Cass. 1re civ., 2 sept. 2020, n° 19-50013

A l’occasion d’une opération de contrôle menée, en exécution de réquisitions de contrôle d’identité prises par le procureur de la République sur le fondement des articles 78-2, 78-2-1 et 78-2-2 du Code de procédure pénale, les militaires de la gendarmerie nationale procèdent au contrôle d’identité d’un ressortissant marocain en situation irrégulière sur le territoire national. Le lendemain, le préfet prend à l’encontre de l’intéressé une décision portant obligation de quitter le territoire national et une décision de placement en rétention.

Si la réserve d’interprétation émise par le Conseil constitutionnel (Cons. const., 24 janv. 2017, n° 2016-606/607 QPC), selon laquelle les dispositions contestées des articles 78-2 et 78-2-2 précités « ne sauraient, sans méconnaître la liberté d’aller et venir, autoriser le procureur de la République à retenir des lieux et périodes sans lien avec la recherche des infractions visées dans ses réquisitions », n’impose pas qu’un tel lien résulte nécessairement des mentions des réquisitions, il incombe au juge judiciaire, saisi d’une contestation, d’apprécier l’effectivité dudit lien sur la base de ces mentions ou, à défaut, des pièces au vu desquelles les réquisitions ont été prises.

Le premier président de la cour d’appel de Toulouse qui retient que ni les réquisitions du procureur de la République ni aucune autre pièce de la procédure ne permettent d’établir l’effectivité, contestée, du lien entre le lieu des contrôles d’identité et la recherche des infractions visées par ces réquisitions, en déduit exactement que la procédure était irrégulière et que la mesure de rétention ne peut être prolongée.

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Rép. min. n° 30977 : JOAN, 1er sept. 2020, p. 5776, Bessot Ballot B.

L’attention du ministre de l’Économie, des Finances et de la Relance a été attirée sur les procédures de recours à la sous-traitance dans le cadre de grandes opérations françaises de construction. À ce jour, le Code de la commande publique prévoit, sauf exceptions, l’obligation d’allotissement des marchés. La plupart des marchés sont donc réalisés selon cette procédure. Par ailleurs, selon le même code, les groupements d’opérateurs doivent faire agréer par le maître d’ouvrage les entreprises qui le composent, ou les entreprises sous-traitantes qu’elles ont choisies. Toutefois, depuis plusieurs années, la filière de la construction française fait face à une situation concurrentielle qui les fragilise. En effet, le développement de « fabrications détachées » vers des entreprises sous-traitantes européennes, généralement pour des raisons financières est désormais une pratique courante. En conséquence, quelle est la position du gouvernement sur une éventuelle évolution de la réglementation de la commande publique pour tendre vers des procédures plus responsables, respectueuses des obligations des règles de sous-traitance, et qui privilégient l’excellence et le savoir-faire du tissu économique local français ?

Le ministre répond que l’accès des entreprises à la commande publique est un enjeu pour le développement économique des territoires et le soutien et la relance des petites et moyennes entreprises (PME) particulièrement impactées par la crise, ainsi que le souligne l’étude sur la sous-traitance dans les marchés publics publiés par l’Observatoire économique de la commande publique en juillet 2020. Le gouvernement est par ailleurs très attentif à la question des chantiers sous-traités à des entreprises étrangères.

Les principes constitutionnels de la commande publique et les principes de non-discrimination et de liberté de circulation des personnes, des capitaux et des services des traités européens font obstacle à la prise en compte d’un critère géographique dans l’attribution des marchés publics. Le Code de la commande publique offre toutefois aux acheteurs des outils leur permettant de faciliter l’accès des petites et moyennes entreprises locales à leurs marchés. La pratique du sourçage, l’obligation d’allotissement, l’amélioration des conditions financières (hausse du montant des avances) et le recours à des mesures de publicité adéquates permettent ainsi de favoriser l’accès des PME à la commande publique.

Les acheteurs peuvent par ailleurs, au stade de l’attribution des marchés, se fonder sur des critères de nature à encourager les offres locales tels que le développement des approvisionnements directs ou les performances en matière de protection de l’environnement. Il leur est ainsi possible, par exemple, d’apprécier la qualité des offres au regard de l’effort de réduction de gaz à effet de serre notamment pour le transport des fournitures ou les déplacements des personnels. La rapidité d’intervention d’un prestataire peut également être un critère de choix, pour autant qu’il reste justifié au regard du marché public. De tels critères permettent non seulement de sélectionner efficacement les titulaires des marchés publics, mais aussi d’influencer le choix par ces derniers des entreprises sous-traitantes.

