats, de divers détritus et de déchets de chantiers était de nature à justifier l’intervention du maire sur le fondement des dispositions de l’article L. 2213-25 du CGCT (CAA Nancy, 11 févr. 2010, n° 09NC00279). Dans une telle situation, il appartient dès lors au maire de mettre en demeure le propriétaire négligent et, à défaut d’exécution par l’intéressé dans le délai imparti par la mise en demeure, d’exécuter d’office les travaux de remise en état du terrain. La commune pourra obtenir le remboursement des frais engagés par l’émission d’un titre exécutoire à l’encontre du propriétaire du terrain.
Quelles solutions peuvent-elles être apportées aux élus qui, malgré la prise d’un arrêté de péril imminent, voient leur responsabilité engagée en cas de sinistre causé par ces biens en déshérence en zone rurale ?
La ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales répond que la lutte contre le phénomène de biens non entretenus ou abandonnés constitue un enjeu majeur. Lorsque des immeubles privés menacent la sécurité publique sur le territoire d’une commune, celle-ci dispose de plusieurs procédures pour lui permettre de mettre fin à cette situation.
Elle peut mobiliser les propriétaires de biens via les polices administratives générales et spéciales en matière de lutte contre l’habitat indigne. Dans le cadre de ses pouvoirs de police administrative, le maire peut agir au titre de son pouvoir de police administrative générale prévu à l’article L. 2212-2 du Code général des collectivités territoriales (CGCT) pour prescrire en urgence la démolition de l’immeuble.
Il peut également intervenir au titre de son pouvoir de police administrative spéciale relatif aux immeubles menaçant ruine prévu à l’article L. 2213-24 du CGCT, en agissant dans les conditions prévues aux articles L. 511-1 et suivants du Code de la construction et de l’habitation (CCH). Il peut ainsi prescrire la réparation ou la destruction de bâtiments et mettre en demeure un propriétaire, par un arrêté de péril et à l’issue d’une procédure contradictoire, de prendre les mesures nécessaires. Selon les dispositions de l’article L. 511-2, V, du CCH, à défaut de réalisation des travaux dans le délai imparti, le maire peut, sur décision du juge des référés, faire procéder à la démolition.
Dans ce cas il est considéré que la commune agit pour le compte des propriétaires et à leurs frais. Ces frais sont recouvrés comme en matière de contributions directes et un titre de recouvrement est adressé au propriétaire. Si les propriétaires du bien sont défaillants et si elle doit s’y substituer, la commune peut mobiliser plusieurs autres outils.
Le premier outil est la procédure du bien en état d’abandon manifeste, prévue aux articles L. 2243-1 et suivants du CGCT : après une procédure de constat d’un bien non entretenu et un échange avec le propriétaire, elle peut aboutir à une expropriation simplifiée pour cause d’utilité publique avec versement d’une indemnité.
Le deuxième outil est la procédure des biens « sans maître », prévue aux articles L. 1123-1 et suivants du Code général de la propriété des personnes publiques (CGPPP).
En cas de propriétaire inconnu et de non-règlement des impôts fonciers depuis plus de trois ans ou de leur règlement par un tiers, le bien peut être acquis par la commune. S’agissant de la prise en charge des frais engagés par une commune confrontée à une obligation de réaliser des travaux, l’agence nationale de l’habitat (Anah) a mis en place un dispositif de subventions destinées aux communes ou aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) qui réalisent des travaux d’office dans des immeubles privés à usage d’habitation principale suite à la défaillance des propriétaires ou syndicats de copropriétaires à mener à bien les travaux prescrits par un arrêté de police spéciale de lutte contre l’habitat indigne. La subvention s’élève à 50 % du montant hors taxes des travaux prescrits dans l’arrêté. Après avoir bénéficié d’une subvention de l’agence pour réaliser des travaux d’office, la commune ou le groupement de communes recouvre le montant des frais engagés pour leur totalité, que ce soit sur un propriétaire, un exploitant individuel ou sur une copropriété. Même dans ces cas de recouvrement, la subvention reste acquise à la collectivité locale. L’Anah accorde également des aides aux collectivités locales ou à leurs opérateurs, pour le financement du recyclage d’habitat indigne ou dégradé dans le cadre d’opérations de résorption de l’habitat insalubre irrémédiable ou dangereux (RHI) et de restauration immobilière (dispositif Thirori) et pour l’ingénierie des programmes opérationnels intégrant un volet de lutte contre l’habitat indigne, comme la réalisation de diagnostics préalables ou d’études pré-opérationnelles.
Enfin, s’agissant spécifiquement des propriétaires insolvables, il convient de distinguer les deux situations. Pour les personnes de bonne foi mais impécunieuses, la commune peut les orienter – avec l’appui des services de l’État compétents (direction départementale des territoires) – vers la délégation de l’Anah pour étudier leur éligibilité aux subventions accordées pour la réalisation des travaux prescrits par l’arrêté de péril. Pour les personnes de mauvaise foi qui ont organisé leur insolvabilité, il convient de se rapprocher du parquet afin que des poursuites puissent être engagées sur le fondement de l’article L. 511-6 du CCH.