Par ailleurs, l’article R. 2193-9 du Code de la commande publique impose aux acheteurs, dans le cadre du contrôle qu’ils effectuent sur les sous-traitants, de rejeter toute offre anormalement basse d’un sous-traitant notamment lorsque celle-ci contreviendrait à la réglementation applicable en matière environnementale, sociale et du travail. La maîtrise de ces outils par les acheteurs doit permettre un meilleur accès des entreprises nationales, et notamment des PME, à la commande publique.

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Cass. 2e civ., 26 août 2020, n° 20-60214

Selon l’article R. 18 du Code électoral, le tribunal statue sur les contestations relatives à la composition de la liste électorale d’une commune sur simple avertissement donné trois jours à l’avance à toutes les parties intéressées. Aux termes de l’article R. 21 du même code, ce délai est exprimé en jours calendaires. Il en résulte d’une part, que sont exclus de la computation du délai le jour où l’audience doit être tenue et le jour où l’avertissement est donné, d’autre part que ce délai peut inclure des jours fériés ou chômés. En vertu de l’article 114 du Code de procédure civile, la nullité de l’avertissement doit être prononcée dès lors que l’irrégularité cause un grief à la partie qui l’invoque.

Pour rejeter l’exception de nullité de la procédure de radiation présentée par l’électrice visée par cette procédure, rejeter sa demande tendant à écarter des débats les pièces produites en cours d’audience et ordonner sa radiation des listes électorales de la commune, après avoir constaté l’irrégularité de l’avis écrit qui lui a été délivré le 10 mars 2020 pour l’audience du 13 mars 2020, le jugement retient d’abord qu’il convient de prendre en compte le fait que la requête du tiers électeur a été déposée tardivement en raison de l’absence de publication de la liste électorale, que la requête n’a pu être traitée par le greffe que le 9 mars 2020 et qu’il était ainsi impossible de respecter le délai prévu à l’article R. 18 du Code électoral au regard des règles de computation.

Le jugement relève ensuite que compte tenu de l’article 3 du protocole n° 1 de la Conv. EDH imposant aux États signataires la tenue d’élections libres « dans des conditions qui assurent la libre expression de l’opinion du peuple » et du principe fondamental d’accès au juge, l’application stricte du délai réglementaire aurait dans le cas de l’espèce, eu pour conséquence de priver le requérant, en raison d’un fait qui ne lui était pas imputable, de la possibilité de solliciter la radiation d’une électrice indûment inscrite.
En se déterminant ainsi par des motifs inopérants, dès lors que le respect des exigences de l’article R. 18 du Code électoral n’était ni matériellement impossible, ni incompatible avec le droit d’accès au juge du tiers électeur, ni contraire aux exigences de l’article 3 du protocole n° 1 précité qui implique la reconnaissance de droits subjectifs comme le droit de voter ou d’être éligible, et sans rechercher comme il y était invité, si l’inobservation du délai d’avertissement de l’électrice contestée ne lui avait pas causé grief en la privant de la possibilité de préparer sa défense, le tribunal ne donne pas de base légale à sa décision.

NOTE : Une demande de radiation n’est pas anodine et la Cour de cassation en surveille avec attention la procédure. Cass. 2e civ., 12 juin 2020, n° 20-60143 

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Marchés publics : les critères environnementaux ont le vent en poupe

C’est ce que nous apprend le site BATIACTU dans un article publié sur son site Internet, intitulé : « Marchés publics : les critères environnementaux ont le vent en poupe ». 

Celui-ci fait suite à la dernière étude réalisée par l’OPQIBI : « Depuis 2002, l’OPQIBI, organisme de qualification de l’ingénierie, effectue tous les deux ans son enquête sur les critères de sélection des candidats et des offres en marchés publics, auprès de donneurs d’ordres. La version de 2020 de l’enquête (1) vient d’être rendue publique, et fait notamment état d’une montée en puissance des critères environnementaux. Le critère des « performances en matière de protection de l’environnement » passe de 49,3% en 2016 à 58,8% en 2020. Les trois premiers critères de sélection restent toutefois les mêmes : la valeur technique (82,4% « toujours » et 16,7% « souvent »), le prix des prestations (73,4% « toujours » et 13,3% « souvent ») et la qualité de l’offre (60% « toujours » et 27,8% « souvent ») ».

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Cons. const., 31 juill. 2020, n° 2020-853 QPC

L’article L. 480-14 du Code de l’urbanisme, dans sa rédaction résultant de la loi du 12 juillet 2010, prévoit que la commune ou l’établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d’urbanisme peut saisir le TGI en vue de faire ordonner la démolition ou la mise en conformité d’un ouvrage édifié ou installé sans autorisation, en méconnaissance de cette autorisation ou, pour les aménagements, installations et travaux dispensés de toute formalité au titre de ce code, en violation de l’article L. 421-8. L’action civile se prescrit en pareil cas par dix ans à compter de l’achèvement des travaux.

Une QPC, transmise au Conseil constitutionnel, fait valoir que ces dispositions permettraient, pendant un délai de dix ans, la démolition de toute construction au seul motif qu’elle méconnaît une règle d’urbanisme, sans qu’il soit tenu compte de la bonne foi du propriétaire ou de la possibilité d’une régularisation. Selon le requérant, ces dispositions porteraient, pour les mêmes motifs et parce qu’elles peuvent conduire à la destruction d’un ouvrage constituant un domicile, une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée.

Le Conseil constitutionnel juge que les limitations apportées à l’exercice du droit de propriété sont justifiées par un motif d’intérêt général et, sous la réserve qu’elles ne soient pas interprétées comme autorisant la démolition d’un tel ouvrage lorsque le juge peut ordonner à la place sa mise en conformité et que celle-ci est acceptée par le propriétaire, proportionnées à cet objectif. Si cette réserve est importante et tient compte d’une partie de la revendication exprimée par la QPC, les dispositions contestées ne méconnaissent pas non plus le droit au respect de la vie privée ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit et sont conformes à la Constitution.

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 Cons. const., 31 juill. 2020, n° 2020-853 QPC

L’article L. 480-14 du Code de l’urbanisme, dans sa rédaction résultant de la loi du 12 juillet 2010, prévoit que la commune ou l’établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d’urbanisme peut saisir le TGI en vue de faire ordonner la démolition ou la mise en conformité d’un ouvrage édifié ou installé sans autorisation, en méconnaissance de cette autorisation ou, pour les aménagements, installations et travaux dispensés de toute formalité au titre de ce code, en violation de l’article L. 421-8. L’action civile se prescrit en pareil cas par dix ans à compter de l’achèvement des travaux.

Une QPC, transmise au Conseil constitutionnel, fait valoir que ces dispositions permettraient, pendant un délai de dix ans, la démolition de toute construction au seul motif qu’elle méconnaît une règle d’urbanisme, sans qu’il soit tenu compte de la bonne foi du propriétaire ou de la possibilité d’une régularisation. Selon le requérant, ces dispositions porteraient, pour les mêmes motifs et parce qu’elles peuvent conduire à la destruction d’un ouvrage constituant un domicile, une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée.

Le Conseil constitutionnel juge que les limitations apportées à l’exercice du droit de propriété sont justifiées par un motif d’intérêt général et, sous la réserve qu’elles ne soient pas interprétées comme autorisant la démolition d’un tel ouvrage lorsque le juge peut ordonner à la place sa mise en conformité et que celle-ci est acceptée par le propriétaire, proportionnées à cet objectif.

Si cette réserve est importante et tient compte d’une partie de la revendication exprimée par la QPC, les dispositions contestées ne méconnaissent pas non plus le droit au respect de la vie privée ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit et sont conformes à la Constitution.

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Conseil d’État, 10e chambre, 29 juillet 2020, req. n° 433876, inédit au recueil Lebon

La SCI « Château de Ferrant » a déposé, le 13 août 2018, une déclaration préalable de travaux en vue de la modification de baies existantes et de menuiseries, de la dépose d’appendices et de la modification de l’angle de la façade nord-est et de la façade nord-ouest du corps central du château de Ferrant. Une décision tacite de non-opposition est née le 13 octobre 2018. Le 15 janvier 2019, le maire d’Issigeac (Dordogne) a délivré à la SCI un certificat de non-opposition à cette déclaration. La SCI « Château de Ferrant » se pourvoit en cassation contre l’ordonnance du 8 août 2019 par laquelle le juge des référés du Tribunal administratif de Bordeaux, statuant sur le fondement de l’article L. 521-1 du Code de justice administrative, a, sur la demande de M. A B, suspendu l’exécution de cette décision.

La contestation d’une décision relative à l’occupation ou à l’utilisation du sol régie par le Code de l’urbanisme est ouverte aux personnes physiques ou morales qui justifient de leur qualité d’occupant régulier ou de propriétaire d’un bien immobilier. A ce dernier égard, une personne qui ne fait état ni d’un acte de propriété, ni d’une promesse de vente, ni d’un contrat préliminaire mentionné à l’article L. 261-15 du Code de la construction et de l’habitation ne justifie pas d’un intérêt de nature à lui donner qualité pour demander l’annulation d’une décision relative à l’occupation ou à l’utilisation du sol régie par le code de l’urbanisme, sauf à ce que, à la date à laquelle elle saisit le juge administratif, elle puisse faire état d’une contestation sérieuse, à son bénéfice, de la propriété de ce bien devant le juge compétent.

Il ressort des énonciations de l’ordonnance attaquée que la décision de non-opposition en litige concerne des travaux qui portent sur un bien qui appartenait initialement à la SCA « Château de Ferrant ». M. A B, associé de cette société, avait été autorisé par son assemblée générale à formaliser une offre d’achat du bien avant que le gérant de la société ne conclue un avant-contrat de vente le 2 janvier 2017 avec des tiers. Le château a cependant été acquis par la société d’aménagement foncier et d’établissement rural (SAFER) d’Aquitaine Atlantique qui avait exercé son droit de préemption le 10 mars 2017, avant de le revendre, le 15 décembre 2017, à la SCI « Château de Ferrant ». Si M. A B a engagé des procédures devant le juge judiciaire, toujours pendantes, pour contester ces actes de vente successifs, il n’a jamais eu la qualité de propriétaire ou d’occupant du château et les procédures engagées ne sont pas susceptibles de lui conférer de plein droit cette qualité. Par suite, en se fondant sur la circonstance que ces éléments étaient de nature à établir le caractère sérieux de la contestation, au bénéfice de M. B, devant le juge judiciaire, de la propriété du « Château de Ferrant », pour en déduire que ce dernier justifiait d’un intérêt pour agir à l’encontre de la décision de non opposition de travaux attaquée, le juge des référés a inexactement qualifié les faits de l’espèce. Il s’ensuit que, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, la SCI « Château de Ferrant » est fondée à demander l’annulation de l’ordonnance qu’elle attaque. 

Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de régler l’affaire au titre de la procédure de référé engagée en application des dispositions de l’article L. 821-2 du Code de justice administrative. 

Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B, qui, ainsi qu’il a été dit plus haut, ne saurait se prévaloir des instances engagées en vue d’obtenir l’annulation des cessions du château de Ferrand pour justifier de son intérêt pour agir, aurait acquis la qualité de propriétaire de ce bien, ni qu’il bénéficierait d’une promesse de vente. Il n’en ressort pas davantage, eu égard à la nature des travaux en cause, à la distance de sept cent mètres qui sépare la maison du requérant de l’immeuble sur lequel porte le projet et à la topographie des lieux, que M. B justifierait d’un intérêt lui donnant qualité pour agir en raison de la proximité de sa propriété avec le château ou de la dépréciation de sa valeur vénale en raison des travaux. 

Il résulte de ce qui précède que M. B ne justifiant pas de son intérêt pour agir contre la décision de non-opposition prise par le maire d’Issigeac, il n’est, dès lors, pas recevable à demander la suspension de son exécution. 

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Décret n° 2020-893 du 22 juillet 2020 portant relèvement temporaire du seuil de dispense de procédure pour les marchés publics de travaux et de fourniture de denrées alimentaires

Les achats publics d’un montant inférieur à 40 000 € HT peuvent, depuis le 1er janvier 2020, être conclus sans publicité ni mise en concurrence. Pour rappel, ce seuil était traditionnellement de 4.000€ HT. Il est monté à 15.000€ HT fin 2011, puis à 25.000€ HT fin 2015. En-dessous de ce montant, l’administration peut contacter directement l’entreprise de son choix, ce que l’on appelle du « gré à gré ».

Pour faciliter la relance économique, le gouvernement a décidé de relever encore ce seuil pour certains marchés publics. Ainsi, un décret du 22 juillet a augmenté provisoirement le seuil pour les marchés publics de travaux à 70.000 € HT (jusqu’au 10 juillet 2021) et à 100.000€ HT (jusqu’au 10 décembre 2020) pour les marchés de fourniture de denrées alimentaires. Pour rappel, en-dessous dudit seuil, les acheteurs doivent veiller à faire une bonne utilisation des deniers publics et à ne pas contracter systématiquement avec un même opérateur économique.

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Conseil d’État, 8e chambre, 22 juillet 2020, req. n° 435660

M. A a demandé au Tribunal administratif de Besançon de déclarer que le sol situé sous le porche soutenant le premier étage de sa maison d’habitation, sur la parcelle cadastrée AB n° 150 de la commune d’Arbois (Jura), n’appartenait pas au domaine public de cette commune. Par un jugement n° 1601101 du 26 avril 2018, ce tribunal a fait droit à cette demande. 

Par une ordonnance enregistrée le 30 octobre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la présidente de la Cour administrative d’appel de Nancy a transmis au Conseil d’Etat, sur le fondement de l’article R. 351-2 du Code de justice administrative, le pourvoi, enregistré le 22 juin 2018 au greffe de cette cour, présenté par la commune d’Arbois contre ce jugement. 

Par ce pourvoi et un mémoire complémentaire, enregistré le 26 novembre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la commune d’Arbois demande au Conseil d’Etat en particulier d’annuler ce jugement.

M. A est propriétaire d’un immeuble situé au 16, grande rue, à Arbois (Jura), implanté sur la parcelle cadastrée AB n° 150, composé de caves, de deux pièces en rez-de-chaussée ainsi que de deux étages soutenus par un porche situé en surplomb d’une portion d’une voie dénommée passage Saint-Vernier.

Par acte du 29 juillet 2014, M. A a assigné la commune d’Arbois devant le tribunal de grande instance de Lons-le-Saunier afin de faire constater l’absence de droit de passage sous le porche de son habitation, qu’il souhaitait clore par des grilles. La commune d’Arbois a, pour sa part, saisi ce tribunal d’une demande reconventionnelle tendant à ce que sa propriété sur le passage soit reconnue par prescription acquisitive, sur le fondement des dispositions de l’article 2261 du code civil.

Par une ordonnance du 9 juin 2016, le juge de la mise en état de ce tribunal a sursis à statuer et invité M. A à saisir le Tribunal administratif de Besançon de la question de savoir si le porche litigieux appartient au domaine public de la commune.

Par un jugement du 26 avril 2018, contre lequel la commune se pourvoit en cassation, ce tribunal administratif a déclaré que la portion du passage Saint-Vernier située sur la parcelle AB n° 150 sous le porche de l’habitation de M. A n’appartenait pas au domaine public de la commune d’Arbois dès lors que cette commune n’en était pas propriétaire. 

Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que la question de savoir qui était propriétaire de la portion de voie située sous le porche de l’habitation de M. A… faisait l’objet d’un débat entre les parties, ce dernier, d’une part, se prévalant de la propriété du sol résultant d’un acte de vente du 19 juin 1957, la commune d’Arbois, d’autre part, demandant que soit reconnu le fait qu’elle avait acquis la propriété de ce même bien par usucapion. En statuant sur cette question, qui relevait de la seule compétence des juridictions de l’ordre judiciaire, alors qu’elle soulevait en l’espèce une difficulté sérieuse, le Tribunal administratif de Besançon a méconnu les règles de répartition de compétence entre les ordres de juridiction. 

Dès lors, et sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, la commune d’Arbois est fondée à demander l’annulation du jugement qu’elle attaque.

Et il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de régler l’affaire au fond, en application des dispositions de l’article L. 821-2 du Code de justice administrative.

Il résulte de l’instruction que le passage Saint-Vernier est ouvert au public au moins depuis la Libération et permet d’assurer la continuité du cheminement des piétons depuis le trottoir bordant la Grand’rue, et notamment des élèves qui se rendent au collège Louis Pasteur ou des visiteurs du musée situé au sein du château Pécauld. Il résulte également de l’instruction du dossier que la commune a fait procéder à ses frais, en 1993, à des travaux de réfection du revêtement du sol de ce passage, lequel fait l’objet d’un entretien régulier par les services municipaux et est pourvu de dispositifs d’éclairage public dont le coût est supporté par la commune, ainsi que d’une signalisation réservant son accès aux seuls piétons. La fraction en litige du passage Saint-Vernier est donc affectée à l’usage direct du public. Elle appartient, en conséquence, au domaine public de la commune, sous réserve que cette dernière en soit propriétaire. Il résulte de tout ce qui précède qu’il doit être répondu à la question préjudicielle adressée par le juge de la mise en l’état du Tribunal de grande instance de Lons-le-Saunier que, sous réserve que la commune d’Arbois en soit bien propriétaire, l’assiette de la partie du passage Saint-Vernier située sur la parcelle AB n° 150 et sous le porche de l’habitation de M. A appartient au domaine public de cette commune.

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Cour d’appel de Paris, Pôle 1 – chambre 3, 22 juillet 2020, RG n° 19/06633

Aux termes de l’article 809 du Code de procédure civile « le président du tribunal de grande instance peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ».

Il résulte de l’article 2 du chapitre 2 relatif à la zone marron – dans laquelle se situe la parcelle acquise par Mme Y X – du PPRI que sont notamment interdits les remblais de toute nature, l’augmentation du nombre de logements par aménagement, les reconstructions sur place, l’aménagement de terrains permettant l’accueil de gens du voyage, l’ouverture ou l’extension de terrains de camping, toutes autres nouvelles constructions non admises à l’article 3 parmi lesquelles ne figure pas l’installation d’une résidence mobile ou d’un mobil-home.

Par décision du maire de la commune de Vaux-le-Penil du 10 juillet 2018, il a été fait opposition au « projet consistant à installer la résidence mobile de Mme X et sa famille pour plus de trois mois consécutifs », comme ne respectant pas les articles 2 et 3 de la zone marron du PPRI (plan de prévention des risques inondation).

C’est par de justes motifs que la cour adopte que le premier juge a, après avoir procédé à une exacte et précise analyse des éléments qui lui ont été soumis par les deux parties, considéré que l’installation litigieuse était sans conteste à visée permanente et constituait dès lors une construction au sens du règlement PPRI non admise par celui-ci, ayant en outre fait l’objet d’une décision d’opposition, et qu’il apparaissait avec l’évidence requise en référé que l’installation mise en place par Mme Y X méconnaissait les règles d’urbanisme, la violation de la loi qui en résulte générant un trouble manifestement illicite au sens de l’article 809 précité.

Toutefois, s’il appartenait au premier juge de procéder à un contrôle de proportionnalité de la mesure de démolition sollicitée au regard de l’atteinte portée au droit au respect du domicile et à la protection de la vie privée et familiale de Mme Y X et de ses jeunes enfants -tiré de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales- et de déterminer la mesure la plus appropriée à l’objectif poursuivi, il apparaît que la récente acquisition de la parcelle par Mme Y X et la plus récente encore installation de sa résidence mobile sur ladite parcelle, sa complète connaissance préalable de la réglementation d’urbanisme s’opposant à son projet d’installation et l’absence d’une quelconque tolérance de la commune à cet égard ne pouvaient conduire le premier juge à n’ordonner aucune mesure.

S’il ressort de l’ordonnance entreprise que Mme Y X et ses trois enfants ont établi à Vaux-le-Penil et dans son environnement immédiat le principal centre de leurs intérêts personnels – ce qui au demeurant n’est pas remis en cause par la commune -, il n’est pas démontré qu’il n’existe aucune solution de relogement dès lors que la commune de Vaux-le-Penil dispose d’une aire d’accueil des gens du voyage d’une capacité de 12 places sur laquelle Mme Y X a déjà stationné et que, selon un courrier du maire du 27 mars 2019, cette dernière n’a à ce jour pas déposé de dossier de demande de logement auprès du service communal de la ville.

En conséquence, il convient d’infirmer l’ordonnance entreprise et, au vu de la gravité de la violation des règles d’urbanisme issues du PPRI qui poursuivent un but de protection des personnes et des biens, de faire droit à la demande de démolition de la commune tout en accordant à Mme Y X, pour ce faire, un délai minimum d’une année, jusqu’au 1er septembre 2021, afin de lui permettre de se reloger avec ses enfants – pour certains scolarisés – et ne pas compromettre de manière excessive son droit au respect de son domicile, selon les modalités précisées au dispositif et conformément à l’article L 480-9 du Code de l’urbanisme. Mme Y X, qui succombe, supportera la charge des dépens de première instance et d’appel.

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